Rachida Dati confirme son désir de rendre payante l’entrée de Notre-Dame de Paris

Échanges à fleurets mouchetés, lundi soir, entre Rachida Dati, ministre de la culture, et Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques, sur la gratuité de l’accès à Notre-Dame de Paris, au siège de l’Église catholique à Paris, avenue de Breteuil. Le prélat recevait la ministre pour lui présenter les résultats des premiers «États Généraux du Patrimoine Religieux». 

Mais à trois semaines de la réouverture au culte de Notre-Dame de Paris, l’idée lancée en octobre dernier par la ministre de la culture, de faire payer aux touristes l’entrée de la cathédrale pour créer un fond qui servirait à entretenir le patrimoine religieux français, est revenue sur la scène. L’archevêque a campé sur sa position de refus. La ministre espère toujours le convaincre.

C’est l’archevêque de Reims qui a relancé ce débat dans son discours en s’appuyant sur «la loi du 9 décembre 1905» qui «nonobstant la confiscation des biens qu’elle a opérée, est une loi de liberté, garantissant la liberté de culte et ce que nous appelons désormais la liberté religieuse des citoyens». Par conséquent «les lieux de culte sont affectés au culte exclusivement et intégralement et leur accès est gratuit». 

Trahir une vocation

Deuxième charge, le président de l’épiscopat a mis en évidence que les églises, humbles ou majestueuses, «ont toujours été des lieux ouverts à tous, et en premier lieu aux pauvres, aux personnes blessées par la vie, à ceux et celles qui ont besoin de pleurer, de se reprendre, de trouver un refuge. (…) En faire payer l’entrée pour en assurer l’entretien, serait autant de manières de trahir leur vocation originelle. Dans nos sociétés où tout se surveille et où beaucoup de choses sont accessibles du moment que l’on paie, les églises de France, les cathédrales de France sont une magnifique exception.»

Troisième charge : «Permettez-moi de former le vœu cependant, que nos églises et nos cathédrales soient préservées de la marchandisation croissante que l’on constate des lieux de culture et de la pente fatale qui transforme la découverte de leur signification si riche, si pleine et l’effort que cette découverte exige en une animation qui diffuse les messages que le public est censé pouvoir recevoir. Le modèle économique qui nous gouverne, dans lequel nous vivons, possède des limites, il ne respecte pas tout de ce que l’humanité porte. » Même si, a-t-il concédé, «la situation religieuse mais aussi la situation économique ou sociale de notre pays n’est plus celle de 1905.»

C’est ainsi, a-t-il conclu, «qu’il est bon que ces limites soient manifestées. Le patrimoine religieux a vocation à rendre ce service-là. Sans doute, tenir que ce patrimoine échappe aux lois économiques est coûteux pour la collectivité, mais une telle attitude, celle de notre pays pour le moment, est prometteuse pour son avenir, si celui-ci doit être encore plus fraternel.»

« Je ne désespère pas, Monseigneur, de vous convaincre ».

Rachida Dati, Ministre de la culture

Pour répondre, la ministre de la culture est d’abord sortie de son texte rappelant son « engagement pour l’Église » et « la protection du patrimoine religieux » quand elle était maire de ce 7° arrondissement de Paris en évoquant « beaucoup de combats » menés en ce sens avec l’archevêché de Paris où Mgr Éric de Moulins-Beaufort, était en poste. Un premier argument personnel avec cette clé : « je ne désespère pas, Monseigneur, de vous convaincre ».

Elle a ensuite développé l’argument central dans son discours : « Je suis intimement convaincue qu’un pays qui ne s’occupe pas de son patrimoine est un pays qui ne s’occupe pas de son avenir. C’est pour cela que j’ai fait de la sauvegarde du patrimoine religieux l’une de mes priorités. Et c’est aussi dans cet esprit que j’ai proposé de mettre à contribution les touristes venus visiter Notre-Dame, à travers un droit d’entrée qui serait reversé au patrimoine religieux sur tout le territoire »

Favoriser la mobilisation

Pour elle « cette idée protège la liberté de culte, et vous connaissez mon attachement à ce principe fondamental de notre droit. Surtout, elle pourrait permettre de sauver une grande part de notre patrimoine. Quoi de plus beau, de plus noble pour Notre-Dame, rebâtie par la mobilisation de tous, par une générosité inédite, que de permettre à son tour que des édifices religieux en péril puissent être sauvés ? Au-delà de la nécessité matérielle de la mesure, c’est la symbolique de la mesure qui est la plus forte. » 

Elle a alors reconnu en concluant : « cette proposition a fait débat, je le sais Mais je la trouve cohérente, et j’aimerais que nous puissions l’étudier sérieusement ensemble ».

Improvisant à nouveau, elle a toutefois rétorqué à l’archevêque de Reims : « Je n’ai pas eu l’impression de ‘marchandiser’ le patrimoine religieux Monseigneur, loin de moi cette idée, je ‘marchandise’ pas plus ce lieu dont tant de Français ont besoin pour se recueillir. » 

Revenant à son expérience de maire du 7°, elle a repris son argument personnel visant à aboutir à une négociation : « Avec vous, Monseigneur, nous avons réalisé des choses ensemble dans un consensus et évidemment avec des résultats. J’espère que nous allons trouver une voie pour cela. »

Relancé alors par la presse, le responsable des évêques de France a observé «qu’il est clair que les moyens de l’État ne suffisent pas, ils n’ont jamais suffi, il est donc nécessaire de réunir l’argent de l’État et du privé mais le patrimoine religieux n’est pas de même nature que d’autres parties de notre patrimoine architectural. Visiter une église n’est pas la même chose que visiter un château. »

Un guide du mécénat

Quant à la ministre de la culture, elle a observé : « Je crois à un État fort, je crois à l’État. Et la France peut être fière de cet État fort. D’où le financement public car il faut pouvoir soutenir, la liberté de culte, que j’associe au patrimoine religieux. Ainsi l’État ne devra jamais abandonner son patrimoine religieux, c’est ma conviction. » Mais elle a ajouté : « Il y a une part de responsabilité de chacun pour contribuer à cette protection du patrimoine religieux ».

Quant aux « États généraux du patrimoine religieux » ils visaient pour l’Église, à dresser un inventaire des édifices religieux : 87 diocèses sur 94 y ont répondu, comptabilisant 40 068 églises de propriété communale, pour 2 145 de propriété diocésaine. L’idée est d’aider les propriétaires, mairies ou diocèses, à mieux connaître la richesse de leur patrimoine pour le valoriser.

D’où, notamment, la publication d’un « guide du mécénat du patrimoine religieux » que l’Église catholique va envoyer à tous les maires de France pour les aider à résoudre les problèmes de financement et de gestion de projets de restauration de leurs églises. 

L’autre piste ouverte est la mise au point d’une « convention » pour que « les édifices religieux soient utiles aux communes qui les possèdent non seulement par le culte qui y est célébré mais aussi par d’autres usages, notamment culturels » a précisé le président des évêques. « Nous tenons, à la notion d’« activités compatibles avec l’affectation cultuelle » de préférence à toute autre formulation» a-t-il insisté pour respecter la nature religieuse des lieux tout en favorisant « un dialogue intéressant entre les paroisses et les communes. »