Quels leviers le gouvernement peut-il actionner pour se faire une place dans la bataille de l’intelligence artificielle (IA) ? Alors que se tient lundi un sommet à Paris sur cette technologie qui a déjà bouleversé des pans entiers de la société et du monde du travail, l’exécutif s’active pour que la France puisse rivaliser avec les États-Unis et la Chine dans ce domaine. Quelques heures avant l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron sur France 2, son ministre de l’Économie et des Finances a assuré qu’elle a tous les atouts pour y parvenir. Invité dimanche du « Grand Jury RTL-Le Figaro-M6-Public Sénat », Éric Lombard, également en charge de la Souveraineté industrielle et numérique, a tout d’abord enjoint aux Français de télécharger l’application MistralAI - cet agent conversationnel mis au point par une start-up hexagonale et disponible depuis jeudi dernier.
Face au géant ChatGPT, robot de l’entreprise américaine OpenAI, le patron de Bercy a jugé que la « qualité » du produit tricolore est « aussi bonne, sinon meilleure » que son concurrent outre-Atlantique. Après que le président de la République a appelé vendredi dans la presse régionale les chefs d’entreprise et investisseurs au « patriotisme économique et européen » en matière d’IA, Éric Lombard a surtout exhorté « à ne pas être défaitiste ».
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« Sur l’intelligence artificielle, nous sommes au meilleur niveau mondial », veut croire l’ancien patron de la Caisse des dépôts, en vantant la grande « agilité » française en la matière, malgré ses faibles investissements qui contrastent avec les 500 milliards de dollars promis par les États-Unis dans le cadre du plan Stargate. Peu importe le niveau des montants « déversés » par Donald Trump, Éric Lombard assure que la France a « des résultats qui sont tout à fait au niveau » de ses concurrents étrangers.
«Un pays attractif»
Il n’empêche, la France ne peut pas développer cette technologie sans d’autres ressources financières que les siennes. Alors que trente-cinq sites « prêts à l’emploi » ont été identifiés par l’exécutif pour accueillir des data centers - ces énormes structures conçues pour permettre l’entraînement des modèles d’IA -, le fonds canadien Brookfield s’est engagé à donner 20 milliards d’euros pour en construire une dans le Nord.
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Tout comme les Émirats arabes unis qui ont l’intention de construire un centre de données dans l’Hexagone pour un montant compris entre 30 milliards et 50 milliards d’euros. Si ces investissements étrangers sont nécessaires pour mener cette bataille mondiale, ils posent, au-delà des potentielles menaces qui accompagnent l’IA, des enjeux de souveraineté. « On veut rester un pays attractif », a répliqué Éric Lombard, qui plaide pour la « construction de géants européens » sur le plan industriel.
Quand il y aura une certaine maturité, il faudra passer à l’échelon européen, c’est comme ça que l’on pourra réussir à être au même niveau que les Chinois ou les Américains
Éric Lombard, ministre de l’Économie et des Finances
Faut-il alors mettre sur pied un « Airbus de l’intelligence artificielle » à l’échelle du Vieux Continent, comme l’Europe avait su le faire dans les années 1960-1970 dans le secteur aéronautique et spatial ? « Avant de faire Airbus, il faut qu’il y ait des éléments constitutifs qui naissent (dans chaque pays, NDLR). Il y a une phase de champions nationaux sur laquelle la France est leader en Europe, a fait valoir le ministre de l’Économie. Quand il y aura une certaine maturité, il faudra passer à l’échelon européen, c’est comme ça que l’on pourra réussir à être au même niveau que les Chinois ou les Américains. »