« La Mer au loin » de Saïd Hamich Benlarbi : le temps long de l’exil

En écrivant « la Mer au loin », récit d’apprentissage doublé d’une histoire d’amour tempétueuse, Saïd Hamich Benlarbi a pensé à « l’Éducation sentimentale » de Flaubert. Découpé comme un livre avec des chapitres et des ellipses, le film suit Nour (Ayoub Greeta), jeune Marocain sans papiers, tout au long des années 1990 ravagées par le sida et le chômage. Arrivé clandestinement à Marseille, il traîne avec une bande de jeunes braqueurs et vit dans des squats.

Quand une descente de police met brutalement fin à cette existence sur le qui-vive, il rencontre Serge (Grégoire Colin), un flic bisexuel qui brûle sa vie dans des hôtels interlopes fréquentés par les travestis. À sa mort, Nour épouse Noémie (Anna Mouglalis), sa veuve, et obtient finalement la nationalité française. Intitulée « le Retour », la quatrième partie confronte le jeune homme à sa mère, une femme dure dont l’anathème exprime la fracture avec le pays d’origine.

L’ombre des mariages blancs

Porté par la mélancolie du raï, avec en point d’orgue l’assassinat de Cheb Hasni, en 1994, ce deuxième long métrage fait ressentir la douleur de l’exil sur le temps long et dans toute sa complexité. Autour de Nour, spectateur de sa vie, les personnages secondaires expriment une diversité de situations : Houcine, ouvrier agricole dont la femme et les filles sont restées au pays ; Fadela, mariée avec un Français après avoir été trahie par l’homme pour qui elle a émigré.

Derrière chaque vie se profile l’ombre des mariages blancs qui font peser le soupçon sur la sincérité des sentiments. L’image de Tom Harari joue sur le contraste entre la froide lumière de l’hiver et les couleurs chaudes des scènes de fêtes nocturnes. Face à Ayoub Gretaa, dont le visage insondable et le mutisme en disent aussi long que les dialogues parcimonieux, Anna Mouglalis est magnifique dans le rôle d’une femme qui arbore une liberté farouche, contre vents et marées.

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La Mer au loin de Saïd Hamich Benlarbi, France-Maroc-Belgique, 117 min, au cinéma le 5 février.

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