La dernière tentation de Freud aurait-elle été celle du Christ ? Ou du moins celle de Dieu… C’est ce que prétend Freud, la dernière confession, de Matt Brown, qui met en scène le père de la psychanalyste quelques semaines avant sa mort en septembre 1939. Le réalisateur de L’Homme qui défiait l’infini (2015) adapte avec une patte britannique la pièce du dramaturge Mark St. Germain mettant face à face l’auteur de Cinq leçons sur la psychanalyse et un jeune écrivain professeur à Oxford, C. S. Lewis, futur auteur du Monde de Narnia.
Unité de lieu, unité d’action, unité de temps, l’intrigue débute à Londres alors que la Grande-Bretagne est le sur le point de déclarer la guerre à l’Allemagne nazie. Exilé à Londres avec sa fille Anna (Liv Lisa Fries, tout en subtilité), Freud est atteint d’un cancer de la mâchoire au stade terminal. Seule la morphine lui offre quelque répit.
S’il est attesté que le vieux Sigmund Freud rencontra un éminent universitaire trois semaines avant sa mort, personne n’a su documenter de qui il s’agissait. Le film se nourrit de ce mystère pour imaginer la rencontre (fictive, donc) entre un jeune et flamboyant irlandais converti au christianisme (incarné par l’excellent Matthew Goode, vu dans The Imitation Game ou A Single Man) et Freud, magistralement porté par un Anthony Hopkins tour à tour caustique, désabusé, menaçant ou exalté.
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Dimension théâtrale
Le personnage de Freud a été assez peu transposé au cinéma, excepté le passionnant biopic de John Huston Freud, passion secrète (1962), avec Montgomery Clift, ou A Dangerous Method (2011) de David Cronenberg avec Viggo Mortensen. Ici, Hopkins fait de Freud un vieux lion blessé, qui trouve encore le moyen de rugir malgré la douleur et la situation internationale apocalyptique qui l’a obligé à fuir Vienne.
Dans son cottage anglais, où il a retrouvé son divan, ses bibelots, ses livres, et où il est soutenu par sa fille Anna, Freud livre son dernier combat face à ce C. S. Lewis. Tout droit sorti du fameux Club des Inklings, un cercle littéraire oxfordien fréquenté par J. R. R. Tolkien ou Charles Williams, le jeune écrivain chrétien est là pour en découdre.
Avec sa belle dimension théâtrale, le film orchestre un duel ardent, aussi passionnant que rythmé. Les deux hommes sont engagés dans ce qui s’apparente à une « disputatio » tendue, presque hors du temps alors que les bombardiers allemands survolent le ciel londonien. Quelques séquences oniriques en forme de rêveries freudiennes interrompent le fil de cette conversation où se mêle joyeusement l’inconscient, la foi et la raison. Freud aura le dernier mot : « J’ai toujours eu pour principe de trouver que ce que les gens me cachent est plus intéressant que ce qu’ils veulent bien me dire… » Touché. Coulé.
La note du Figaro : 3/4