«Il hurlait à la mort» : quand voyager en avion avec son chien en soute tourne au cauchemar

«Mon chien hurlait à la mort, plus je m'approchais plus il hurlait», se souvient Pauline*. Cette mère de famille, propriétaire d'un Cocker nommé «Unik», se rendait en 2023 à Toulouse depuis Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, avec une escale à Paris CDG. Une fois arrivée à destination, la nouvelle tombe comme un coup de massue : son chien est porté disparu. La femme, en larmes, tente tant bien que mal d'alerter le personnel au sol. En vain. «Tout le monde s'en fichait. Un pompier m'a même dit “Ça va, ce n'est qu'un chien”». Après une heure qui lui a semblé être une éternité, un deuxième pompier l’accompagne finalement près des bagages oubliés. Son petit compagnon est là, vivant, mais sous le choc. «J’ai mis plusieurs heures à m’en remettre» confie-t-elle, encore émue.

Une fois, mais pas deux. «Même sur un vol court courrier, je ne le referai pas», assure Pauline. La propriétaire d'Unik parle en connaissance de cause : elle est elle-même hôtesse de l'air, et a une petite idée de la façon dont sont traités les animaux sur le tarmac… «Je suis outrée. Moi, je les vois, ils sont traités comme des valises», confie la mère de famille. «En cas de correspondance, ils restent dans leur cage tout le long. On est parfois à la limite de la maltraitance animale», déplore-t-elle, regrettant également que le sujet reste tabou au sein des compagnies.

«On m’a annoncé qu’elle était morte»

Comme Pauline, de nombreux propriétaires d’animaux s’inquiètent à l’idée de prendre l’avion avec leur compagnon à quatre pattes. Certaines affaires passées ont en effet pu ternir l’image des compagnies aériennes à leurs yeux, car si le petit Unik a finalement bien été retrouvé, d'autres n'ont pas eu cette chance. Sept ans plus tôt, en 2016, le décès en soute d'un bouledogue a causé de l'émoi dans toute la France. Emilien, étudiant à l’époque, s'envolait pour emménager à Dakar, avec une escale à Casablanca sans se douter que ce serait la dernière fois qu'il verrait son chien. Aux portes de l’embarquement de son deuxième vol, le jeune homme est interpellé par un agent de la Royal Air Maroc, compagnie avec laquelle il voyageait. «J’ai entendu mon nom au micro. Je me suis rendu auprès d’un membre du personnel, qui m’a annoncé que ma chienne, Gaby, était morte, et qu’elle serait enterrée au Maroc». Ce seront les seules informations dont il disposera à ce moment-là. La compagnie refusera de montrer le corps de la petite Gaby à son maître, «pour des raisons sanitaires». Seul un récépissé de «bagage égaré» - les animaux étant considérés comme des bagages d’après la convention de Montréal - lui sera fourni lors de son arrivée à Dakar.

Relayée en masse sur les réseaux sociaux et par les médias, notamment grâce à la pétition lancée par le jeune homme qui a rassemblé plus de 95.000 signatures,, l’histoire l’aura suivi pendant des années. «L’affaire est allée devant le tribunal. J’ai eu un certificat d’incinération trois jours après son décès. Qu’ont-ils fait de Gaby pendant ces trois jours?». Emilien aurait été contacté par un haut responsable de la compagnie, qui lui aurait confié en marge du procès que «son chien était mort asphyxié», et qu’ils auraient pu «passer par un avocat pour éviter la case tribunal». Plusieurs compagnies aériennes interdisent désormais les chiens à nez retroussé de races carlin, un autre bouledogue étant décédé en juillet 2019 sur un vol Air France ralliant Cayenne à Orly. Et ce, en raison de «leur fragilité cardiorespiratoire» innée, détaille Christian Jouaneau, vétérinaire fortement impliqué dans la protection animale. De tristes histoires qui n’ont fait qu'amplifier les inquiétudes quant à la sécurité des animaux en soute.

Les compagnies aériennes se défendent

Contactée, Air France rappelle à l’écrit la marche à suivre. Tout chat et chien dont le poids est supérieur à 8kgs doit obligatoirement voyager en soute. La compagnie se veut rassurante «Le bon chargement et déchargement sont assurés/surveillés par les équipes de chargement Air France et prestataires si délégation selon l'aéroport de départ», affirme-t-elle. Mais Pauline, hôtesse de l’air pour un autre groupe, est sceptique «Dès que c’est sous-traité, la compagnie n’a aucun contrôle sur les conditions de leur transport. Ils s’en fichent».

Du côté de la compagnie tricolore, des efforts semblent avoir été faits. Et pour cause : Air France compagnie affirmait au Figaro en avril 2023 que l’augmentation de ses tarifs pour le transport d’animaux était notamment due aux «coûts importants liés à toutes les attentions déployées en amont et en aval du vol pour garantir la santé et la sécurité des animaux pris en charge».

Quant aux escales, angoisse supplémentaire pour les voyageurs, Air France recommande de prévoir au moins «4 h 30 à Paris-Charles de Gaulle, - 3 h à Paris-Orly, - 2 h pour les autres correspondances» entre les vols. Un temps nécessaire pour «récupérer vos bagages et votre animal, puis effectuer les formalités d'enregistrement sur votre vol suivant». D’autres compagnies aériennes sont plus catégoriques, et interdisent tout bonnement les animaux à bord de leurs vols, à l’instar de Ryanair ou encore d’EasyJet, qui n’acceptent que les chiens guides ou d’assistance sur certains trajets.

Le risque de «l’imprévisibilité» de l’animal

Pour Christian Jouaneau, la température et le niveau d’anxiété de l’animal doivent aussi être pris en compte. «Les chiens ne transpirent pas. Ils régulent leur température corporelle avec l’halètement. S’ils stressent en soute et s’agitent, ils auront plus de mal à respirer», explique l’expert. Parmi les solutions, administrer à son chien un «anti stress naturel», qui l’apaiserait, évitant les coups de chaud. «On évite les calmants médicamenteux administrés aux humains, on ne sait pas comment le chien réagirait».

Le risque d’un voyage en soute résiderait ainsi dans l’imprévisibilité de la réaction de l’animal. Christian Jouaneau recommande de tester la réaction du toutou «aux calmants, mais aussi à sa cage - homologuée. Il faut l’habituer à rester dedans en amont du vol». «L’idéal serait de pouvoir voir le chien pendant les escales pour le rafraichir avec une serviette mouillée. Mais globalement, il faut un chien dont la bonne santé a été confirmée par un vétérinaire. On évitera de faire voyager en soute les jeunes chiots ou les chiennes allaitantes», conclut le spécialiste. En attendant, la compagnie aérienne BARK Air tente de démocratiser le transport - de première classe - des chiens aux Etats-Unis, afin de leur offrir la possibilité de voyager en toute sérénité. Pour un coût chiffré à plusieurs milliers de dollars.