Notre critique de Strip-tease intégral : bimbos, autopsie et zéro déchet
C’était il y a quarante ans déjà. L’émission belge « Strip-tease » faisait ses débuts à la RTBF avec ses principes télévisuels innovants (pas de journaliste à l’écran, pas de voix off, pas d’interview, pas de jugement…). Cette manière singulière de faire des reportages avait soulevé un vent de liberté rafraîchissant et suscité quelques moments de télé inoubliables.
Après l’arrêt de ce programme culte belge qui faisait les joies des soirées de France 3, Jean Libon et son équipe avaient poursuivi leurs drôles d’investigations au cinéma. En 2017, Ni juge ni soumise brossait le portrait d’une juge d’instruction hors norme, Anne Gruwez. Puis en 2021, Poulet Frites suivait en noir et blanc l’enquête d’un flic bruxellois sur les traces de l’assassin d’une prostituée.
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Avec « Strip-tease intégral », nous voici de retour aux fondamentaux. Le film propose cinq reportages différents, aussi jubilatoires qu’attachants, mais dont le point commun s’attache à décrire cette étrange comédie humaine passée au crible de « l’esprit Strip-tease ». Déshabiller à l’écran le comportement de nos chers contemporains a toujours été la spécialité du programme. Mais, cette fois, Jean Libon et ses acolytes poussent la méthode jusqu’à la dissection. Littéralement.
Médecin et transformiste
Le premier reportage est le plus ébouriffant. Nous suivons deux influenceuses à Dubaï, portables greffés à la main. Ces bimbos cabriolantes affichent sans vergogne faux ongles, faux seins, fesses refaites et faux cils. Les dialogues sont affligeants. Le vide à l’état pur. Ces demoiselles sont là pour se faire poser des facettes à paillettes sur les dents. L’opération n’ira pas sans souffrance. Derrière cette armure de chirurgie esthétique, on devine que ces filles hypersexualisées (qui ne sont en couple avec personne) évoluent dans un monde qui hurle son cynisme, sa tragique solitude, et son consumérisme forcené.
Sans transition, un autre reportage plonge le spectateur au Festival d’Avignon, où Coline, truculente quinquagénaire accompagnée de son mari ingénieur du son, a loué un local pour y montrer son premier one-woman-show. L’ego trip va-t-il se heurter à la triste réalité ? Suspense… Il sera aussi question d’une famille croyante menée d’une main de fer par une mère au foyer obsédée par le « zéro déchet », sans oublier un mari médecin hypocondriaque, qui va de rendez-vous médicaux en consultations hospitalières.
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Mais c’est le dernier reportage, « Bidoche », qui décroche le pompon. Jean Libon suit un jeune médecin légiste. Baskets à clous aux pieds, il effectue une autopsie sur un cadavre, avant de se produire dans un cabaret transformiste. Même si la caméra se tient à distance respectable, la séquence est presque insoutenable, tant le son est édifiant voire dérangeant.
On ressort aussi hilare que chamboulé par cette mosaïque de récits. La force de « Strip-tease intégral », c’est que ces cinq documentaires perturbants, aussi drôles qu’inquiétants, dressent le portrait d’une société humaine bien détraquée où flotte l’entêtant parfum d’une folie douce sacrément cruelle.
Note du Figaro : 3/4