Guerre en Ukraine, élections en Allemagne... Comment le vice-président américain J.D. Vance a un peu plus creusé le fossé avec les Européens
Il était attendu sur la guerre en Ukraine, il a préféré donner aux Européens une leçon sur la démocratie. Le vice-président américain J.D. Vance a creusé un peu plus le fossé entre Washington et ses alliés européens, vendredi 14 février, lors de la conférence sur la sécurité de Munich organisée en Allemagne. Le numéro deux de Donald Trump y a prononcé un discours très critique sur le "retrait de la liberté d'expression" chez ses partenaires du Vieux Continent, épousant les vues des partis d'extrême droite, notamment de l'AfD allemand dont il a rencontré la dirigeante à l'occasion de son passage par la capitale bavaroise.
Il prononce un discours à charge sur "la liberté d'expression"
Les Européens espéraient que J.D. Vance livrerait des détails sur la feuille de route de la Maison Blanche en vue de mettre fin aux hostilités en Ukraine. Mais le vice-président américain n'a fait qu'effleurer le sujet, pour se concentrer sur un discours à charge contre le Vieux Continent et ses dirigeants. "Au Royaume-Uni et à travers l'Europe, la liberté d'expression, je le crains, est en retrait", a-t-il déclaré, causant la stupeur de son auditoire. Plus que "la Russie" ou "la Chine", "ce qui m'inquiète, c'est le recul de l'Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, valeurs partagées avec les Etats-Unis", a-t-il poursuivi, promettant de "se battre pour défendre votre droit de les exprimer dans l'espace public", sous la direction du "shérif" Donald Trump.
J.D. Vance a plus particulièrement évoqué le cas de la Roumanie. La Cour constitutionnelle de ce pays a annulé le premier tour de la présidentielle, après des soupçons de manipulation sur les réseaux sociaux en faveur du candidat d'extrême droite Calin Georgescu, arrivé en tête du scrutin avec plus de 20% des voix. La décision de la juridiction s'est faite "sur la base des faibles soupçons d'une agence de renseignements", a estimé J.D. Vance, dénonçant "une énorme pression" de ses voisins européens.
"Si votre démocratie peut être détruite avec quelques centaines de milliers de dollars de publicité numérique d'un pays étranger, alors elle n'était pas très forte."
J.D. Vance, vice-président américainlors de la conférence sur la sécurité de Munich
J.D. Vance a également ciblé la Suède pour avoir condamné un ami de Salwan Momika, un homme tué fin janvier après avoir suscité la colère de pays musulmans en brûlant des exemplaires du Coran. Le ministre de la Justice Gunnar Strömmer a répondu que la Suède disposait de "l'une des protections les plus étendues de la liberté d'expression dans le monde", mais que celle-ci n'était pas "illimitée".
Il affiche son soutien à l'AfD allemande
Le vice-président américain n'a pas non plus épargné le pays hôte de la conférence. Le républicain a fustigé le consensus en Allemagne autour d'un "cordon sanitaire" empêchant l'extrême droite d'accéder au pouvoir. Le candidat conservateur Friedrich Merz, favori des sondages pour les législatives du 23 février, avait réaffirmé quelques jours plus tôt que son parti chrétien-démocrate, la CDU, ne nouerait jamais d'alliance avec le parti d'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD).
"Ce à quoi la démocratie allemande, ne peut survivre, c'est de dire à des millions d'électeurs que leurs pensées et leurs préoccupations (...) ne méritent même pas d'être prises en considération", a martelé J.D. Vance devant l'assistance. S'exprimant après lui, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a qualifié ses propos de "non acceptables". En Allemagne, "des partis extrémistes comme l'AfD" peuvent "faire une campagne électorale tout à fait normale", a-t-il répliqué, soulignant la présence de la leader du mouvement "en prime time à la télévision" la veille.
