La convention citoyenne sur les «temps de l’enfant» s’ouvre dans un contexte de baisse dramatique du niveau scolaire
Il y a un mois, la Cour des comptes rendait un rapport aux conclusions accablantes sur l’enseignement primaire. Elle dénonçait sans détour le «niveau inacceptable des élèves» et appelait à «repenser le modèle actuel de l’école». Parmi ses observations, ce rapport de 120 pages interrogeait «l’organisation du temps scolaire, qui n’apparaît prioritairement conçue en fonction des élèves». Cela tombe bien, la nouvelle convention citoyenne sur «les temps de l’enfant» voulue par Emmanuel Macron et pilotée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), entame dès aujourd’hui ses travaux, appelés à durer six mois.
Au total, 130 Français ont été dans un premier temps tirés au sort puis sélectionnés, selon certains critères (âge, sexe, aire urbaine, région, niveau de diplôme, catégorie socioprofessionnelle), afin de représenter un panel représentatif de la société. Ils se réuniront sept fois au total jusqu’au mois de novembre 2025, le tout pour un budget prévisionnel de 4 millions d’euros. Lors d’une première phase, dite «d’appropriation», ils vont rencontrer des acteurs du milieu éducatif ou de l’enfance, qu’il s’agisse de parents, d’enseignants ou d’experts médicaux. Puis, s’ouvrira «la phase de délibération» au cours de laquelle une vingtaine de jeunes entre 12 et 17 ans seront entendus et partageront leur expérience.
26% des élèves «souvent angoissés» avant d’aller en classe
Sur le fond, ce cénacle devra répondre à une question formulée par François Bayrou : «Comment mieux structurer les différents temps de la vie quotidienne des enfants afin qu’ils soient plus favorables à leurs apprentissages, à leur développement et à leur santé ?» Dans sa note de saisine adressée au président de la République, le premier ministre établit le constat d’une «inadéquation entre les rythmes biologiques des enfants et l’organisation actuelle du système éducatif». Il évoque le mal-être de certains élèves, lié à la surcharge des journées scolaires (26% se diraient «souvent angoissés» avant d’aller en classe, selon une étude Ipsos de mars 2025), qui empêchent également l’accès au sport ou aux activités culturelles «essentielles à l’épanouissement».
Devront donc être abordés frontalement des sujets aussi épineux que les horaires de classe et la durée des congés estivaux dans le primaire et le secondaire. Emmanuel Macron n’a jamais fait mystère de ses vues sur ces questions sensibles. Il déplore d’une part que l’«on bourre les semaines de nos enfants» et a critiqué à plusieurs reprises des vacances d’été qui sont «très très longues». Traduction : il faudrait alléger les journées en modifiant les heures d’entrée et de sortie de classe, mais aussi raccourcir les congés estivaux. Mais il serait bien dangereux à deux ans de sa fin de mandat de foncer tête baissée sur ce sujet avec un nouveau projet de loi.
L’échec cuisant de la réforme Peillon
En effet, si cet équilibre ne semble pas sorcier à trouver sur le plan mathématique, de nombreux élus s’y sont cassé les dents. En 2013, l’ambitieuse loi Peillon actait le passage de quatre jours à quatre jours et demi de classe par semaine, avec donc un mercredi matin de présence obligatoire. Face aux protestations des communes contraintes de financer les heures libérées les après-midi de semaine et des enseignants, se plaignant de devoir travailler le mercredi, la réforme a été rapidement assouplie. Quant à la proposition d’un raccourcissement des vacances estivales - Peillon réclamait six semaines au lieu de deux mois -, elle a été abandonnée en cours de route. Le ministre estimait alors que la question ne devrait «pas être taboue dans les années à venir». Près de quinze ans après, elle l’est pourtant toujours.
Si le temps scolaire, qui représente environ un tiers de la vie des enfants, est au cœur de la convention citoyenne, elle a étendu son champ de réflexion à d’autres sujets moins inflammables, comme le temps devant les écrans, l’accès à la culture ou le transport des élèves dans les zones rurales. Quelle que soit l’issue, les conclusions des discussions n’auront aucun caractère contraignant mais doivent servir de base pour influencer les futures politiques publiques, voire inspirer un projet de loi. Les organisateurs du Cese qui composent le comité de gouvernance se veulent optimistes, prenant pour exemple la précédente convention citoyenne sur la fin de vie. Dans leur rapport final d’avril 2023, les participants se prononçaient en faveur d’une aide active à mourir sous conditions, et deux ans plus tard un projet de loi sur ce thème était adopté en première lecture à l’Assemblée. «Une preuve que les travaux des conventions ont un impact!», assène le Cese dans son document introductif.
Deux notes d’analyse publiée ce 18 juin par le haut-commissariat à la Stratégie et au Plan tirent la sonnette d’alarme sur la baisse de niveau des élèves français. Cette synthèse de plusieurs études documentées vient s’ajouter aux mauvais scores de la France dans les classements PISA successifs. «Un enfant de cadre en 2017 a de moins bons résultats en calcul qu’un enfant d’ouvrier en 1987», affirmait ce mercredi Clément Beaune, haut-commissaire au Plan, dans le Figaro. Pour redresser la barre, les 130 tirés au sort de la convention citoyenne devront se montrer créatifs...