Qui est Julien Marissiaux, le Nordiste antisystème, nostalgique des «gilets jaune», aux origines du mouvement «Bloquons tout» ?
Quand d’aucuns s’écharpent des jours durant sur la légitimité de la suppression de deux jours fériés, Julien Marissiaux voit plus loin. Son plan intitulé «France Souveraine» prévoit une reprise en main de la dette par le peuple, une sortie définitive de l’Union européenne, un choc de justice salariale ou encore un plan massif de relocation productive. Un projet qui comporte naturellement un préalable : la destitution d’Emmanuel Macron.
Ce Nordiste de 43 ans, à l’origine du canal Telegram «Les Essentiels France», lancé au mois de mai dernier, est le premier à avoir lancé le mot d’ordre «Bloquons tout» sur les réseaux sociaux. Bien qu’hyperactif en ligne, Julien Marissiaux n’a pas répondu à nos sollicitations. Les journalistes qui souhaitent s’entretenir avec lui n’ont qu’à participer à ses «live» sur TikTok, organisés trois fois par semaine. S’il cultive une forme de retrait médiatique, sa vie professionnelle, comme privée, est en revanche abondamment documentée sur Internet.
Passer la publicité«Comment ils ont détruit le mouvement des Gilets Jaunes»
Julien Marissiaux vit avec son épouse et ses deux filles à Morbecque, une commune près d’Hazebrouck dans le Nord. Entrepreneur multitâche, le Nordiste multiplie les projets, entre sa société Valoryss - qui propose la création de sites internet, l’organisation d’événements sportifs, autant que de la gravure et de la découpe laser -, une activité de location de canoës et un café associatif... récemment devenu une association militante. Initialement baptisé le Cercle Saint-Éloi, l’établissement s’appelle depuis cette semaine, «Les Essentiels», comme le canal Telegram, un site internet et une page Facebook. Différentes plateformes sur lesquelles se déploie le même programme politique.
Dans l’univers idéologique de Julien Marissiaux, perce une certaine nostalgie du mouvement des «gilets jaunes», bien qu’il n’y ait pas pris part à l’époque. «Comme toujours, quand un élan populaire devient trop fort, trop fédérateur, trop authentique… Le système réagit», peut-on lire dans un article du site «Les Essentiels», intitulé «Comment ils ont détruit le mouvement des Gilets Jaunes», qui invite en conclusion à «poursuivre le combat». Comme à l’époque, Julien Marissiaux en appelle «au peuple», «sans intermédiaire», «sans filtre», «sans parti»... Et propose même une dissolution de l’appareil partisan, afin de rendre «la représentation directement aux citoyens».
Coluche, Éric Cantona, Vincent Lindon... Philippe de Villiers
Si le militant adresse en priorité ses flèches à Emmanuel Macron et François Bayrou, les autres personnalités politiques ne sont pas épargnées. Dans une vidéo créée par intelligence artificielle, Marine Le Pen, qualifiée de «verrou ultime» et Jean-Luc Mélenchon, dit «la ventouse de la colère», sont caricaturés en marionnettes. Une voix inquiétante leur reproche de «tous servir le même système». Julien Marissiaux préfère se référer à d’autres figures, de Coluche, à Éric Cantona, Vincent Lindon ou Alexandre Astier, sortes de porte-voix médiatiques d’un discours anti-élite. On retrouve aussi sur son compte LinkedIn le partage d’une chronique de Philippe de Villiers...
Esprit hautement contestataire, il porte également un programme très précis pour redresser le pays, passant par des projets d’envergures tels que le Frexit ou la création d’un fonds souverain citoyen, visant à «libérer la France des marchés financiers». Ce dernier consisterait en un livret garanti par l’État où les Français placeraient leur épargne en échange d’une rémunération annuelle entre 2 et 3%, les sommes collectées servant à refinancer la dette publique. Une dissolution des intercommunalités ou un plafonnement des revenus des élus sont également proposés.
Une politisation du mouvement du 10 septembre
Toutefois, Julien Marissiaux qui martèle sa volonté de s’inscrire hors du système politique classique, semble s’être fait dépasser par sa gauche au fil des mois. Comme l’a révélé une étude de la Fondation Jean Jaurès, les partisans du mouvement «Bloquons tout» se classent désormais très nettement à l’extrême gauche : ils sont 69% à avoir voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle 2022. Si le mouvement des «gilets jaunes» se composait à ses débuts de primo-manifestants qui se revendiquaient apolitiques, les citoyens actifs dans les boucles Telegram du mouvement du 10 septembre semblent au contraire très politisés.
Passer la publicitéParallèlement, de la France Insoumise au Parti socialiste, de nombreux responsables politiques disent compter sur la mobilisation citoyenne du 10 septembre pour faire bouger les lignes. Redoutant néanmoins d’être accusés de récupération politique, la plupart ont insisté sur l’indépendance du mouvement. La vocation du PS n’est pas de «dompter ou d’instrumentaliser» la mobilisation populaire a affirmé Olivier Faure, quand Marine Tondelier a assuré que les Écologistes suivraient le mouvement, tout en restant «à leur place». De son côté, Jean-Luc Mélenchon a fini par assumer pleinement son ralliement au mouvement, appelant encore ce samedi à «tout» bloquer le 10 septembre «pour faire partir» Emmanuel Macron.
Alors que Julien Marissiaux partageait cette semaine sur sa page Facebook personnelle une photo à l’effigie de Marianne avec le texte «Le 10 septembre n’est ni d’extrême gauche, ni d’extrême droite, mais d’une extrême nécessité»... Ses espoirs risquent d’être déçus mercredi prochain. Pour le sondeur et directeur de l’Ifop Jérôme Fourquet, il y a finalement plus de chances que le mouvement ressemble à «Nuit Debout», cette contestation de 2016 caractérisée par son affiliation à une gauche étudiante et urbaine, qu’aux «gilets jaunes».