La France Insoumise bannit de ses universités d’été un journaliste du Monde, co-auteur d’un livre-enquête à succès
C’est désormais clair et assumé : Jean-Luc Mélenchon «trie» les journalistes qu’il autorise à le suivre. En témoigne le refus de l’accréditation du reporter du Monde en charge de la gauche, Olivier Pérou, pour les «AmFis d’été» de LFI organisés de vendredi à dimanche à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme). Ce «rubricard» est le coauteur du livre à succès La Meute (ed. Flammarion), sorti au printemps dernier, qui décrit le mouvement mélenchoniste de l’intérieur et en révèle sa dimension clanique. Dès sa publication, les principaux responsables Insoumis avaient dénoncé des «mensonges», sans pour autant porter plainte pour diffamation.
«Entrave à la liberté de la presse»
En refusant l’accès de ce journaliste au site des «AmFis» ce week-end, la direction de La France Insoumise prend le risque d’être accusée de piétiner le principe républicain de liberté de la presse. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon s’aligne de fait sur des méthodes déjà employées contre d’autres médias par le Rassemblement national, parti que les Insoumis désignent pourtant comme leur principal adversaire, notamment dans la perspective de la présidentielle de 2027.
Passer la publicité«Nous élevons la plus vive protestation contre cette entrave caractérisée à la liberté de la presse et à l’accès à l’information», a fait savoir Jérôme Fenoglio, le directeur du Monde, dans un texte publié jeudi en début de soirée. «Nous ne transigerons pas sur notre liberté de choisir nos journalistes pour couvrir rubriques ou événements, qui fait partie intégrante de notre indépendance éditoriale», a-t-il également indiqué, alors que la décision de La France Insoumise suscite un certain émoi au sein des différentes rédactions couvrant l’événement, dont celle du Figaro.
Ce nouvel épisode vient s’ajouter à la longue série d’attaques de Jean-Luc Mélenchon contre les médias, lui qui n’a jamais hésité à s’en prendre, parfois avec véhémence, à des journalistes. À tel point qu’il a été condamné pour injure publique et diffamation envers Radio France en 2022, après avoir qualifié des journalistes «d’abrutis». Le chef des Insoumis a depuis longtemps théorisé que les médias faisaient partie d’un «système» qui, au nom de ses intérêts propres, chercherait à l’affaiblir pour l’empêcher de remporter l’élection présidentielle. Il considère que les Français ne leur portent plus grand crédit, et estime donc pouvoir aisément n’en faire qu’à sa guise, quitte à en bafouer les grands principes - ce que confirme encore le choix inédit de LFI de refuser un journaliste de presse.
Sûr de lui et de sa stratégie, Jean-Luc Mélenchon assume donc d’afficher une forme d’hostilité vis-à-vis des médias, quitte à se marginaliser encore un peu plus et renforcer son image clivante. Les siens répliquent ne pas être inquiets au regard de l’avance de leur candidat dans les sondages sur le reste de la gauche. Testé autour de 15% des intentions de vote, l’Insoumis peut même sérieusement avoir une chance de se qualifier au second tour en cas de dispersion des autres candidatures. En revanche, la victoire au second tour, qui nécessiterait un large report de voix en sa faveur, semble aujourd’hui hors de portée.