«Je ne suis pas Pap Ndiaye» : à Reims, les premiers pas de Nicole Belloubet comme ministre de l’Éducation

Nicole Belloubet peut-elle ramener le calme à l’Éducation nationale, après ces dernières semaines sous le feu des polémiques ? L’ancienne ministre de la Justice, venue des rangs socialistes, peut-elle tenir la feuille de route du «choc des savoirs», marquée à droite, que l’exécutif a rédigée ?

«J’ai beaucoup d’amitié pour Pap Ndiaye . Je ne suis pas Pap Ndiaye», a répondu Nicole Belloubet, interrogée, en marge d’un déplacement sur le harcèlement dans un collège de Reims, sur la comparaison avec l’ancien ministre de l’Éducation faite par certaines personnalités politiques de droite. «Les règles, le respect des règles et de l’autorité», la nouvelle ministre affirme «y croire depuis longtemps». De quoi balayer les critiques émises, lors de sa nomination, sur ses vues «pédagogistes» concernant l’éducation ? Un texte rédigé en 2016, pour soutenir la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem, avait été exhumé des archives en fin de semaine dernière. Elle y qualifiait notamment de «fariboles» «la restauration de l'autorité ou le port de la blouse». «Faribole, c’est un très joli mot, a plaisanté la Ministre, questionnée sur ses écrits passés. Les personnes qui ont happé ce mot n’ont certainement pas lu la totalité de l’article», affirme-t-elle.

Un déplacement dédié à la lutte contre le harcèlement

Quid de l’expérimentation de l’uniforme, prévue dans une centaine d’établissements en septembre 2024, et qui commencera dès le retour des vacances de février pour les collectivités les plus avancées ? «Si c’est un moyen d’aider les élèves, de mettre fin à des discriminations...» explique-t-elle, avant de préciser que cette expérimentation sera «évaluée». Et les «groupes de niveau» que l’exécutif prévoit de mettre en place dès la rentrée 2024 dans les classes de 6e et 5e ? «Un dossier sérieux sur lequel je vais travailler avec les syndicats cette semaine», explique Nicole Belloubet qui, lors de la passation de pouvoir vendredi, avait pris le soin d’éviter le terme de «groupes de niveau» dans son discours. Nicole Belloubet, dont le cabinet à l’Éducation nationale sera dirigé par Éric Thiers, venu de celui d’Emmanuel Macron, semble donc enfiler le costume qu’on lui a assigné.

Quatre jours après sa nomination, Nicole Belloubet faisait donc ce lundi son premier déplacement à Reims. «Merci Madame la principale. Je sais parfaitement ce qu’implique un déplacement ministériel en termes d’énergie», commence Nicole Belloubet, lors de son arrivée au collège Robert Schumann, un établissement rémois défavorisé, qui a mis en place il y a deux ans le programme pHARE de lutte contre le harcèlement. Pour ce déplacement, la ministre se montre à l’aise et à l’écoute. Elle maîtrise aussi le jargon de l’Éducation nationale. Auprès de la principale de collège qui accueille beaucoup d’élèves allophones, elle s’enquiert de l’hétérogénéité des classes. Sans doute pour tâter le terrain sur les fameux «groupes de niveaux» que l’exécutif entend mettre en place dès la rentrée 2024 en 6e et 5e.

Ce déplacement était toutefois dédié à la lutte contre le harcèlement. Nicole Belloubet était venue restituer les résultats des questionnaires anonymes remplis en novembre par les élèves, du CE2 au lycée. Cette enquête, établie sur la base d'un échantillon représentatif de 17 000 questionnaires, monte que le harcèlement touche 5% des écoliers, 6% des collégiens et 4% des élèves.

«Un lieu où l'on doit vivre le plus possible heureux»

Cette restitution était attendue de longue date. L’idée du questionnaire avait été lancée en octobre par Gabriel Attal, lorsqu'il était Rue de Grenelle. L'actuel premier ministre avait pris le sujet du harcèlement à bras-le-corps, après le suicide de Nicolas en septembre et la polémique autour des agissements de l'académie de Versailles. Amélie Oudéa-Castéra, restée moins d'un mois Rue de Grenelle, n'avait pu tenir l'agenda sur le sujet, en raison des polémiques rendant sa prise de parole inaudible.

«Dans un monde idéal qu’est-ce qu’il vous faudrait pour mener à bien votre mission ?» demande-t-elle à l’équipe de ce collège de 622 élèves, qui compte cinq personnes référentes harcèlement. «Du temps !» répondent-elles. Aux élèves de 6e réunis au CDI, elle explique que «l’école, c’est un lieu où l’on doit vivre le plus possible heureux, en paix». Alors que les réseaux sociaux sont légalement interdits aux moins de 13 ans, ils sont nombreux dans cette classe à y être inscrits. Ils ont même un groupe classe sur Snapchat.

L’ancienne ministre de la Justice a expliqué qu’elle allait travailler, à l’avenir, sur ce sujet de l’accès aux réseaux sociaux. Lors de ce déplacement, elle a rappelé qu’un projet de loi sur leur régulation, comportant notamment une mesure pour «bannir» les harceleurs, était actuellement en discussion au Parlement. Elle a aussi annoncé la création de «150 emplois à temps plein» -50 dans les académies et 120 dans les départements- pour la lutte contre le harcèlement. Une indemnité complémentaire de «1250 euros» sera aussi versée aux infirmiers scolaires et assistants sociaux qui coordonnent la lutte contre harcèlement dans les établissements scolaires.

Après ces premiers pas, la nouvelle ministre de l’Éducation entrera dans le vif du sujet, cette semaine, lors de ses premières rencontres prévues avec les syndicats enseignants. Il sera question de «choc des savoirs», des groupes de niveaux, de l’uniforme, d’attractivité du métier et de salaires.