Les droits de douane américains : une arme de guerre
Thierry Lambert
Professeur émérite de l’université Aix-Marseille
Donald Trump a déclenché une guerre commerciale mondiale, sans vraiment en mesurer toutes les conséquences, avec dans son viseur la Chine et l’Union européenne. Il ne faut jamais oublier que le président américain considère que son pays s’est fait « voler », « arnaquer », pendant de nombreuses années, et que l’Union européenne a été créée pour « entuber » les États-Unis. Il viendrait en quelque sorte venger l’outrage.
Trump brandit les droits de douane comme une arme politique. Il gesticule sans vraiment impressionner. Il a menacé clairement d’une augmentation des droits de douane le Danemark, qui ne veut pas lui céder le Groenland. Il fait de même avec le Canada, qui refuse de devenir un nouvel État américain. Il menace aussi les Brics d’une augmentation de 100 % des droits s’ils veulent créer une monnaie commune en s’affranchissant du dollar. Sur ce terrain, le président des États-Unis n’obtiendra aucun résultat.
En effet, Donald Trump avait menacé la Chine d’augmentation des droits de douane entre 60 % et 100 %. Le 4 février, il a fait appliquer une surtaxe de 10 %. En retour, la Chine a imposé une taxe de 15 %, notamment sur les importations de charbon et de gaz naturel liquéfié, mais aussi 10 % sur les machines agricoles. La Chine a ciblé 20 milliards de biens américains, soit environ 12 % des importations en provenance des États-Unis. Le 4 mars, le président américain a porté la taxe à 20 %, au lieu de 10 %. La riposte ne s’est pas fait attendre : les Chinois ont taxé à 10 % les importations de fruits et légumes et à 15 % les importations de soja, porc et bœuf. Les réponses chinoises ne se font pas dans le bruit et la fureur ; elles sont proportionnées et ciblées.
L’Union européenne était, depuis le 1er janvier 2022, exemptée de droits de douane sur l’importation d’acier et d’aluminium aux États-Unis. Depuis le 10 février 2025, les États-Unis ont décidé de rétablir ces droits et de les appliquer à une série de produits dérivés, notamment les pièces de motorisation automobile, les pièces d’avion… Ces droits sont entrés en vigueur le 12 mars 2025.
Le 2 avril, le président américain a donc sorti l’artillerie lourde, avec des droits de douane minimaux pour tous les pays de 10 %, en taxant la Chine de 34 % auxquels il faut ajouter les 20 % décidés début mars, soit 54 % ; l’Union européenne de 20 % ; le Vietnam qui est le 6e importateur aux États-Unis de 46 %. Les collectivités d’outre-mer françaises ne sont pas en reste : Saint-Pierre-et-Miquelon, + 50 % ; La Réunion, + 37 % ; la Polynésie française, qui exporte aux États-Unis les produits de la pêche, + 10 %.
La mesure la plus forte et la plus symbolique concerne la taxation des voitures. Tous les véhicules fabriqués hors des États-Unis seront frappés de droits actuellement applicables, soit 2,5 %, mais aussi d’un droit forfaitaire de 25 %, soit au total 27,5 %.
Alors que ces majorations s’appliquent à compter du 5 avril 2025, l’Union européenne, et chaque pays de son côté, va chercher à négocier. Mais négocier quoi ? On peut imaginer en France taxer immédiatement les sociétés de services américaines, qui gagnent beaucoup d’argent dans les pays de l’Union européenne. On peut tout aussi bien multiplier les normes, qui seront autant de contraintes pesant sur les sociétés américaines. On peut ne leur accorder aucune facilité bancaire. On peut revoir la convention fiscale entre la France et les États-Unis. À l’inverse de ce qui se passe en Europe, la Chine a réagi avec calme, fermeté et rapidité.
Les conséquences, immédiates, aux États-Unis sont une baisse du niveau de vie, l’inflation, des licenciements et des fermetures d’usines. Les mêmes conséquences se produiront dans l’Union européenne et en France.
Donald Trump voulait réindustrialiser les États-Unis. Pour échapper aux taxations, les constructeurs automobiles, notamment, n’auraient d’autre choix que de s’implanter aux États-Unis. Les investisseurs ont besoin de sécurité juridique, de stabilité politique et d’une Bourse qui ne soit pas sensible aux aléas de la conjoncture politique. Toutes ces conditions ne sont pas réunies. Donald Trump en lui-même est un facteur d’incertitude.
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