Guerre en Ukraine : au sein de l’armée russe, le nombre de cas de VIH a explosé depuis le début du conflit

Si les troupes russes essuient des pertes massives en Ukraine depuis le début de la guerre, elles doivent également faire face à un ennemi inattendu. En leur sein, les taux de contamination au VIH montent en flèche, comme le révèle un rapport de Carnegie Politika, un institut de recherche indépendant sur la Russie, basé à Berlin, qui recense des données du ministère de la Défense. Le nombre de nouveaux cas de VIH détectés dans les forces armées à la fin de l’année 2023 était vingt fois supérieur à celui d’avant la guerre. Par ailleurs, comme le relate le média britannique The Telegraph, 20 % des soldats russes pourraient être séropositifs, selon les calculs des autorités ukrainiennes, se basant sur le taux d’infection des soldats capturés.

Cette explosion des cas proviendrait des nombreuses transfusions sanguines réalisées sur le front mais aussi de la réutilisation de seringues dans les hôpitaux de campagnes. Deux autres modes de transmission sont pointés par ce rapport : les rapports sexuels non protégés (notamment avec des prostituées) et le partage des seringues lors de la consommation de drogue. Selon l’institut, qui se réfère aux témoignages de journalistes indépendants, «ces deux pratiques sont répandues dans une armée composée d’hommes qui vivent chaque jour comme si c’était le dernier, et qui gagnent bien leur vie».

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1,1 million de cas de VIH en Russie

La Russie est particulièrement affectée par l’épidémie du Sida et se classe parmi les cinq pays du monde avec les taux d’infection les plus élevés. Il y aurait 1,1 million de cas de VIH enregistrés, et peut-être même davantage en raison d’un sous-diagnostic et d’un recensement des données fragmentaire. Selon Vadim Pokrovsky, le directeur du Centre méthodologique fédéral russe pour la prévention du VIH/SIDA, cité par le quotidien britannique The Times, 30 000 Russes en âge de travailler mourraient chaque année du Sida. Le pays afficherait la plus forte prévalence (nombre total de personnes atteintes par une maladie dans une population donnée à un moment défini, NDLR) avec 240 000 personnes vivant avec le virus.

Selon l’Onusida, les autres pays dans lesquels on compte le plus de nouvelles contaminations sont l’Afrique du Sud, le Mozambique, le Nigeria et l’Inde, les deux derniers ayant des populations bien plus importantes que la Russie. L’agence onusienne estime que la Russie représenterait à elle seule 4% des infections mondiales au VIH en 2021, alors qu’elle compte moins de 2% de la population mondiale. Des données rejetées par la Fédération de Russie, qui les qualifie de «propagande».

Interdiction de l’éducation sexuelle et fermeture forcée des centres de soin

L’institut Carnegie estime que les raisons qui empêchent le virus de régresser - comme dans la majorité des pays depuis les années 1990 - sont essentiellement politiques. La Russie est l’une des dernières grandes nations à interdire les traitements de substitution, consistant à remplacer l’usage illégal d’opiacés par un usage contrôlé de méthadone. Par ailleurs, l’éducation sexuelle autour des méthodes de contraceptions et de l’utilité des tests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles a été interdite dans les établissements scolaires.

Certaines associations caritatives dénoncent également des lois discriminatoires réduisant drastiquement l’accès à la prévention et aux soins. La loi sur les «agents étrangers» a, par exemple, contraint plusieurs groupes de prévention contre le VIH, à réduire, voire à cesser leurs activités ces dernières années. En avril 2025, le parquet général russe a annoncé que la fondation Elton John AIDS, qui lutte contre le sida dans le monde depuis plus de 30 ans, venait d’être classée «indésirable». Ses antennes ont ainsi été contraintes de fermer leurs portes. Le Times affirme aussi, citant des médias russes en exil, que les centres de soin et de dépistage du VIH ont pratiquement disparu des régions d’Ukraine occupées par l’armée russe, comme Kherson.