Face aux violences sexistes et sexuelles dans les transports, le 31 17 pâtit encore de son manque de notoriété
Derrière un long couloir et plusieurs portes sécurisées, plusieurs personnes s’affairent. C’est ici, au cœur d’un bâtiment du 10e arrondissement de Paris, que se trouve la salle où sont pris en charge les appels au numéro d’urgence dédié à la sûreté dans les transports, le 3117, qui concernent en particulier des violences sexistes et sexuelles (VSS). Huit postes de travail équipés d’écrans et de téléphones permettent aux agents de répondre aux signalements en temps réel. Le téléphone sonne : une jeune fille en pleure signale une agression à la sortie d’un bus. L’agent en ligne la rassure immédiatement, collecte les informations essentielles, la description de l’agresseur, l’heure de l’incident, le numéro du bus, et alerte les forces de l’ordre. Dans les minutes qui suivent, les vidéos de surveillances sont exploitées et transmises au commissariat. L’intervention est rapide, professionnelle, réussie.
À l’approche du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, les autorités gérant le 31 17 ont mis en avant, ce vendredi 7 mars, son rôle central dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Alors que deux tiers des femmes victimes renoncent à appeler, les chiffres démontrent pourtant l’efficacité du dispositif, qui a permis d’augmenter de 30% les interpellations pour agressions sexuelles et de 54% les verbalisations pour outrages sexistes en 2024 par rapport à 2023. Issu d’une collaboration entre la SNCF et la RATP, le service fonctionne jour et nuit, sept jours sur sept et est également accessible par SMS depuis le 31 17 7 et sur les applications Alerte 31 17, SNCF Connect et Île de France Mobilités.
Mais le 31 17, dédié aux «situations de danger», souffre encore d’un manque de notoriété. Quelques minutes après l’appel de la jeune fille, un homme appelle d’ailleurs la ligne téléphonique : perdu, il cherche simplement son quai de train. Mauvais numéro. Sur les plus de 12.000 appels reçus en 2024, seuls 900 concernaient des cas de VSS.
À lire aussi «Le regard ne trompe pas» : immersion dans les coulisses du 3117, numéro d’urgence de la RATP et de la SNCF
Un dispositif qui évolue
Le 31 17 ne se contente pas de réagir aux urgences. Il s’inscrit dans une stratégie globale de lutte contre les violences dans les transports. Une fois l’intervention d’urgence terminée, il assure ainsi un suivi des personnes pour les aider à surmonter le choc de l’agression. «Nous rappelons les victimes une fois que l’émotion est retombée, pour les encourager à parler et leur rappeler que porter plainte est un acte très important», explique Sandrine Charnoz, cheffe de projet de lutte contre le harcèlement sexuel à la RATP. «Nos agents sont formés à écouter, accompagner et protéger», insiste-t-elle également. Benjamin Poret, agent de la Sûreté Ferroviaire répondant de la salle 31 17 explique : « Au téléphone, il faut faire très attention à ne pas brusquer les victimes. Il faut être assez doux, assez délicat, et comprendre la situation de la victime. En parallèle, nous devons aller assez vite, sur la recherche du train, la recherche de l’agresseur, pour avoir le plus d’informations possibles».
La Sûreté Ferroviaire a également mis en place un formulaire de dépôt de plainte en ligne, directement accessible sur les différents sites de la RATP et de la SNCF. Ce formulaire permet aux victimes de déposer plainte quand elles le souhaitent, sans avoir besoin de se déplacer. «Plus de 6000 formulaires de dépôts de plainte en ligne ont été remplis depuis mars 2024. Nous constatons que lorsqu’elles peuvent porter plainte en ligne, les femmes le font davantage» explique Sandrine Charnoz. Le rôle des témoins est aussi crucial. En 2016, seules 10% des victimes étaient aidées par des témoins, aujourd’hui, ce chiffre est monté à 23%.« Former les témoins est essentiel », insiste-t-elle.
Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, souligne également l’apport majeur de la vidéoprotection : «80.000 caméras de surveillance ont été déployées, ça change la donne pour les femmes. Elles permettent d’avoir des preuves d’agressions, et ainsi elles permettent aux femmes d’oser parler, d’oser porter plainte. Et évidemment, les caméras servent à suivre la fuite de l’agresseur». En 2024, 30% des flagrants délits ont été repérés grâce à ces caméras, précise la dirigeante.
À lire aussi Sûreté dans les transports : vers plus de pouvoir pour les agents
Un combat loin d’être gagné
Le 31 17 représente aujourd’hui 78% des alertes VSS en Île-de-France. Un chiffre élevé, mais qui souligne aussi l’ampleur du phénomène. «80% des victimes ont moins de 30 ans et 50% sont mineures», relève Sandrine Charnoz. En réponse, des actions sont menées pour sensibiliser les plus jeunes, notamment via des campagnes sur TikTok et Snapchat. «Il faut qu’ils sachent comment réagir si ça leur arrive, qu’ils comprennent que parler ne les culpabilise pas», ajoute-t-elle. «Il faut populariser ce numéro, notamment auprès des jeunes. Les jeunes filles sont extrêmement mobilisées sur ce genre de sujet, donc nous comptons sur elles», insiste la présidente de la région.
Pour Valérie Pécresse, ces chiffres sont «une grande satisfaction. [...] L’enjeu maintenant est de faire connaître le 31 17, autant pour les victimes que pour les témoins». Le chemin reste long : «Nous ne sommes pas encore au rendez-vous. Les chiffres commencent à se voir, les faits sont là, mais ce n’est pas encore assez», nuance Sandrine Charnoz. Elle conclut en rappelant son objectif : «Assurer un voyage sûr et serein à nos utilisateurs».