« Il me terrifie » : le mystère Elon Musk au cœur de deux ouvrages
Dans La Confrontation, la romancière Clara Dupont-Monod prête au patron de SpaceX les traits d’un héros maléfique tandis que la chercheuse Asma Mhalla le dépeint, dans l’essai Cyberpunk, comme le pionnier d’un monde « techno totalitaire ».
Passer la publicité Passer la publicitéComment percer le mystère Elon Musk ? Deux autrices françaises s’y risquent dans deux livres : la romancière Clara Dupont-Monod le transforme en héros maléfique et la chercheuse Asma Mhalla le dépeint comme le pionnier d’un monde « techno totalitaire ».
« Honnêtement, Elon Musk me terrifie », avoue Clara Dupont-Monod, qui publie son roman La Confrontation, mercredi 15 octobre. Dans ce livre de 160 pages, la romancière met en scène un homme se présentant comme Elon Musk qui, au cours d'un séjour en France, « pète un plomb, prend une classe de maternelle en otage et engage une longue conversation avec le négociateur du GIGN ».
Passer la publicitéClara Dupont-Monod ménage le suspense : le forcené est-il vraiment Elon Musk ? Qui va sortir vainqueur de la joute verbale ? Les enfants vont-ils être relâchés ? L'autrice, qui a connu le succès avec son récit S'adapter en 2021, a voulu écrire « une fable », un genre littéraire qui permet de « manier l'outrance pour parler du réel ». « C'est aussi une façon pour moi d'humaniser Elon Musk », le patron de Tesla et de SpaceX, explique-t-elle à l'AFP. Elle le dépeint en homme « hypersensible » jetant un regard totalement désabusé sur les nouvelles technologies.
« Bientôt nous nous tournerons vers l'IA, la langue pendante, le regard suppliant, parce que nous aurons oublié le code d'alarme de la maison ou notre date de naissance, parce que nous devrons tenir une conversation ou mettre en route un lave-vaisselle. Nous serons bientôt incapables de mémoriser, d'argumenter, de penser. L'espèce humaine a décidé et planifié sa propre lobotomie, alors que puis-je y faire ? », fait dire la romancière à l'homme le plus riche du monde.
Clara Dupont-Monod, 52 ans, pense que sa génération est « la dernière à pouvoir allumer les 'warnings', les alarmes, sur les risques des nouvelles technologies ». « Les enfants d'aujourd'hui, qui vont baigner dedans, ne pourront pas le faire », s'inquiète-t-elle. « La fiction est un outil redoutable pour faire passer des idées et aider les romanciers à être, modestement, des lanceurs d'alerte », selon elle.
Cyberpunk de Asma Mhalla
Dans son essai Cyberpunk (Seuil), la politologue Asma Mhalla met aussi en garde contre « le nouveau système totalitaire » que contribue à mettre en place Elon Musk. Le titre fait référence au genre de la science-fiction écrit par des auteurs américains de la deuxième moitié du XXe siècle, comme Bruce Sterling ou Philip K. Dick, dont l'un des romans a inspiré le célèbre film Blade Runner, de Ridley Scott, en 1982.
Dans l'imaginaire cyberpunk, « la cage de fer technologique est omniprésente, quadrillant un monde surpeuplé, surpollué, où errent des individus désabusés et isolés dans des mégapoles désenchantées sur lesquelles règne un pouvoir ultra-centralisé, monopolisé par des mégacorporations », résume Asma Mhalla.
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Passer la publicitéSelon elle, « la dystopie cyberpunk est là », devenue réalité avec l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche grâce au soutien des patrons de la Silicon Valley, Elon Musk en tête. « L'alliance entre une frange techno réactionnaire et un milliardaire démagogue et autoritaire dessine l'ombre d'un (techno)fascisme possible du XXIe siècle. À moins qu'ils ne finissent par se manger entre eux », prédit-elle.
Dans ce contexte, Elon Musk ne se fixe aucune limite et veut repousser les frontières, notamment en colonisant Mars. Mais, écrit Asma Mhalla, il « propose une conquête privée » de cette planète avec sa société SpaceX et ses lanceurs réutilisables Starship.
« Mars sera un monde fabriqué par et pour les riches, ses pairs et ses semblables. Sous un mode totalitaire, quelques élus seront sauvés, les autres seront sacrifiés sur une Terre laissée en déshérence », s'alarme-t-elle. Cyberpunk est un succès depuis sa sortie, avec 10 000 exemplaires écoulés en deux semaines, un bon score pour un essai, selon son éditeur Seuil.