Allemagne : un député de gauche de Die Linke remet en cause le drapeau et l’hymne nationale

À quelques semaines de la fête nationale allemande du 3 octobre, qui commémore la réunification du pays, les symboles de l’État se retrouvent au centre d’un débat politique. Dans un entretien à la Rheinische Post  paru le 29 août, Bodo Ramelow, vice-président du Bundestag et figure de Die Linke, parti socialiste antilibéral, appelle à remplacer l’hymne national et à changer le drapeau allemand. Son argument : ceux-ci ne feraient toujours pas consensus dans l’est du pays.

Trois jours plus tard, le député fait machine arrière. Il explique qu’il ne s’agissait pas de supprimer ces emblèmes. «Il y a une raison pour laquelle nous avons le noir-rouge-or, et il vaut la peine de le défendre. Ce sont les couleurs de la liberté.» Son propos visait plutôt, affirme-t-il, à envisager une consultation populaire sur la question, dans le cadre d’une éventuelle refonte de la Constitution allemande, comme le prévoit l’article 146. Il a aussi évoqué la Kinderhymne, un poème de Bertolt Brecht, comme alternative éventuelle, plus consensuelle et moins «nationaliste» sans pour autant la proposer comme remplacement immédiat.

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Des symboles généralement acceptés

Si la majorité des Allemands accepte le drapeau noir-rouge-or et l’hymne national sans réelle contestation, ces symboles sont régulièrement remis en question par les extrêmes politiques, révélant des tensions sur l’identité nationale, notamment entre l’Est et l’Ouest. Si l’histoire exacte des couleurs du drapeau reste floue, elles sont aujourd’hui perçues comme un emblème des valeurs démocratiques, en particulier depuis que les manifestants est-allemands les ont brandies avant la chute du mur de Berlin.

L’hymne, lui, a été adopté pour la première fois sous la République de Weimar, avant d’être partiellement détourné par le régime nazi. Inspiré d’un poème d’August Heinrich Hoffmann von Fallersleben, il reflète l’esprit révolutionnaire et romantique du XIX siècle. Après 1949, la République fédérale d’Allemagne n’en a retenu que la troisième strophe, centrée sur «l’unité, le droit et la liberté pour la patrie allemande», version conservée après la réunification de 1990.

Pendant le III Reich, seule la première strophe de l’hymne, exaltant «l’Allemagne par-dessus tout» et s’étendant symboliquement «de la Meuse au Niémen, de l’Adige au Belt», fut utilisée, dépassant largement les frontières actuelles du pays. Mais le passé de cet hymne reste trop lourd pour Ramelow, qui souligne que certains citoyens, surtout dans l’ex-Allemagne de l’Est, éprouvent des réserves face à ces symboles. Un malaise qui traduit un clivage historique et culturel persistant, trente-cinq ans après la réunification.

Une remise en cause démocratique

Les réactions politiques n’ont pas tardé. Carsten Linnemann (CDU, l’union chrétienne-démocrate allemande) a dénoncé un risque pour la démocratie : «Nos symboles incarnent nos droits fondamentaux et notre État de droit. Ceux qui en doutent posent un problème avec l’ordre démocratique du pays». Andrea Lindholz, du même bord, a estimé que Ramelow manquait de neutralité, et Andreas Bühl, chef de la fraction CDU en Thuringe, a qualifié l’initiative de «dangereuse».

Certains élus d’extrême droite ont eux aussi saisi l’occasion pour intervenir dans le débat. Tobias Teich, vice-président de l’AfD en Bavière, a regretté que «seule une strophe de l’hymne soit chantée» et appelé à «faire preuve de courage et de force pour défendre l’histoire et l’unité allemande». Son groupe a toutefois rapidement pris ses distances, révélant des désaccords internes.

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Le député Bodo Ramelow avait déjà soulevé la question en 2019, poussant celle qui était alors chancelière à réagir. Angela Merkel, qui a grandi en ex-RDA, avait déclaré «trouver l’hymne très beau, la musique comme les paroles», tout en rappelant que «certains problèmes d’une nature plus préoccupante devaient concentrer toute l’attention du pays». Une fin de non-recevoir que devrait, une fois encore, essuyer le député.