«Tous sont dans l’illégalité» : la ville de Marseille réclame des millions d’euros d’amende contre des propriétaires d’Airbnb

«Tous sont dans l’illégalité» : la ville de Marseille réclame des millions d’euros d’amende contre des propriétaires d’Airbnb

COMPTE RENDU D’AUDIENCE - Ce lundi, la ville a poursuivi devant la justice plusieurs propriétaires de biens, accusés de les louer illégalement en location meublée touristique de courte durée, principalement sur la plateforme Airbnb.

Passer la publicité Passer la publicité

«On vous a donné ici un panel des 6000 propriétaires qui louent illégalement en Airbnb  à Marseille, clame à la barre du tribunal Me Jorge Mendes Constante. Il y a des riches. Il y a des pauvres. Mais tous sont dans l’illégalité.» Une foule compacte de spectateurs et de journalistes écoute l’avocat de la ville de Marseille dans la petite salle du tribunal judiciaire. L’audience était inscrite à l’agenda du service presse hebdomadaire de la municipalité, entre l’inauguration d’un stade et le lancement des illuminations de Noël. Ce lundi, pour la première fois, la mairie de Marseille a poursuivi trois propriétaires fonciers devant la justice, accusés d’avoir loué leurs biens sur Airbnb sans respecter la réglementation en vigueur.

À quatre mois des élections municipales, l’audience était tout sauf anecdotique sur un sujet dont Benoît Payan, le maire sortant, a fait un marqueur politique de son mandat. «À Marseille, il a 12.900 meublés touristiques dont 6000, soit la moitié, sont en situation illégale, affirme Me Jorge Mendes Constante. Ce sont des propriétaires investisseurs qui, soi-disant, achètent des résidences secondaires, n’y mettent jamais les pieds et, sans autorisation, les louent à des touristes de passage.»

Passer la publicité

Pour l’occasion, l’avocat de la ville entendait frapper un grand coup, en choisissant quelques propriétaires délictueux à défaut de «pouvoir tous les poursuivre», et ce, «pour que ce procès ait une valeur pédagogique.» «Nous demandons au tribunal une certaine sévérité pour qu’on sache que dans cette ville, quand on ne respecte pas la loi, on peut être condamné. Il faut que ça se sache et que ça cesse.» Ainsi, la ville demande aux trois propriétaires de stopper toute location sur Airbnb et de fournir des logements dans le marché locatif classique. «Tout est permis pour la spéculation immobilière, alors que nos enfants, nos étudiants, nos familles n’arrivent pas à se loger, peste Me Mendes Constante. En réalité, il n’y a pas plus d’habitants dans nos villages et, notamment, dans nos noyaux villageois à Marseille où il n’y a plus de vie de quartier. Au lieu de louer des appartements pour 1000 euros, ces personnes peuvent en escompter 6000 ou 7000 euros par mois !»

Un procès pour l’exemple

La ville a ciblé d’abord le propriétaire d’un immeuble du 1er arrondissement, acheté par un chirurgien de Périgueux. «Il achète six appartements dans cet immeuble bourgeois, récapitule Me Jorge Mendes Constante. Et il va commencer par le diviser en 14 studios, sans autorisation. C’est ça, détruire notre patrimoine. Il va ensuite tenter de les rentabiliser au maximum sans déclaration, en les louant en toute impunité.» Lors d’un numéro de «Complément d’enquête», interrogé par nos confrères, le chirurgien avait reconnu agir dans l’illégalité, justifiant sa décision d’un laconique «C’est Marseille, bébé». La réglementation à Marseille impose notamment à tout propriétaire d’Airbnb de louer la surface équivalente en location classique, ce que ne faisait pas ce propriétaire.

Un autre propriétaire, investisseur immobilier parisien, est accusé d’avoir acheté majoritairement à crédit un immeuble de plus d’un million d’euros, puis d’avoir, sans le déclarer, changé l’usage des logements pour les louer sur Airbnb. Un couple est également accusé d’avoir loué sans le déclarer un appartement dans le Panier, qui plus est frappé d’un arrêté de péril. Pour ces trois propriétaires la mairie réclame 100.000 euros d’amende par appartement loué, pour une trentaine de biens visés, soit un total d’environ trois millions d’euros.

Des sommes astronomiques qui font bondir de leur chaise les avocats de la défense. «Cette notion d’exemplarité ne me plaît pas en tant qu’avocat et en tant que Marseillais, s’agace Me Olivier Burtez-Doucede. Je n’aime pas quand on met tout le monde dans le même panier et qu’on veut faire un procès journalistique.» «Les loueurs Airbnb ne sont pas des marchands de sommeil», abonde, de son côté, Me Xavier Demeuzoy. «On veut faire de ce procès un symbole, mais ce n’est pas le but de la justice. On est devant un tribunal. Chaque histoire est différente.» «Moi, je serai curieuse de savoir si les avocats de la ville de Marseille seront mandatés pour assigner les 6000 propriétaires délictueux à l’issue des prochaines élections municipales», souffle la troisième avocate de la défense, Me Manon François. La décision sur ces trois affaires a été mise en délibéré au 2 février prochain.