Extrême droite et cathos : à la tête de la reconquista digitale, des influenceurs de combat
Fin 2023, le père Matthieu Jasseron, curé de Joigny (Yonne) jusqu’à son départ de l’Église en octobre, a cessé d’abreuver son 1,2 million d’ouailles sur TikTok de propos ouverts et hétérodoxes, notamment sur l’homosexualité. En avril 2024, il a cédé son compte à l’entrepreneur Olivier Bonnassies, coauteur d’un livre avec le frère de Vincent Bolloré. Le père Matthieu a aussi transmis sa plateforme Theostream aux « tradismatiques » – fusionnant renouveau charismatique et traditionalisme – de la communauté de l’Emmanuel.
Après avoir terrassé cette voix dissidente – une des pétitions contre ce prêtre était illustrée par le combat entre saint Georges et le dragon –, les gros influenceurs catholiques ont le champ libre pour dérouler leur conservatisme décomplexé au cœur de l’« évangélisation » numérique. C’est Victor Dubois de Montreynaud qui, sur le compte le Catho de service, réécrit l’histoire de l’Inquisition. Il y a aussi l’abbé Raffray, un « tradi » de choc qui, avec son hashtag #bagarrebagarreprière, prône un catholicisme « viril », souvent aux côtés de vedettes de la fachosphère, son dernier livre étant d’ailleurs publié par une confidentielle maison d’édition lancée par le suprémaciste Julien Rochedy.
Le réseau Acutis
Aujourd’hui, le plus en vue de ces influenceurs reste le dominicain Adrien du Moulinet d’Hardemare, alias frère Paul-Adrien. Pour ses centaines de milliers de followers, qu’il désigne comme « mes petites sauterelles », il décline, depuis son couvent, des vidéos sur l’immigration, le lien entre fitness et foi, les persécutions contre les chrétiens, Halloween, l’IVG ou la fin de vie… Après l’ouverture – « blasphématoire » selon lui – des jeux Olympiques, le religieux dont la chaîne s’intitule L’amour vaincra brandit la menace : « J’appartiens à une génération de chrétiens qui n’acceptera pas de se faire cracher à la gueule. Vous prenez notre miséricorde pour de la lâcheté. Et dans ces cas-là, Dieu nous demande d’arrêter d’être miséricordieux. »
Tout ce petit monde se retrouve, avec une cinquantaine d’autres influenceurs, au sein du réseau Acutis – du nom d’un « cyber-apôtre », mort à 15 ans en 2006, qui sera canonisé l’été prochain –, financé par le Fonds du bien commun de Pierre-Édouard Stérin. Afin de coordonner leurs offensives apologétiques, ils fraient avec leurs concurrents évangéliques à la Nuit des influenceurs chrétiens. Ou encore à Pitch my church, coorganisé avec Progressif Media, une officine de marketing dont Vincent Bolloré est actionnaire. De quoi donner à cette reconquista digitale les couleurs guimauves de la tendance et le langage polisson de la jeunesse, mais avec un fond diablement plus rance…
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