Pourquoi Luigi Mangione, le meurtrier présumé du patron d’UnitedHealthcare, est devenu l’idole des réseaux sociaux

Alors que le jour se lève sur New York en ce 4 décembre, un homme abat en pleine rue Brian Thompson, directeur général de l’UnitedHealthcare, la principale compagnie d’assurances des États-Unis. La scène est captée par une caméra de surveillance aux pieds d’un hôtel de Manhattan. On y voit le visage d’un jeune homme encapuché. Lundi 9 décembre, après plusieurs jours de traque, c’est un employé d’un restaurant McDonald’s de la ville d’Altoona, à 500 kilomètres de la scène du crime, qui reconnaît le suspect. Arrêté pour « possession d’armes feu », Luigi Mangione devient le principal suspect dans l’affaire. Mais tandis que les chaînes américaines d’information en continu s’émeuvent de cet assassinat de sang-froid, les utilisateurs des réseaux sociaux, eux, se sont pris de passion pour le tireur.

Luigi Mangione a tout du gendre idéal. Grand, brun et musculature imposante, il est âgé de 26 ans et est issu d’une famille aisée de Baltimore. Arrivé premier de sa promotion en 2016, il est diplômé d’une des plus prestigieux établissements du pays, l’Université de Pennsylvanie. Dans le New York Times, l’un de ses anciens camarades le décrit comme passionné d’informatique.

Souffrant de sérieux maux de dos selon ses amis interrogés dans la presse américaine, Luigi Mangione semble aussi s’intéresser aux nombreux défauts du système de santé américain. Lors de son arrestation, la police déclare avoir retrouvé sur lui un manifeste critiquant ce dernier. Dans ce document, le jeune homme décrit le système de santé de son pays comme le « plus coûteux du monde, alors que l’espérance de vie d’un Américain est classée au 42e rang mondial ». Il poursuit en dénonçant des compagnies d’assurances santé qui « continuent d’abuser de notre pays pour en tirer un immense profit, simplement parce que les Américains les ont laissées faire ». « Franchement, ces parasites l’ont bien mérité », enchaîne-t-il.

Memes, édits et cryptomonnaie à son nom

Il n’en fallait pas plus pour enflammer les réseaux sociaux. Pour de nombreux internautes sur X, Tiktok ou Instagram, l’occasion est tout trouvée pour pointer du doigt un système de santé jugé défaillant et extrêmement coûteux. « J’ai discuté avec plusieurs auteurs de contenus viraux [sur Luigi Mangione] » détaille la journaliste américaine Taylor Laurenz dans sa newsletter. « Tous ont moins de 40 ans et tous affirment avoir été affectés d’une façon ou d’une autre par le système de santé américain, que ça soit en voyant leurs parents ou grands-parents avoir à se battre pour obtenir des soins de base, ou en ayant des difficultés à se faire soigner eux-mêmes » analyse-t-elle.

Aux yeux de ces internautes, Luigi Mangione endosse un rôle de justicier ou de Robin des Bois. Son compte X a gagné quelques centaines de milliers d’abonnés, jusqu’à atteindre plus de 392 000 followers à ce jour. Le hashtag #FreeLuigi (#LibérezLuigi) prolifère sur X. Les mèmes à son effigie se multiplient, reprenant des références de pop culture. La célèbre réplique du personnage Tony Soprano dans la série américaine « Les Soprano » a été transformée en « À la maison, Luigi Mangione est un héros. Fin de l’histoire » cumulant près de quatre millions de vues sur X.

La plastique du jeune homme n’a pas non plus laissé la toile indifférente. Comme chaque célébrité adulée sur les réseaux sociaux, Luigi Mangione a droit à son lot de « fan cam » et « d’édits », c’est-à-dire un enchaînement de photos et vidéos valorisant le physique du jeune homme.

Plus étonnant encore, une cryptomonnaie renommée Luigi Coin, du nom du suspect, connaît une explosion phénoménale ces derniers jours.

Starification des meurtriers

Sur X, certains anticipent l’adaptation de l’histoire de Luigi Mangione en série, un clin d’œil à la multiplication des adaptations sur petit écran des parcours des assassins les plus célèbres. À l’instar de la série « Monstres » sur Netflix qui a consacré sa première saison à l’histoire vraie du meurtrier Jeffrey Dahmer et sa saison deux aux frères Menendez.*

Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison Blanche a qualifié d’inacceptable « le recours à la violence pour lutter contre la cupidité des entreprises ». « On ne tue pas des gens de sang-froid pour des questions politiques ou pour exprimer un point de vue », a également condamné lundi le gouverneur démocrate de Pennsylvanie, Josh Shapiro.

Dans un communiqué envoyé aux médias, la famille de Luigi Mangione a déclaré être « choquée et anéantie par l’arrestation de Luigi» avant d’ajouter : « nous prions pour la famille de Brian Thompson ».