Attentat de Nice : la policière Sandra Bertin de nouveau devant la justice, 9 ans après ses révélations explosives
Revoilà Sandra Bertin, une policière municipale niçoise qui avait gravi les échelons dans l’ombre et le mérite, de nouveau dans la lumière médiatique pour l’affaire qui porte encore son nom et qui a bouleversé sa vie. Près de neuf ans après l’attentat du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais, elle est poursuivie en citation directe pour ses dénonciations présumées calomnieuses.
Présente pour cette audience de consignation ce jeudi au tribunal de Nice (Alpes-Maritimes), elle est apparue encore marquée par ces événements mais combative en vue de ce nouveau procès renvoyé au 18 novembre prochain. «Jusqu’à ce que je meure, je maintiendrais mes accusations, on pourra me faire tous les procès qu’on veut», a-t-elle assuré.
Quelques jours après le drame survenu sur la célèbre avenue niçoise un soir de fête, ses révélations explosives avaient entraîné une polémique nationale, de Beauvau à Matignon (époque socialiste), en passant par le bord de la baie des Anges avec le maire Christian Estrosi en mode baron de la droite. Le tout dans une ambiance traumatique après l’horreur d’une telle attaque terroriste (86 morts, plus de 400 blessés), éternelle plaie de la capitale azuréenne.
La jeune trentenaire était alors responsable du centre de supervision urbain où les images des 1300 caméras (contre près de 5000 aujourd’hui) sont scrutées. Le soir de l’attentat, la policière s’y trouvait et a pu tout voir - impuissante derrière son écran - de la course folle et meurtrière du camion. Le rapport qu’elle a dû rédiger concernant ces faits s’est révélé être au cœur du scandale.
Aucune condamnation de part et d’autre
Au lendemain de l’attentat, cette dernière avait accusé le ministère de l’Intérieur, via des émissaires, de lui avoir demandé de modifier ses écrits concernant le dispositif de sécurité sur la promenade des Anglais. On lui aurait ainsi demandé d’indiquer la présence de policiers nationaux alors qu’elle martelait ne pas en avoir vu sur les images à disposition. On aurait également exigé d’elle qu’elle envoie une version modifiable de son rapport pour des raisons pratiques, chose qu’elle a faite avant de tout révéler dans la presse. Un harcèlement était aussi dénoncé par la jeune policière de la part des cadres venus spécialement de Paris.
L’affaire d’État éclate. Bernard Cazeneuve, à l’époque ministre de l’Intérieur, porte plainte pour diffamation avec le soutien du premier ministre Manuel Valls. Sandra Bertin avait de son côté d’abord fait un signalement à la justice, puis déposé plainte avant de se constituer partie civile. Rien n’avait abouti. La policière municipale avait finalement été relaxée en septembre 2017 de la procédure judiciaire engagée par l’ex-premier flic de France. Le dossier semblait clos.
Mais l’une des supposés «émissaires» de Beauvau contre-attaque aujourd’hui. Les deux versions restent les mêmes sans savoir qui dit vrai. Myriam B. était à l’époque membre de la direction centrale de la sécurité publique et elle était venue à la rencontre de Sandra Bertin en juillet 2016. Elle est désormais commissaire en Gironde.
«Pourrir la vie», «acharnement»
«Elle a tout fait pour lui pourrir la vie, pour nuire à sa carrière», dénonce Me Laurent-Franck Liénard, l’avocat de cette commissaire. Dans l’attente du procès, sa cliente doit consigner la somme de 1500 euros, a indiqué le tribunal de Nice, ce jeudi.
Mais Sandra Bertin, toujours directrice au sein de la police municipale niçoise, ne changerait pas une virgule de ses propos de l’époque. «Je considère cela comme étant de l’acharnement. Les pressions que j’ai dénoncées, les faits que j’ai relatés, j’avais et j’ai toujours des éléments probants», soutient-elle. «Ce n’est pas ma vérité, c’est la vérité. Je veux bien qu’on puisse considérer que l’humain peut mentir, en revanche, la technologie, c’est plus compliqué», poursuit-elle.
Elle se souvient encore que son téléphone sonnait «en moyenne toutes les six minutes» lors de la rédaction de son rapport et qu’elle avait ensuite été rappelée à six reprises. «C’est une autre manche malgré moi, on remet une pièce dans la machine, car moi, j’avais tourné la page», indique la policière.
En parallèle, le dispositif de sécurité sur la promenade ce 14 juillet 2016 fait toujours l’objet d’une enquête dépaysée au parquet de Marseille. Sur ce volet, l’ancien préfet Adolphe Colrat et l’actuel maire de Nice, Christian Estrosi (également premier adjoint chargé de la sécurité à l’époque), ont été placés sous le statut de témoins assistés. Si le terroriste a été abattu, huit complices ont depuis été condamnés. Les deux principaux proches de l’assaillant avaient fait appel et ont été de nouveau condamnés à 18 ans de réclusion criminelle mais ils ont décidé de former un pourvoi en cassation en juin dernier.