Automobile, acier, aluminium... Où en est-on des droits de douane de Donald Trump ?

«Tarifs réciproques élargis», suspendus. «Taxe de 25 % sur les biens fabriqués au Canada et au Mexique», suspendue. «Surtaxe de 145 % appliquée aux produits importés de Chine», suspendue. La liste des décisions contradictoires du président américain Donald Trump depuis son élection en novembre dernier continue de s’allonger, rendant presque illisibles les rebondissements de sa politique commerciale en ce début de mandat. Cinq mois après son investiture, que reste-t-il des taxes douanières spectaculaires annoncées en avril ?

Après avoir bouleversé le commerce international au début du printemps, les projets de Washington se sont révélés plus qu’incertains. Les paniques successives qui se sont emparées des marchés financiers ces derniers mois ont mis l’administration Trump sous pression, au même titre que les alertes des économistes. Depuis, plusieurs trains de négociation ont été lancés par l’administration, et la récente décision du Tribunal de commerce international (TCI) de New York pourrait définitivement remettre en cause la diplomatie des droits de douane.

Tarif universel de 10 % toujours en place

Jeudi 29 mai, les taxes douanières généralisées, annoncées en grande pompe par Donald Trump lors du «Liberation Day», ont été déclarées illégales par l’institution. Elles se décomposent en deux taxes : l’une fixe, l’autre variable. La première, de 10 %, s’applique de manière indifférenciée à tous les partenaires commerciaux des États-Unis. La seconde, variable d’un pays à l’autre, vise à compenser les «barrières non tarifaires» qui désavantageraient Washington dans ses relations commerciales.

Début avril, cette surtaxe avait par exemple propulsé les droits de douane appliqués aux produits européens à 20 %, ceux appliqués aux produits vietnamiens à 46 %, et même à 49 % pour les produits en provenance du Cambodge. L’escalade diplomatique entre Pékin et Washington avait également fait grimper les droits de douane imposés à la Chine, à 145 %. Seule subsiste aujourd’hui la taxe «universelle» de 10 % sur tous les produits importés aux États-Unis, après que Washington a décidé de reporter de 90 jours l’application de ces droits de douane, le 10 avril.

Pour la Chine, avec qui les discussions ont été plus ardues, le taux est retombé à 30 %. Quant à la quasi-totalité des produits importés du Canada et du Mexique, ils sont désormais exemptés de droits de douane. D’autres produits ont été, plus largement, exemptés de taxes douanières. C’est le cas, par exemple, des semi-conducteurs, qui sont majoritairement importés du Sud-Est asiatique. Les ordinateurs et les téléphones ont également été épargnés, après les avertissements du secteur sur le prix des iPhone d’Apple.

Des taxes sectorielles pour tout le monde

À l’inverse, le secteur automobile n’en sortira pas indemne. Les pièces automobiles fabriquées à l’étranger ainsi que les véhicules importés sont toujours taxés à 25 % à leur arrivée sur le territoire américain. Ces taxes ont également été maintenues pour le Canada et le Mexique, en dépit des accords commerciaux trilatéraux (le fameux Accord Canada–États-Unis–Mexique, ou ACEUM). Toutefois, Washington a accordé un délai de deux ans aux constructeurs pour relocaliser leur production aux États-Unis, en acceptant de ne pas cumuler les deux taxes dans le cas des véhicules importés et composés de pièces produites à l’étranger.

En toile de fond, c’est le secteur de la métallurgie qui est le plus durablement touché, malgré la quasi-suspension des droits de douane généralisés. «Pour le Canada, ça aura très peu d’impact parce qu’on […] a des tarifs sur l’acier et l’aluminium, on a des tarifs sur l’industrie du bois. Et ces tarifs-là demeurent aujourd’hui parce qu’ils ne sont pas liés à l’état d’urgence que le président a utilisé», analysait sur Radio-Canada Véronique Proulx, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, jeudi 29 mai. En effet, le Tribunal de commerce international reproche à Donald Trump d’avoir utilisé la loi sur l’urgence économique nationale, ou «International Emergency Economic Powers Act (IEEPA)», pour justifier sa décision. Mais le président américain a aussi visé plusieurs secteurs bien spécifiques en mobilisant d’autres textes de loi, et ce, en amont du «Jour de la libération».

Le 10 février, Donald Trump signait un décret rehaussant les droits de douane sur l’aluminium de 10 % à 25 %, soit au même niveau que l’acier. Comme le reste des partenaires commerciaux des États-Unis, le pays de l’érable peine à encaisser cette hausse des taxes sur l’aluminium, dont il était auparavant exempté. Elle s’ajoute à la taxe de 10 % sur les produits énergétiques importés du Canada. Des mesures qui semblent, pour l’instant, susciter la liesse chez les travailleurs du secteur (voir photo ci-dessus), alors que Donald Trump projette de doubler ces taxes, à 50 %, d’ici le 4 juin.

Discussions au cas par cas

Mais avant le rétablissement – théorique – des surtaxes généralisées au terme du délai de 90 jours, les partenaires commerciaux des États-Unis tentent de négocier. Mardi 6 mai, le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, déclarait que l’administration américaine était déjà en négociations avec dix-sept partenaires commerciaux majeurs, sans donner de précisions sur les pays concernés, rapporte Reuters. Le Royaume-Uni a déjà tiré son épingle du jeu en obtenant un rabais des taxes sur les voitures britanniques à 10 % et l’annulation pure et simple de celles sur les exportations d’acier et d’aluminium.

De l’autre côté de la Manche, les discussions se poursuivent difficilement, dans un bras de fer opposant Bruxelles à la Maison-Blanche. Après avoir menacé d’imposer au Vieux Continent des droits de douane généralisés de 50 % dès le 1er juin (oui, en plus de ceux prévus sur l’acier), Donald Trump a accepté de prolonger jusqu’au 9 juillet 2025 le délai de 90 jours accordé à Bruxelles. «La présidente de la Commission a déclaré que les négociations allaient commencer rapidement», déclarait-il en fin de semaine sur Truth Social, évoquant un appel avec Ursula von der Leyen. En Asie, les départements du Trésor et du Commerce américains fonctionnent au cas par cas.

«Les discussions en vue de parvenir à un accord ont progressé», déclarait dans un communiqué le ministère japonais des Affaires étrangères ce samedi 31 mai. On comprend l’urgence pour Tokyo de négocier : l’automobile représentait environ 28 % des exportations japonaises vers les États-Unis. Ce secteur, dont les produits sont taxés à 25 %, représente un emploi sur huit au pays du Soleil-Levant. En Chine, les négociations peinent à avancer alors que Pékin a récemment exhorté les États-Unis à annuler totalement ces surtaxes «injustifiées». Lors d’un appel téléphonique qui s’est tenu le 22 mai dernier, Xi Jinping invitait Emmanuel Macron à «défendre conjointement les règles du commerce international», rapportait la chaîne de télévision d’État CCTV. L’avenir des relations commerciales de Washington dépendra donc autant des tribunaux que des négociations diplomatiques à venir.