«Ce dossier, c’est l’exil de la République» : 2 ans de prison avec sursis requis contre Sébastien Jibrayel pour l’agression de militants LFI à Marseille

Les images de vidéosurveillance diffusées devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de Marseille ce jeudi matin montrent une scène digne d’un règlement de comptes : deux colleurs d’affiches venus arracher des tracts devant une école des quartiers nord sont subitement pris à partie par une horde d’individus. L’un d’entre eux est roué de coups puis coincé dans une impasse pendant près d’une dizaine de minutes avant que la tension ne redescende d’un cran au terme de violentes invectives.

Ces deux victimes, dont l’une a été légèrement blessée, ont été rapidement identifiées comme des militants de La France insoumise (LFI) venus coller des affiches pour le compte de leur mouvement et de Sébastien Delogu dans le 16e arrondissement de Marseille. Le fief d’Henri Jibrayel, ex-député PS des Bouches-du-Rhône et de son fils Sébastien, ancien adjoint aux sports PS à la mairie de Marseille. Ce dernier est désormais démis de ses fonctions pour ces faits de violences en réunion ayant entraîné une incapacité temporaire de travail n’excédant pas 8 jours qu’il est soupçonné d’avoir encouragés, le 18 janvier dernier. Prévenus par des témoins, père et fils avaient soudainement déboulé en voiture devant l’école pour en découdre avec les colleurs insoumis.

«Ils sont arrivés au compte-goutte. Ils m’ont insulté, en me traitant de “petit bâtard” et en expliquant qu’ils allaient m’attraper», rembobine El Moktar F., l’un des deux colleurs d’affiches insoumis qui a déposé plainte et se trouvait sur le banc des parties civiles. «Je n’ai pas compris comment on a pu arriver là. J’ai l’impression d’être passé du monde des bisounours au film d’horreur», répond-il au président qui lui demande s’il est traumatisé. «Je me suis vu mourir», répond-il dans la douleur en ajoutant qu’il s’était réfugié chez une riveraine pour se protéger avant d’appeler la police.

«Allez, niquez-le»

Même impression du côté de son comparse Yohan A., retenu de longues minutes par plusieurs individus proches des Jibrayel lui exigeant de dénoncer «celui qui l’envoyait» pour déchirer les affiches de l’ex-adjoint aux sports souhaitant une bonne année aux habitants de son secteur. «Je me suis pris des claques puis des coups de poing. Ils ne voulaient rien entendre et l’un d’entre eux me répétait “Tu vas dire pour qui tu bosses”. Dans le même temps, j’ai vu Sébastien Jibrayel arriver et me pointer du doigt en disant “Allez, niquez-le”», assure le militant insoumis, dont la «confession» a même été filmée et diffusée sur les réseaux sociaux.

«Qui t’as envoyé ? Dis le nom ! C’est LFI ? » lance une voix sur une vidéo captée à l’aide d’un téléphone. «C’est Sébastien Delogu» concède Yohan A., le visage rougi et cerné par plusieurs individus qui finissent par lâcher prise au terme d’une longue confrontation. «Quand ils m’ont tiré dans le fond de l’impasse, c’était pour me frapper encore plus et me faire cracher le morceau. J’ai fini par dire que c’était Sébastien Delogu et ils ont commencé à me filmer», poursuit le jeune homme, qui a reçu quatre jours d’ITT après un passage dans une unité médico-judiciaire (UMJ). «Mes camarades savent à quel point cela a joué sur mon moral. J’ai peur pour moi et mes proches», ajoute-t-il.

Des versions contestées par les Jibrayel et leurs complices présumés, Lyes Choulak, élu à la jeunesse à la mairie des 15e et 16e arrondissements, et Mohammed A., membre d’un club de boxe des quartiers nord suspecté d’avoir porté la plupart des coups contre les militants insoumis. «Je conteste formellement ces mots. Je suis allé voir ce monsieur pour lui dire “Mais pourquoi tu as fait ça ?”. J’étais un peu agacé car depuis la matinée, toutes mes affiches étaient déchirées», tente de se justifier l’ex-adjoint, mis sur la touche par Benoît Payan après avoir été placé sous contrôle judiciaire en mars dernier.

On a compris que ces personnes étaient là pour me salir, j’ai fait une garde à vue, j’ai perdu ma délégation et il y a eu une médiatisation énorme

Sébastien Jibrayel, ex-adjoint aux sports PS de Benoît Payan

«On n’est pas dans l’agression. Moi, je n’incite pas, il faudrait que je sois débile (pour faire ça) à mon âge», explique de son côté son père Henri, 73 ans, élu député dans deux circonscriptions du département entre 2007 et 2017 et déjà condamné en appel en 2023 pour des faits de détournement de fonds publics et de prise illégale d’intérêt. «Ma volonté était que cela cesse. J’ai horreur de la violence. Cette affaire, c’est le drame de ma vie», assure-t-il aux côtés de son fils, qui fustige LFI et Sébastien Delogu qu’il accuse d’avoir monté l’affaire en épingle.

«On a compris que ces personnes étaient là pour me salir, j’ai fait une garde à vue, j’ai perdu ma délégation et il y a eu une médiatisation énorme. Tout ça parce que j’ai gardé le silence et que j’ai respecté la procédure (judiciaire)», se lamente l’élu, qui promet être venu sur place «dans un esprit de dialogue». «Ce dossier, c’est l’exil de la République. Un élu se doit d’être dans la citoyenneté, la bienveillance. Or on a là le contre-exemple de la République», a souligné la procureure dans son réquisitoire, ajoutant que «des hommes politiques» étaient venus «mettre leur honneur à terre».

La magistrate a requis 24 mois de prison avec sursis probatoire contre Sébastien Jibrayel et 18 mois de prison avec sursis probatoire pour son père Henri assortis pour tous les deux d’une privation des droits civiques pour trois ans. Deux ans de prison dont un an ferme avec mandat de dépôt différé a été requis contre Mohammed A., principal auteur des coups. La procureure a enfin requis 15 mois de prison avec sursis contre Lyes Choulak, qui n’a cessé de se présenter comme le «médiateur» au moment des faits. Le délibéré sera rendu le 3 juillet prochain.