«Eros», ce collectif gay opposé aux «dérives LGBT», aux «gauchistes» et à l’immigration qui va défiler à la marche des fiertés

En grec ancien, éros signifie «amour» ou «désir», en opposition à l’agapè, qui désigne l’amour spirituel. On lui doit notamment l’«érotisme». Et le nom d’un collectif gay pour le moins à contre-courant, fondé en juin 2024. Ce groupe, qui revendique 200 militants dans toute la France, est au cœur d’une polémique ces derniers jours. En annonçant sa participation à la marche des fiertés parisienne, qui se tiendra samedi 28 juin, le collectif Eros a déclenché la colère des associations LGBT. Dans une tribune au Monde, un collectif de militants LGBT, mais aussi plusieurs personnalités comme la romancière Virginie Despentes, l’élu communiste Ian Brossat, ou encore le chanteur Bilal Hassani, s’insurgent contre la présence «d’un groupe identitaire français», qui s’inscrit selon eux «dans une stratégie plus vaste de banalisation de l’extrême droite et de ses codes».

Le 16 juin dernier, le fondateur et président d’Eros, Yohan Pawer, a annoncé sur X la participation du collectif au grand raout annuel des militants LGBT. «La rue ne leur appartient pas et nous serons bien présents», annonçait-il, évoquant une «marche de la honte». Le jeune homme indique également «être en contact avec l’un des conseillers de Bruno Retailleau», assurant que son collectif bénéficierait de la protection d’une «cinquantaine de CRS», ce que le ministère de l’Intérieur n’a pas été en mesure de confirmer. Si la présence d’Eros hérisse les participants de la marche, c’est que le collectif ne partage à peu près aucune de leurs idées et de leurs revendications.

«Dégénérés militants», «immigration homophobe», «islamisation»

Sur son site, l’organisation se décrit en premier lieu comme un instrument de «lutte contre les dérives idéologiques woke et LGBT». Elle entend «permettre à cette majorité silencieuse qui ne supporte plus les injonctions de cette propagande d’extrême gauche d’avoir un espace libre où elle peut s’exprimer». Eros dénonce notamment «la folie sur l’identité de genre et la transidentité» et «les revendications dangereuses de certains militants LGBT comme la GPA». Pour le collectif, l’immense majorité des homosexuels refuserait d’être représentée par «des dégénérés militants, minoritaires, qui auraient pour la plupart plus besoin d’une séance chez un spécialiste plutôt que de faire leur numéro sur les plateaux télé».

Mais la lutte anti-LGBT n’est pas le seul combat d’Eros. «L’autre cheval de bataille du collectif est la préservation de nos traditions et de nos valeurs occidentales», indique leur site, qui les juge menacées par «l’immigration massive très souvent homophobe et l’islamisation de notre pays». Plus largement, les ennemis déclarés du collectif sont «les gauchistes», comme il aime à les appeler régulièrement sur ses réseaux sociaux. Par ces revendications, Eros s’inscrit comme le seul et unique collectif à la fois gay, identitaire et «patriote» du paysage militant français. Une sorte de convergence des luttes, mais de droite.

Son président Yohan Pawer est une figure émergente au sein de la droite radicale. Ouvertement homosexuel, il s’est d’abord fait connaître pour son opposition aux spectacles de drag-queens pour enfants. En mai dernier, le maire de Nice Christian Estrosi a d’ailleurs porté plainte contre lui et Eros, pour une vidéo qui dénonçait l’organisation d’un «pique-nique de drag-queens». Johan Pawer a fondé le collectif sur le modèle de Nemesis, cette organisation féministe et identitaire qui s’est fait une spécialité d’infiltrer les manifestations féministes en brandissant des pancartes anti-immigration.

Zemmour et grand remplacement

Régulièrement invité sur CNews, Europe 1 ou encore Sud Radio, le jeune homme y dénonce l’islam comme un «problème» ou estime que «les LGBT emmerdent tout le monde». Sur son compte X, il évoque une partition de la France entre «blancs» et «immigrés» et valide la théorie du grand remplacement. Dans une interview donnée en janvier dernier au compte X Voix de Droite, il érige d’ailleurs en modèle l’inventeur de ce concept décrié, Renaud Camus, considérant qu’il «incarne un modèle de résistance intellectuelle face aux tabous imposés par la pensée dominante». Son engagement politique date, selon ses dires, de la mort de George Floyd en 2020 et de la montée du mouvement Black Lives Matter. Mais aussi du meeting de Villepinte d’Éric Zemmour en 2021, pour lequel il a travaillé bénévolement pendant deux ans et qu’il a activement soutenu pendant la campagne présidentielle de 2022. Yohan Pawer, qui conserve «de très bons liens avec lui et Sarah Knafo» comme il l’indique au Figaro, aspire désormais «à voir une véritable droite arriver au pouvoir».

Le militant revendique également une amitié avec le journaliste de Frontières Jordan Florentin, mais surtout avec Mila, jeune femme harcelée et menacée de mort pour avoir critiqué l’islam, devenue égérie identitaire. Lors de la dernière marche des fiertés parisienne en 2024, les deux amis avaient d’ailleurs fait irruption dans le cortège et avaient été molestés. La jeune femme avait été enfarinée pour l’occasion.

Concernant la présence de son collectif cette année, Yohan Pawer se défend auprès du Figaro de toute provocation. «Nous comptons faire une marche pacifique, à aucun moment nous n’irons insulter ou frapper les autres participants», assure-t-il. «Je suis un homosexuel comme les autres, qui a envie de marcher pour ses droits, et notamment le droit à notre survie par rapport à l’immigration», ajoute-t-il. Le jeune homme annonce également que les militants d’Eros vont reproduire l’affiche de la marche des fiertés, qui avait suscité l’indignation par sa représentation d’un homme, visiblement un militant nationaliste, lynché avec sa cravate. «Nous aurons tous des cravates et nous mimerons notre pendaison. Ils veulent notre mort ? On va la simuler», explique-t-il. Yohan Pawer promet aussi des drapeaux français et des pancartes chocs.