J.D. Vance ne s'est pas contenté de dénoncer ces alliances politiques contre l'AfD. Après son discours à la conférence de Munich, il a rencontré la leader du parti d'extrême droite allemand, Alice Weidel. L'échange a été confirmé à l'AFP par un membre de l'équipe du vice-président américain. Selon le Guardian, J.D. Vance et Alice Weidel ont discuté durant une trentaine de minutes, évoquant la guerre en Ukraine, la politique interne allemande et le fameux "cordon sanitaire" en vigueur outre-Rhin.
Il fait craindre une paix désavantageuse pour l'Ukraine
Le vice-président américain a aussi rencontré le président ukrainien, en marge de la conférence de Munich. Peu de détails ont filtré sur ces échanges, survenus deux jours après un long appel téléphonique entre Vladimir Poutine et Donald Trump, à l'issue duquel les deux chefs d'Etat ont dit vouloir lancer des négociations "immédiates" sur la paix en Ukraine. "Nous voulons parvenir à une paix durable et non pas à une paix qui entraînera un conflit en Europe de l'Est dans quelques années", a assuré J.D. Vance.
"Nous sommes prêts à avancer le plus rapidement possible vers une paix réelle et garantie", a de son côté écrit Volodymyr Zelensky sur X. Le président ukrainien a également salué la "détermination" de Donald Trump qui, a-t-il ajouté, "peut contribuer à mettre fin à la guerre". J.D. Vance et Volodymyr Zelensky ont assuré avoir eu une "bonne conversation" sur les moyens d'atteindre cet objectif. Ils ont aussi déclaré que d'autres entretiens suivraient "dans les jours, les semaines et les mois à venir", selon le vice-président américain.
Samedi, le chef d'Etat ukrainien a toutefois déclaré, au sujet de cet entretien avec J.D. Vance, que "ce n'était pas une perte de temps" mais que "ce n'est pas suffisant". "Nous devons parler davantage", a insisté Volodymyr Zelensky, qui a affirmé qu'il "rencontrera les Russes – un seul Russe, Poutine – mais seulement une fois que nous aurons un plan commun avec Trump, avec l'Europe".
Il fait vivement réagir ses alliés européens
Sans surprise, les prises de position de J.D. Vance ont irrité les responsables européens. "En écoutant ce discours, on avait l'impression que [les Etats-Unis] voulaient démarrer une dispute avec nous, et nous ne voulons pas nous disputer avec nos amis", a réagi Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne, citée par Reuters. La diplomate estonienne a appelé les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept à se réunir dimanche, pour évoquer le conflit en Ukraine mais aussi les relations avec l'administration Trump, ajoute le Guardian.
Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a réagi vertement à ce discours du vice-président américain. "Personne n'est obligé d'adopter notre modèle, mais personne ne peut nous imposer le sien", a-t-il affirmé sur le réseau social X, peu avant d'intervenir à la conférence sur la sécurité de Munich.
Après les soutiens répétés apportés par le milliardaire Elon Musk à l'AfD, les déclarations de J.D. Vance ont particulièrement choqué en Allemagne. Le chancelier socialiste Olaf Scholz a "rejeté expressément" les propos du vice-président américain. "De l'expérience du national-socialisme, les partis démocratiques en Allemagne ont tiré un consensus commun : c'est le mur pare-feu [équivalent du cordon sanitaire] contre les partis d'extrême droite", a-t-il réagi sur X.
Le lendemain, face aux responsables internationaux rassemblés à la conférence de Munich, il a martelé que les Allemands "n'accepteront pas que des tiers interviennent en faveur" du parti d'extrême droite AfD, à une semaine des élections législatives dans le pays. "La direction que prendra notre démocratie, nous seuls en décidons. Nous et personne d'autre !" a martelé Olaf Scholz. Le dirigeant allemand a conclu, au sujet de l'intervention du vice-président américain : "Cela ne se fait pas – et surtout pas entre amis et alliés."