Budget : les députés votent en faveur de la loi spéciale pour reconduire la perception des impôts

Les débats n’auront pas duré longtemps. Ce lundi après-midi, à l’Assemblée, les députés ont très majoritairement voté en faveur du projet de loi spéciale présenté en urgence par le gouvernement démissionnaire après la censure votée contre Michel Barnier. À 481 voix pour - 0 contre et 63 abstentions -, l’Assemblée a donc adopté ce texte dont l’objectif premier est d’assurer «la continuité des services publics et de la vie du pays», dixit le président de la République, Emmanuel Macron. Après le rejet du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et l’enlisement de celui de finances pour 2025 et en attendant que le nouveau gouvernement les remette à l’ordre du jour - probablement début 2025 -, cette loi, qui sera débattue au Sénat mardi, va autoriser l’État à continuer de percevoir les impôts existants et à reconduire les dépenses au même niveau que 2024. 

Un texte «technique» que certaines oppositions n’ont pas manqué de politiser. Particulièrement après la décision prise par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, de retoquer les amendements des députés Insoumis et RN visant à indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu. Suivant un avis publié par le Conseil d’État en milieu de semaine dernière - qui jugeait que cette mesure ne faisait pas partie des dispositions ayant leur place en loi spéciale -, l’occupante du Perchoir s’est attirée les foudres de certains députés. Une stratégie du «chaos irresponsable», a critiqué Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI, sur les réseaux sociaux.

Un avis qui ne met pas tout le monde d’accord au sein des oppositions. «Est-il vraiment grave de respecter la Constitution quand on est présidente de l’Assemblée nationale ?», interroge, moqueur, l’écologiste Jérémie Iordanoff, vice-président de l’institution. Même Éric Coquerel, président LFI de la commission des finances, n’a pas souhaité polémiquer sur ce choix, lors de sa prise de parole dans l’Hémicycle. D’autant que le vote d’une loi budgétaire début 2025 empêchera - c’est ce que redoutent les députés ayant déposé ces amendements - que certains Français non-imposés jusqu’à présent ne le deviennent en 2025. «Comme des gamins qui piquent un sac de billes, ils ont essayé de faire rentrer ce qu’ils avaient volé. Ils défendent le pouvoir d’achat mais ils font les poches», tempête le député MoDem Philippe Vigier.

Consensus avant la véritable bataille

Au cours des débats, tous en sont convenus, cette loi d’urgence, qui répond à «une situation exceptionnelle et grave», dixit le ministre démissionnaire de l’Économie, Antoine Armand, n’est qu’un pansement en attendant deux véritables textes pour doter l’État d’un budget. «Ce texte ne préempte en aucun cas les futures discussions budgétaires. Il n’a qu’un objectif : assurer à titre exceptionnel et transitoire la continuité de la vie de la nation. Cette loi spéciale permet d’éviter le shutdown», a de son côté insisté le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin.

Au cours de la discussion, toutes les oppositions ont fait savoir qu’elles ne s’opposeraient pas à cette loi, avant de revenir sur les raisons de la censure votée contre le gouvernement Barnier. «La censure n’est pas l’origine ni la cause de l’instabilité politique. Elle était politiquement nécessaire car l’Assemblée nationale représente le peuple français», a défendu Éric Coquerel (LFI). «Il n’y aura pas de ’shutdown’. La France tient debout sans vous, malgré vous, et contre vous. Les cartes vitales fonctionneront, les fonctionnaires seront payés, les retraites seront versées», a ensuite tempêté le député RN Jean-Philippe Tanguy, accusant le camp présidentiel d’avoir fait preuve d’alarmisme. «Le macronisme ne tient que par les peurs et les angoisses que vous agitez», a-t-il également pilonné.

Alors que la note de la France a été dégradée par l’agence de notation américaine Moody’s, les débats budgétaires qui auront lieu début 2025 ont largement animé les discussions. «La loi spéciale a l’inconvénient de mettre terriblement sous pression le Parlement», a regretté le socialiste Philippe Brun, pointant le risque que la France se retrouve en «cessation de paiements», fin mars, en l’absence de vote d’un projet de loi de finances. Et appelant le gouvernement à «ouvrir le dialogue» avec la gauche «pour sortir de la crise et rééquilibrer l’effort entre les Français qui travaillent et les grandes entreprises».

Pour le nouveau premier ministre, François Bayrou, les consultations amorcées ces derniers jours et la composition de son futur gouvernement seront donc capitales en vue des débats budgétaires à venir. En attendant, d’ici la fin de l’année, les députés seront au chômage technique.