Sanremo 2025, le festival « gender-fluid » qui divise de nouveau l’Italie
Carlo Conti, nouveau directeur artistique et animateur du festival Sanremo, a fort à faire. Pour sa première année aux commandes du célèbre rendez-vous musical italien, celui qui succède au présentateur Amadeus prend de plein fouet les premières critiques sur sa programmation très «queer». Car l’annonce de la liste des 30 artistes en compétition pour l’édition 2025, qui se tiendra du 11 au 15 février, n’a pas l’heur de plaire aux partisans de Giorgia Meloni, la Première ministre italienne.
L’édition 2024 de Sanremo a été suivie en moyenne par près de 11,4 millions de téléspectateurs et téléspectatrices, des audiences monumentales qui font de cet événement l’un des plus attendus en Italie chaque année. Pour mémoire, le gagnant du festival remportera le ticket pour représenter l’Italie à l’Eurovision en mai prochain. En 2025, c’est donc Carlo Conti qui reprend les rênes avec une lourde tâche : tirer un trait sur les éditions antérieures entachées par de vives polémiques.
Une compétition « gender-fluid » ?
Des polémiques en partie alimentées par le gouvernement Meloni. En 2023, une députée Fratelli d’Italia - parti d’extrême droite dirigé par Giorgia Meloni depuis 2014 - s’était indignée que la compétition soit devenue « plus gender-fluid que jamais ». En cause, le look androgyne, affiché sur scène, par l’artiste Rose Chemical. Un style qui promeut « le sexe, l’amour polygame et la pornographie sur OnlyFans », selon la députée meloniste.
Le festival, bien trop «politisé» aux yeux du gouvernement et de ses soutiens, a engendré d’autres dérives cette même année, quand le rappeur Fedez a livré un « freestyle » critiquant ouvertement l’exécutif italien. La Rai, diffuseur officiel du Sanremo, a affirmé de ne pas avoir été mise au courant du texte du rappeur. L’année suivante, en 2024, une nouvelle controverse est venue s’ajouter à cette pluie de scandales. Lors de son passage sur scène, le rappeur Ghali, a lancé « Stop au génocide à Gaza », s’attirant les foudres de l’ambassadeur israélien en Italie, et plus généralement, d’une bonne partie de la classe politique transalpine.
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Le Codacons fait pression
Muet depuis sa prise de fonction, Carlo Conti s’est donc attelé au choix de son programme pour 2025. Le nouveau directeur artistique du festival ne l’a pas fait sans difficultés, puisqu’il a subi la pression du Codacons, une association de consommateurs italienne. « La musique devrait être remise au centre de l’événement, car ces dernières années, les choix opérés par le Festival visaient seulement à lui garantir de toucher un public très jeune et à attirer l’attention des réseaux sociaux, sans tenir compte de la qualité des chansons en lice », a déclaré, et en même temps dénoncé, le Codacons en mai dernier.
Mahmood - Tuta Gold (Sanremo 2024)
Mais cette pression pèse peu face aux succès commerciaux qu’ont rencontrés les morceaux présentés à Sanremo ces dernières années. Et Carlo Conti le sait, et a pris en compte cette donnée. Parmi les 30 chansons qui concourraient en 2024, huit ont été certifiées disques d’or, et 19 au moins une fois disques de platine ! Tuta Gold de l’artiste Mahmood (deuxième de l’Eurovision 2019) s’est vendu, par exemple, à plus de 500 000 exemplaires.
Nouvelle édition, nouvelle polémique
Sanremo 2025 affichera un catalogue d’artistes large : Sarah Toscano, dernière gagnante en date du très populaire télécrochet Amici di Maria de Filippi, Simone Christicchi et Francesco Gabbani, vainqueurs respectivement des éditions 2007 et 2017, Noemi et Massimo Ranieri, qui honoreront leur huitième participation, ainsi que Giorgia, Francesca Michielin, Irama et... Achille Lauro, un chanteur à l’esthétique queer qui risque de raviver la polémique du « gender-fluid ».
La cohorte, aux accents scandaleux, des rappeurs devrait elle aussi faire son retour. Olly, Rocco Hunt et le DJ Shablo seront ainsi en compétition. Ils seront accompagnés du célèbre Fedez et de son rival Tony Effe qui font couler beaucoup d’encre en Italie depuis la rentrée avec leurs diverses brouilles. Tout un tas d’annonces qui a de nouveau fait réagir, en mal, un Cadacons très révolté. L’association de consommateurs a jugé de « gravissime » la décision de Carlo Conti de sélectionner des « rappeurs violents aux textes dangereux ». Dans un communiqué, ils estiment que ce choix « anéantit des années de lutte et de sensibilisation contre les violences faites aux femmes, l’homophobie, le harcèlement, et qui font offense à des millions de femmes italiennes ».
« Beaucoup de rappeurs [se sont portés candidats], mais ils sont plus orientés vers la pop et ils gagnent en maturité »
Pablo Conti
Le Concadons envisage même de recourir à des poursuites légales pour empêcher « la participation de ces rappeurs » au festival. Déjà interpellé en novembre dernier sur ce sujet, Carlo Conti avait répondu en déclarant au podcast Pizzi : « Beaucoup de rappeurs [se sont portés candidats], mais ils sont plus orientés vers la pop et ils gagnent en maturité. J’aime que les jeunes parlent de leur génération d’une manière qui n’est pas agressive ».