Élections aux chambres d’agriculture : pourquoi le scrutin est contesté ?

Voter aux élections des chambres d’agriculture, oui. Mais comment et pour quoi faire ? Les agriculteurs sont appelés aux urnes pour élire, en ligne à partir de mercredi 15 janvier et jusqu’au 31, leurs représentants aux chambres départementales, interdépartementales et régionales (ces dernières seulement pour l’Île-de-France et la Corse) d’agriculture, soit les 18 agriculteurs des 33 membres que compte chaque chambre, tous collèges confondus.

Ceux-ci seront élus pour une durée de six ans et amenés à siéger dans cette instance hautement symbolique de la gestion du monde agricole. Ces institutions « jouent un rôle clé dans l’accompagnement du monde agricole et l’animation des dynamiques locales », explique le ministère de l’Agriculture.

Concrètement, les élus pourront appliquer la politique agricole commune, mais aussi fournir des aides techniques et des expertises aux producteurs. Des missions fondamentales aux yeux des organisations syndicales. « Lorsque l’on peut décider de fournir des conseillers qui informeront sur l’usage des pesticides plutôt que sur les possibilités de conversion en agriculture biologique, on a les moyens de mettre en œuvre un modèle agricole plutôt qu’un autre », explique Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne.

Une prime majoritaire décriée

Pour les syndicats, en plus d’une bataille sur l’application du modèle agricole qu’ils défendent, et sur l’influence qui découle d’une élection réussie, l’intérêt de gagner des chambres est aussi plus prosaïque : les financements publics alloués aux syndicats dépendent des résultats aux élections (pour 75 % des suffrages et pour 25 % du nombre d’élus).

Puisque cette élection revêt une importance toute stratégique pour les syndicats agricoles, son mode de scrutin, jugé inégalitaire, tend à susciter les désapprobations. En effet, ni majoritaire ni proportionnel, le mode d’élection fonctionne selon une prime majoritaire. La liste arrivée en tête, quel que soit le score effectué, se verra généreusement récompensée de la moitié des sièges du collège des chefs d’exploitation.

Les 50 % restants sont, eux, répartis à la proportionnelle. Un fonctionnement qui favorise très largement l’alliance Jeunes Agriculteurs (JA) – FNSEA. En 2019, lors des dernières élections, le duo avait récolté 55 % des voix, mais obtenu la gestion de quasiment 95 % des chambres.

L’Opacité du scrutin dénoncée par le Modef

Dans le Var, la FNSEA était parvenue en 2019 en tête avec plus de 32 % des voix. Toutefois, moins de 6 points la départagent des JA (26 %), et 8 de la Confédération paysanne (24 %). Le syndicat majoritaire a tout de même obtenu 12 des 18 sièges du collège. Les syndicats minoritaires bataillent auprès du gouvernement pour réformer ce mode de scrutin jugé injuste. Sans succès.

Certaines organisations comme le Modef dénoncent l’opacité que le scrutin permet d’entretenir au sein de ces chambres, en favorisant des dynamiques clientélistes. « Nous avions par exemple proposé de réduire le nombre de sièges par collège, pour éviter de multiplier les petits pouvoirs que les mandats d’élus confèrent. Le rapport de force au niveau des chambres détermine toute l’activité syndicale ensuite : si tu n’es pas du bon côté du manche, tu risques de ne pas avoir accès aux aides, aux terres… » regrette Pierre Couret, membre du bureau du Modef.

Une abstention record en 2019

Les cinq syndicats en lice devront s’accommoder d’une autre variable, inconnue pour le moment : l’abstention. Cette dernière n’a fait que croître au cours des derniers scrutins jusqu’à s’établir en 2019 à 53,6 % pour le collège des chefs d’exploitation et à 71,5 % pour l’ensemble des 2 260 000 électeurs inscrits sur les listes électorales.

Au lendemain des résultats du précédent scrutin, l’ONG Greenpeace avait d’ailleurs estimé qu’une telle abstention était de nature à remettre en question la légitimité des syndicats élus et devait interroger sur les manières de mobiliser davantage, par exemple en invitant la société civile à siéger au sein des chambres d’agriculture.

La tendance se creusera-t-elle cette année, accentuée par le désarroi causé par une année particulièrement difficile pour les exploitants, tant du point de vue des prix que du climat ? Ou les récents épisodes de mobilisation pousseront-ils au contraire les paysans vers les urnes ?

La réponse sera connue le 8 février, lorsque les résultats seront dévoilés. Les élus des chambres d’agriculture départementales, interdépartementales et territoriales devront alors choisir à leur tour les représentants des chambres régionales, en mars.

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