Déficit, Bourse, emploi... Cinq chiffres qui montrent les forces et fragilités de l’économie américaine
«Si nous ne faisons rien, nous allons être dominés, écrasés, marginalisés», s’alarmait ce lundi 20 janvier le premier ministre François Bayrou, à l’occasion des vœux au personnel municipal de Pau. Une référence sans concession à la politique économique agressive du nouveau président des États-Unis. Et pour cause : bien avant son investiture, Donald Trump avait d’ores et déjà annoncé qu’il augmenterait, dès son entrée en fonction, les droits de douane sur tous les produits importés du Canada et du Mexique ainsi que sur des produits venant de Chine, soit les trois plus grands partenaires économiques des États-Unis. Une politique que Joe Biden avait alors qualifiée «d’énorme erreur», lors d’un discours à la Brookings Institution, à Washington.
Alors que Donald Trump est désormais de retour à la Maison Blanche, les chancelleries européennes s’inquiètent de la domination américaine, sur le plan économique, tant le pays semble rafler la mise dans de nombreux domaines. Le Figaro fait le point.
Un poids lourd de l’économie mondiale
26% : c’est le poids du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis dans l’économie mondiale. Un indicateur - 29.720 milliards de dollars en 2024, d’après le Bureau of economic analysis (BEA) du département du Commerce américain - qui suffit à montrer, à lui seul, toute la puissance américaine. En comparaison, la zone euro fait pâle figure avec 15% du PIB mondial.
Outre sa place prédominante sur la scène économique, le pays de l’Oncle Sam peut aussi compter sur une croissance à la résilience jalousée à travers le monde. Son PIB a par exemple augmenté de 3,1% par rapport à 2023, alors que la croissance américaine avait déjà accéléré en 2023, à 2,5%, un taux supérieur au 1,9% de 2022. À titre de comparaison, dans ses dernières projections publiées en octobre 2024, le Fonds monétaire international estimait la moyenne des pays avancés à 1,7% en 2023 et 1,8% en 2024. La croissance française devrait s’établir, quant à elle, à 1,1% l’an dernier, tandis que celle de la zone euro stagnerait à 0,8%, toujours d’après le FMI.
Un marché du travail dynamique
Après des trimestres marqués par d’immenses suppressions d’emplois durant la pandémie de Covid-19, le marché du travail américain s’est durablement repris. Selon le rapport ADP National Employment Report publié mensuellement par le Stanford Digital Economy Lab de l’université du même nom, le secteur privé américain a créé 122.000 emplois en décembre après 146.000 en novembre. De quoi faire baisser le taux de chômage, en fin d’année, à 4,1%, contre 4,2% en novembre. En comparaison, le taux de chômage de la zone euro s’élevait à 6,8% en novembre 2024 et 7,7% en France sur la même période.
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Un déficit commercial à redresser
Selon les données publiées début novembre par le département du Commerce américain, le déficit commercial des États-Unis s’est envolé à 84,4 milliards de dollars en septembre (+19,2% par rapport à août), sous l’effet cumulé d’une baisse des exportations et d’une hausse des importations. Un signe, côté pile, d’une consommation toujours soutenue des ménages américains, mais également, côté face, de la dépendance du pays au reste du monde. Les Américains ont ainsi importé plus de véhicules, de produits pharmaceutiques, d’ordinateurs ou de semi-conducteurs.
Concernant les échanges de biens, le déficit le plus important reste lié aux échanges avec la Chine, à 26,9 milliards de dollars. L’Union européenne (UE) reste toujours en deuxième position, avec un excédent commercial en faveur du Vieux continent à 23,8 milliards de dollars, concentré sur l’Allemagne, la France, l’Irlande et l’Italie. Le président américain compte bien modifier cette donne, grâce, notamment, à d’importants droits de douane protectionnistes. De quoi inquiéter Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, qui jugeait ce week-end «très probable qu’une guerre commerciale éclate» entre les deux rives de l’Atlantique.
Une dette publique qui ne cesse d’augmenter
Alors que la France cherche à lutter tant bien que mal contre son déficit, la situation est également préoccupante aux États-Unis, où, sur le dernier trimestre de 2024, le déficit public s’est creusé pour atteindre le niveau record de 711 milliards de dollars, en hausse de 39% sur un an, selon le département du Trésor. Cette hausse est notamment due aux sinistres répétés causés par les ouragans Hélène et Milton fin septembre et début octobre. Les intérêts de la dette ont achevé de creuser le déficit, alors que les taux auxquels l’État emprunte ont flambé.
Qu’on en juge : depuis début septembre, le rendement à 10 ans des obligations d’État américaines n’ont cessé d’augmenter pour atteindre 4,77% le 14 janvier (+33% en quatre mois). Ainsi, un rapport du Bureau du Congrès pour le budget (CBO) prévoit que la dette publique des États-Unis atteindra 118% du PIB en 2035, contre 100% en 2025. D’ici dix ans, elle pourrait dépasser les 52.000 milliards de dollars, surpassant le précédent record de 106% du PIB, atteint en 1946 après la Seconde Guerre mondiale. Ce rapport, publié à quelques jours du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, était venu apporter de l’eau au moulin du nouveau président : tout au long de la campagne, ce dernier n’a eu de cesse de répéter vouloir sabrer dans les dépenses fédérales.
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Des indices boursiers dans le haut du panier
Alors que le CAC40 semble se relever péniblement de l’annus horribilis qui a vu Paris décrocher par rapport aux Bourses mondiales, les indices regroupant les principales valeurs américaines ont surperformé. «À la Bourse de Londres, le Footsie 100 a progressé de 4,7 % depuis le 1er janvier. À celle de Francfort, le Dax s’adjuge près de 20 %. L’indice phare de la Bourse de Milan progresse de 12,5 %, celui de Madrid de 14 %. Même freiné par les valeurs françaises, l’Eurostoxx 50 grimpe de 8,5 %. Outre-Atlantique, les performances sont encore plus spectaculaires : à New York, le Dow Jones a progressé de 12,5 %, le S&P500 enregistre une hausse de 24,5%, et le Nasdaq a bondi de 30 %», décrivait ainsi le Figaro fin décembre.
Outre le séisme politique qui a ébranlé les valeurs boursières de l’hexagone tout au long de l’année 2024, ces performances exceptionnelles des indices américains signalent la confiance des investisseurs étrangers dans les entreprises américaines.