Maltraitance, décès... Près de Cannes, un maire alerte sur la situation «préoccupante» d’un Ephad
Le traitement réservé à nos aînés dans les maisons de retraite médicalisées fait l’objet d’une extrême vigilance depuis le scandale des Ehpad Orpéa, révélé il y a deux ans dans Les Fossoyeurs, un livre de Victor Castanet. Le journaliste d’investigation y pointait des fraudes financières mais surtout de nombreux cas de maltraitances. À présent, aucune alerte en la matière n’est mise de côté.
C’est ainsi que le maire de Biot (Alpes-Maritimes) a pris la plume mercredi pour alerter l’Agence régionale de santé (ARS Paca) sur des faits présumés de maltraitances et de négligences au sein de l’Ehpad associatif Les Restanques, situé sur sa commune. Dans ce courrier, que nous nous sommes procuré, Jean-Pierre Derlit explique avoir été prévenu le 18 janvier par quatre familles biotoises de résidents, «dont certaines ont subitement perdu leur proche», ainsi que par un médecin traitant de Biot.
Malnutrition, vols, propos malveillants...
L’édile évoque des résidents dénutris «du fait d’une quantité de nourriture insuffisante et de mauvaise qualité» ; des biscuits périmés découverts dans l’une des chambres des résidents ; des fournitures de type couches en quantité insuffisante ; le décès prématuré de l’un des résidents quelques jours après son entrée dans l’établissement «alors que cette personne ne présentait pas de pathologie pouvant soudainement entraîner la mort» ; des vols à répétition (vêtements, bijoux, appareils auditifs...) ; des propos malveillants «de la part d’une partie du personnel» ; une coordination «inefficace» de l’équipe de direction...
Trois de ces familles ont par ailleurs déjà contacté les services de l’ARS ainsi que le ministère de la Santé par lettre recommandée «afin d’alerter les autorités compétentes sur les conditions préoccupantes de cet établissement», précise le maire dans son courrier. Plus grave, Jean-Pierre Derlit rapporte le constat du médecin traitant d’un nombre «anormalement élevé» de décès de résidents sur la période de début décembre 2024 à janvier 2025. 12 décès en un mois et demi, écrit-il.
Le généraliste lui aurait aussi fait part de son inquiétude s’agissant de «l’amaigrissement soudain et conséquent» de 21 de ses patients résidents à l’Ephad, qui auraient perdu pour certains 4 à 5 kilos en un mois, «et jusqu’à 19 kilos en un an». Il serait enfin question d’un manque général de personnel «qualifié» entraînant «une négligence des résidents». Devant ce constat, le maire réclame à l’ARS le déclenchement au plus vite d’une inspection de l’Ehpad et la mise en œuvre de mesures nécessaires «au rétablissement du bien-être et du respect des résidents».
Tout est tracé et signalé à la tutelle à travers la procédure dite des ’évènements indésirables’. Ça, les familles ne le savent peut-être pas, mais l’on ne cache rien
Éric Aiello, président de l’association Sud Générations.
Sollicitée, l’ARS indique que dans le cadre de la campagne nationale d’inspection des Ehpad, le directeur général de l’ARS Paca a diligenté une inspection aux Restanques de Biot, menée conjointement avec le Conseil départemental des Alpes-Maritimes, en mai dernier. À la suite de quoi «des mesures ont été prises, incluant trois injonctions prononcées en novembre 2024», précise l’Agence régionale de santé. Et d’ajouter : «Le suivi de cette inspection fait toujours l’objet d’une attention particulière de la part de la délégation départementale. La demande du maire a bien été prise en compte et fera l’objet d’un suivi attentif par les services compétents».
De son côté, la direction des Restanques dit jouer la parfaite transparence. «Nous sommes sous tutelle du département et de l’ARS, le contrôle fait partie du contrat, c’est tout à fait normal. D’ailleurs, après le courrier du maire, nous avons nous-même sollicité une nouvelle inspection, indique Éric Aiello, président de l’association Sud Générations, à la tête de 25 maisons de retraite. Tout est tracé et signalé à la tutelle à travers la procédure dite des ’évènements indésirables’. Ça, les familles ne le savent peut-être pas, mais l’on ne cache rien». Éric Aiello assure, en outre, qu’il n’y a pas plus de sujet de maltraitances aux Restanques que dans n’importe quel autre Ephad : «J’en suis même certain», insiste-t-il. «Certaines actions nous ont été demandées. Nous sommes en train d’y répondre», se défend-il.
Manque d’effectifs et souffrance au travail
À l’en croire, le vrai sujet serait ailleurs, du côté des embauches et de la souffrance du personnel. «Recruter, ce n’est pas facile, et ça l’est encore moins dans les maisons de retraite après ce qu’il s’est passé et ce que l’on a entendu (la publication du livre Les Fossoyeurs , NDLR)», développe-t-il. Le récit de Victor Castanet aurait selon lui «fait beaucoup de mal à la profession», participant d’une crise des vocations difficile à pallier. «Fidéliser les équipes est également de plus en plus dur. Et bien sûr, faire appel à des CDD ou à de l’intérim n’offre pas les mêmes garanties, la même stabilité. Il est toujours préférable qu’un résident garde le même soignant tous les jours pendant des mois, plutôt qu’un nouveau chaque semaine qui ne fait que des soins techniques», analyse-t-il. Aujourd’hui, le ratio au Restanques serait de 6,9 membres du personnel pour 10 résidents. «On est dans la moyenne», note Éric Aiello.
S’agissant des lourdes accusations qui planent au-dessus de l’Ehpad azuréen, notamment les morts prématurées, le président de Sud Générations pioche un argument tout trouvé : «Si nous tuons soi-disant les gens si rapidement, comment expliquer que nous ayons depuis dix ans pour résidente la doyenne du département, qui a fêté récemment ses 111 ans ?» Éric Aiello se dit «démoralisé» devant ces accusations qui n’émanent «que de trois ou quatre familles sur 80» et qui nourrissent une certaine «folie médiatique».