La politique brutale de Donald Trump en matière commerciale et vis-à-vis de l’Ukraine va-t-elle se retourner contre lui ? Alors que le président américain menace ses rivaux comme ses partenaires avec ses droits de douane, tout en forçant la main à Volodymyr Zelensky pour qu’il accepte un cessez-le-feu avec la Russie, certains consommateurs appellent à agir, en utilisant leur meilleure arme : leur portefeuille. Au Canada, au Danemark et même en France, des citoyens se mobilisent et appellent au boycott des produits américains, comme McDonald’s, Airbnb, Tesla, Ford ou encore Google.
C’est sans doute chez le voisin nord-américain, visé par des surtaxes douanières depuis ce mardi 4 mars et que Donald Trump a menacé d’annexer, que la grogne est la plus massive. Au pays à la feuille d’érable, des listes d’alternatives canadiennes aux produits américains sont partagées massivement sur les réseaux sociaux. Même les médias y vont de leurs conseils pour boycotter les produits «made in USA». Le premier ministre Justin Trudeau lui-même a d’ailleurs appelé - sur le réseau américain X - à «choisir des produits fabriqués chez nous, au Canada».
Sur le terrain, les exemples sont légion. Des restaurateurs ont rayé de leur carte les vins californiens. La chaîne de supermarchés Loblaw suggère sur son application des produits alternatifs fabriqués localement. Et les Canadiens annulent en masse leurs projets de voyage aux États-Unis, à tel point que l’US Travel Association anticipe des pertes de 2,1 milliards de dollars (2 milliards d’euros), rapporte le magazine Forbes.
Un mouvement croissant en Europe
Ce mouvement de boycott s’étend maintenant au Vieux Continent, en particulier en Europe du Nord. Au Danemark, un groupe dédié - créé sur le réseau américain Facebook -, baptisé «Boykot varer fra USA» («Boycotter les produits en provenance des États-Unis» en français) a réuni plus de 54.000 internautes en l’espace d’un mois. Il dit rassembler «les personnes qui veulent soutenir un boycott des produits en provenance des États-Unis, à la suite de la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump». Cette dernière s’ajoute à un autre sujet de frictions entre le Danemark et Washington, celui des menaces d’annexion du Groenland par Donald Trump.
Au-delà de ce mouvement de boycott des consommateurs, le leader de la distribution alimentaire au Danemark, Salling, a lui décidé de promouvoir les produits européens dans ses rayons en plaçant une petite étoile noire à côté de l’étiquette de prix si le fabricant est européen. Mais le distributeur se défend d’appeler au boycott du «made in USA». «Nos magasins continueront à proposer des marques du monde entier et les clients seront toujours libres de choisir», a affirmé son PDG Anders Hagh sur LinkedIn.
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«Pas de carburant pour les Américains»
Chez le voisin suédois, un groupe Facebook de boycott des produits américains, «Bojkotta varor från USA», compte, lui, plus de 38.000 membres. Celui-ci est «né de la frustration que nous ressentons, comme beaucoup d’autres, car depuis le 20 janvier 2025, le monde est devenu beaucoup plus incertain et imprévisible», est-il précisé dans sa description, la date faisant référence à celle de l’investiture de Donald Trump. Le boycott est une pratique bien ancrée en Suède, indique au Monde Hube Andersen, un membre du groupe, prenant l’exemple de l’action menée contre les produits français, au début des années 1990, contre les essais nucléaires dans le Pacifique.
En Norvège, c’est l’entreprise pétrolière et maritime Haltbakk Bunkers, fournisseur numéro un de carburant dans les ports norvégiens, qui a annoncé samedi dernier qu’elle cessait «immédiatement» d’approvisionner les navires de la marine américaine, en réponse à l’humiliation subie par Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche. «Le président ukrainien a eu le mérite de se contenir et de garder son calme, même si les États-Unis ont organisé un spectacle télévisé de plantage de couteau dans le dos. Cela nous a rendus malades... Pas de carburant pour les Américains», a écrit l’entreprise dans un post Facebook aujourd’hui supprimé.
De quoi mettre dans l’embarras le gouvernement norvégien, forcé de réagir. Le ministre de la Défense du pays des fjords, Tore Sandvik, a affirmé dimanche que le pays continuerait à fournir du carburant aux bateaux américains. La décision de Haltbakk Bunkers n’est «pas conforme à la politique du gouvernement norvégien», et «les forces américaines continueront à recevoir l’approvisionnement et le soutien dont elles ont besoin de la part de la Norvège», a-t-il déclaré.
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Un groupe Facebook de boycott aussi lancé en France
Dans certains pays, une entreprise américaine est particulièrement visée par cette vague de protestation : Tesla, l’une des sociétés du milliardaire Elon Musk, devenu proche conseiller de Donald Trump et qui dirige son nouveau département de l’efficacité gouvernementale (Doge). Ses prises de position controversées, notamment en faveur du parti allemand d’extrême droite AfD, ont par exemple conduit le ministre polonais du Tourisme Slawomir Nitras à dire qu’il était «nécessaire de répondre fermement (à Musk), par exemple avec un boycott». Autre preuve de la défiance croissante envers Tesla, et pas qu’en Europe, la ville canadienne de Toronto a décidé d’exclure le constructeur de son programme d’aides à l’achat de véhicules électriques pour les taxis. Pas de quoi faire les affaires de l’entreprise, dont les ventes s’effondrent en Europe.
Dans l’Hexagone, de premiers mouvements anti-américains émergent également. Lancé en fin de semaine dernière, le groupe Facebook «Boycott USA : Achetez Français» a ainsi rassemblé plus de 3500 membres en quelques jours seulement. «Marre de financer les dérives impérialistes américaines ? Passez à l’action. Ici, on s’organise pour soutenir l’économie française et européenne en boycottant les produits US. Priorité au local, au made in France et à notre souveraineté économique», précise la description du groupe. Celui-ci a été fondé par un producteur de houblon du Nord de 33 ans, révolté notamment par l’attitude de Donald Trump envers Volodymyr Zelensky. Parmi les entreprises à boycotter, Édouard Roussez cite, auprès de Radio France, «Tesla, Airbnb». «Il y en a beaucoup d’autres. Et ensuite, les services, on va utiliser le Chat plutôt que ChatGPT, Mappy plutôt que Waze», énumère l’agriculteur.
Passer des paroles aux actes reste toutefois extrêmement complexe. Des sodas Coca-Cola aux iPhones d’Apple, du moteur de recherche Google aux fast-foods McDonald’s, des couches Pampers au service de streaming Netflix, du ketchup Heinz aux cafés Starbucks... Les produits américains sont en effet omniprésents dans notre quotidien. Un boycott pourrait même s’avérer contre-productif pour l’économie française, car certaines grandes marques américaines fabriquent dans des usines tricolores leurs produits vendus dans l’Hexagone. Par exemple, Coca-Cola compte cinq sites de production dans notre pays. Peu de produits sont en réalité directement importés depuis les États-Unis. Parmi eux, on peut citer les pistaches, le bourbon, ou encore les motos Harley-Davidson.