Boualem Sansal alimentait un «discours hostile à l’égard des musulmans», attaque le politologue Nedjib Sidi Moussa
«Il y a quelque chose qui me gêne beaucoup dans cette affaire […] : il se trouve que Boualem Sansal alimente depuis quelques années un discours hostile à l’égard des immigrés, des musulmans, et reprend tous les thèmes d’Éric Zemmour. C’est quand même choquant». Sur le plateau de C politique, dimanche 24 novembre sur France 5, le politologue et auteur du livre Histoire algérienne de la France, a vivement critiqué le positionnement idéologique de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien détenu arbitrairement par l’Algérie depuis huit jours.
Tout en assurant que cela ne «justifie pas un emprisonnement», il a poursuivi : «Quand je vois que des militants des Droits de l’homme, des militants anti-racistes, des intellectuels du milieu culturel parisien, le présentent comme un homme des lumières, qui défend les grandes causes, je suis désolé mais ils se trompent complètement. Ou alors ils sont aveugles, ou alors ils sont complices.» Des propos qui ont rapidement fait réagir à droite : le chef de file des Républicains au Parlement européen, François-Xavier Bellamy, a fustigé : «Le service public lance le réquisitoire d’un écrivain français arrêté par une dictature. Indécent.»
Sur le plateau, la journaliste Rachel Binhas (Marianne) s’est évertuée à tempérer : «Il ne s’agit pas de juger de l’opinion ou de la qualité d’une prise de position de Boualem Sansal sur l’islamisme ou sur Israël, sujet sur lequel il s’est aussi engagé, ou sur les frontières de l’Algérie. C’est une question de principe : est-ce qu’un homme de 75 ans à la santé fragile, qui est français, a sa place dans une prison au sein d’un régime autoritaire ? La question me semble être d’abord et avant tout celle-ci», a-t-elle rappelé.
Problème moral
«Est-ce qu’on a le droit de dire un « mais » quand on évoque l’arrestation d’un écrivain ? Ça ne pose pas de problème moral ?» s’est enquis Thomas Snégarrof auprès d’un autre intellectuel présent sur le plateau, l’historien et spécialiste de la mémoire Benjamin Stora. «Il y a un problème moral bien entendu, mais on ne doit pas ne pas avoir de débat», a-t-il répondu.
Thomas Snégarrof est revenu sur une interview donnée par l’écrivain dans le magazine classé à droite Frontières, qui pourrait «avoir mis le feu aux poudres» avec Alger. Dans les colonnes de ce média, l’écrivain expliquait, le 2 octobre : «Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie Ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc. C’est facile de coloniser des petits trucs qui n’ont pas d’histoire, mais coloniser un Etat, c’est très difficile». Une vision historique contestée par Benjamin Stora, qui estime que celle-ci «blesse le sentiment national».