Novo Nordisk veut séduire les patients français avec le Wegovy, son médicament antiobésité

Habillée de couleurs vives et d’une jupe seyante, une jeune femme en surpoids regarde, sereine, le lecteur droit dans les yeux : «J’ai décidé d’agir pour moi et pour ma santé». Nulle part, dans cette publicité parue dans la presse la semaine dernière, n’est fait mention du Wegovy, le médicament antiobésité du laboratoire danois Novo Nordisk. Et pour cause : une telle publicité serait interdite en France. Mais c’est bien le logo du groupe danois orné d’un renne qui figure en bas à droite de la publicité, à côté d’un message particulièrement opportun : «Bien que la société ait encore du mal à l’accepter, l’obésité est une maladie chronique complexe. Parlez-en à votre médecin». 

Le message tombe à pic. À compter de ce mardi, ces derniers peuvent prescrire à leur patient du Wegovy, disponible dans les pharmacies françaises après l’avoir été en Allemagne, en Espagne, en Suisse, en Angleterre ou encore aux États-Unis. «La France est le 16e pays où nous lançons ce médicament, explique Étienne Tichit, le directeur général de Novo Nordisk en France. Les patients français bénéficient aujourd’hui d’une nouvelle option pour traiter l’obésité, en complément d’une amélioration de leur régime alimentaire et d’une augmentation de leur activité physique. Il y a trois ans, il n’y avait encore aucun traitement.»

Effets spectaculaires

Les effets du Wegovy sur la perte de poids sont spectaculaires : la prise de ce médicament, qui se présente sous la forme d’une solution injectable toutes les semaines, occasionne une perte de poids moyenne de 15% au bout de 68 semaines, note l’Autorité européenne du médicament (EMA). Aux Etats-Unis, où une personne sur huit a déjà pris ce médicament ou un autre fonctionnant sur le même principe, l’obésité semble même avoir atteint son pic et commencé à refluer. 

De telles performances séduisent au-delà des personnes obèses ou en surpoids, comme le montre le flot de publications sur les réseaux sociaux - de quidams à Elon Musk - vantant l'efficacité du Wegovy pour perdre quelques kilos. 

C’est donc peu dire qu’en France, le Wegovy «était très attendu», constate Claudine Canal, membre du conseil patient au sein de la Ligue contre l’obésité. En officine, «les demandes au sujet du Wegovy sont fréquentes», confirme Philippe Besset, le président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France. «Et nous soupçonnons des prescriptions détournées d'Ozempic», un médicament de Novo Nordisk déjà disponible en France et contenant le même principe actif (le sémaglutide) mais destiné aux personnes souffrant d'un diabète de type 2.

Pas de remboursement

S’il est attendu, le Wegovy ne sera en revanche pas à la portée de toutes les bourses. Comme ailleurs en Europe à l’exception de la Grande-Bretagne et de la Suisse, il ne sera pas remboursé par la Sécurité sociale, du moins dans un premier temps. Novo Nordisk anticipe un prix compris entre 9 euros et 12 euros par jour, soit entre 270 et 360 euros par mois, entièrement à la charge du patient. «Les plus modestes, qui sont aussi plus touchés par l'obésité, ne pourront pas en bénéficier», déplore Anne-Sophie Joly, la présidente du collectif national des associations d'obèses (CNAO). 

Seuls les 7000 patients traités depuis 30 mois dans le cadre dérogatoire de l’accès précoce continueront à bénéficier d’une prise en charge - par Novo Nordisk et non par la Sécurité sociale - jusqu’à la fin janvier 2025. 

Tout n’est cependant pas perdu pour les autres patients. Novo Nordisk espère bien décrocher une prise en charge dans les mois à venir. En décembre 2022, le laboratoire danois avait obtenu un avis positif de la commission de transparence à un remboursement, à condition d’apporter de nouvelles données démontrant l’efficacité du Wegovy dans le traitement des maladies cardiovasculaires. Des données fournies en mai - le Wegovy réduit le 20% leur risque de vivre un accident cardiovasculaire grave. 

Doses en nombre suffisant

Le laboratoire n’en est pas moins lucide quant à l’état des finances publiques, et ne sollicite pas le remboursement du traitement pour tous les patients éligibles. L’agence européenne du médicament autorise en effet la prescription du Wegovy dès le simple surpoids (IMC supérieur à 27) si les patients souffrent de comorbidités (apnée du sommeil, diabète, hypertension artérielle). «Cela veut dire qu’une personne sur deux est potentiellement concernée, c’est insoutenable pour les finances publiques, note Étienne Tichit. Mieux vaut limiter le remboursement aux patients qui en ont le plus besoin. C’est le cas des patients dont l’IMC est supérieur à 40 - un critère pour bénéficier de l’accès précoce.»

Les doses, en revanche, ne devraient cette fois pas manquer. En Allemagne, le lancement du Wegovy avait été contraint par les capacités de production limitées de Novo Nordisk. Mais depuis, le laboratoire danois a massivement investi pour produire davantage, rachetant par exemple les usines du sous-traitant Catalent pour 11 milliards de dollars. «Nous aurons suffisamment de doses pour couvrir les besoins des patients français», assure le directeur général de Novo Nordisk en France. 

Le succès de l’Ozempic et du Wegovy a propulsé le laboratoire danois vers les cimes boursières. Il y a un an, Novo Nordisk est devenu la première capitalisation européenne, devant LVMH. Elle dépasse aujourd’hui le PIB du Danemark, que le laboratoire contribue à booster.