Chypre : la découverte de la partie Nord, rouverte au public depuis 5 ans
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.
lle est restée longtemps secrète. Ses plages sauvages, son riche patrimoine antique et médiéval, étaient interdits aux visiteurs. Mais depuis quelques années, la partie nord de Chypre s'ouvre à nouveau au tourisme. Pour s'y rendre, il faut franchir deux checkpoints, un grec puis un turc. Depuis 1974 et l'intervention de l'armée turque, puis son occupation jugée illégale, l'île est coupée en deux sur 180 km. Symbole frappant de ce conflit gelé : Varosha, notre première étape. Située côté turc, l'ancien Saint-Tropez chypriote est figé dans le temps.
En quelques heures, 40 000 Chypriotes grecs qui résidaient et travaillaient ici ont dû tout abandonner : leurs maisons, commerces et immeubles. "La plupart des meubles ont disparu, mais jusqu'à tout récemment, il y avait encore des vêtements qui pendaient aux fenêtres", décrit Houssem Belloum, guide chez "Nomade Aventure".
Cette ville fantôme, ouverte aux touristes depuis 2020, ne laisse personne indifférent. "C'est comme dans un film, ça ne semble pas réel", admet un touriste. "On ne savait pas grand-chose sur le conflit et son impact toujours présent. Je pense qu'être ici remet les choses en perspective", affirme une vacancière. "Je suis turque. Je n'ai jamais été à Chypre avant. C'est très triste pour les deux côtés de l'île", ajoute une autre.
Présence française pendant 300 ans
Nous abandonnons Varosha pour remonter dans le temps. Le nord de l'île recèle des trésors d'architecture, comme l'impressionnante cathédrale Saint-Nicolas fondée par des Français, puis transformée en mosquée par les Ottomans. "C'est une cathédrale qui a été faite selon les plans de la cathédrale de Reims. Nous avons une architecture française qui vient s'installer dans l'Orient et tout fusionne en harmonie ici, à Chypre", s'enthousiasme Houssem Belloum.
Cette présence française a duré près de 300 ans, comme à l'abbaye de Bellapais, construite au XIIIe siècle par des Augustins. Mais aussi à Saint-Hilarion, un site fortifié par des nobles originaires du Poitou. Nous reprenons notre route pour une pause culinaire. Direction Kormakitis, le dernier village de la communauté maronite de Chypre. Marianna Frangeskou a passé toute son enfance ici. Elle veut nous faire découvrir le véritable halloumi local, un fromage de chèvre et de brebis à la texture unique et bien salée.
Gastronomie locale
Autre recette artisanale : des macaronis qu'une voisine façonne grâce à ses brins d'herbe pris dans son jardin. "Nous, les anciens, avons fait notre temps, les jeunes, eux, ne cuisinent plus les pâtes, ils les achètent toutes faites", commente-t-elle.
Ce village de 300 habitants, avec sa gastronomie locale et ses jolies maisons d'hôtes, mise son avenir sur l'agrotourisme. "C'est très important pour la promotion de la culture, mais aussi pour qu'on puisse travailler au village et pour que les jeunes puissent retourner au village et y rester habiter", explique Marianna Frangeskou, habitante de Kormakitis.
À l'heure du déjeuner, dégustation au bord de l'eau. Le halloumi a été grillé, les macaronis assaisonnés. Une table typiquement chypriote. "On le mange avec des fruits, de la pastèque. C'est ce qu'on mange surtout pendant l'été", détaille Marianna Frangeskou.
Karpas, la péninsule sauvage
Il est déjà temps pour nous de repartir, direction la péninsule de Karpas, à la pointe de l'île. C'est l'un des endroits les plus sauvages de Chypre. On y trouve des centaines d'ânes en liberté qui amusent beaucoup les touristes. "Ils appartenaient aux paysans qui étaient ici et qui ont dû partir au sud. Ce sont des ânes qui sont devenus sauvages", rappelle Houssem Belloum.
Un peu plus loin, les dernières plages du parc naturel offrent une quiétude inhabituelle par rapport au sud de l'île. "Il n'y a pas de maisons, pas d'immeubles, d'appartements. C'est très calme, très propre et la mer est magnifique", décrit une vacancière sur un transat.
"On parle de Karpas comme du secret le mieux gardé de Chypre. On connaît, mais comme c'est loin, on ne se donne pas toujours la peine d'y aller alors que ça vaut vraiment la peine", termine Houssem Belloum. Impossible pour nous de partir de la péninsule de Karpas sans un dernier plongeon. Au sud, comme au nord, Chypre et ses habitants réservent aux voyageurs encore bien d'autres surprises.