Sécurité sociale, finances publiques : quelles réponses d’avenir ?

Face au patronat et sa mise à mal des cotisations sociales, la solution passe par une augmentation des salaires et la création d’emplois

Denis Gravouil

Secrétaire confédéral de la CGT

Du débat pour l’abrogation de la réforme des retraites 2023, invariablement rejetée par les deux tiers de la population, la pseudo-concertation retraites a dérivé sous la pression patronale vers un débat sur le financement de la protection sociale. Emmanuel Macron, président démonétisé par son impopularité, montre son vrai visage : représenter les intérêts financiers, au détriment de l’immense majorité du pays.

Derrière cette annonce d’un président dont le seul pouvoir reste d’empêcher l’arrivée d’un gouvernement de gauche défaisant son programme, se cache la volonté du patronat de poursuivre la mise à mal du financement de la Sécurité sociale. Pas plus que les régimes de retraite, celle-ci n’est minée par une explosion des dépenses, la montée de celles-ci étant au contraire liée aux évolutions démographiques, aux besoins de prendre en compte l’autonomie due au vieillissement, à la dégradation des conditions de travail… et aux transferts de dépenses dus à la réforme des retraites, le risque de congé maladie étant certain à mesure que l’on est forcé à travailler plus tard. « Taillons dans les dépenses », c’est leur seul mot d’ordre. En miroir, le patronat veut tailler dans les recettes.

Ainsi, le Medef revendique la suppression des cotisations patronales maladie et leur transfert vers la TVA sociale, assise sur la consommation : les conséquences en seraient forcément une augmentation des prix, sans aucune hausse des salaires pour autant, le seul bénéfice allant aux patrons. De plus, financer la Sécurité sociale par l’imposition renforce nécessairement un pilotage drastique des remboursements des soins et des médicaments (sans déranger les industriels du médicament) et des arrêts maladie. La TVA ne peut jamais être « sociale » , puisque c’est déjà l’impôt le plus injuste : sans progressivité, elle pèse sur les revenus de façon inversement proportionnelle, elle touche violemment les plus pauvres.

Alors oui, ouvrons un débat sur le financement de la Sécurité sociale, à condition qu’il soit accompagné, comme depuis sa création par Ambroise Croizat sur la base du programme du Conseil national de la Résistance, de l’ensemble de ce qui la fonde : comment répondre à tous les besoins, comment asseoir son financement par la cotisation, laquelle ouvre des droits, et qui la gère ?

La meilleure mesure pour les travailleuses et travailleurs est d’abord d’augmenter les salaires, pour permettre de mieux vivre au quotidien et pour partager les richesses, a contrario de la captation des revenus par le capital. Commençons par les salaires des femmes ! « Travailler plus » disent-ils ? Oui, mais pas en reculant l’âge de la retraite, mais au contraire, en permettant aux femmes subissant les temps partiels d’accéder au temps plein. Oui, en changeant de politique industrielle et en développant les services publics pour permettre aux millions de travailleuses et travailleurs au chômage de trouver un emploi durable. Et il n’y a pas de tabou : l’augmentation des cotisations, notamment patronales, est posée.

Refusons la dévaluation sociale. Il faut renforcer la solidarité, la mutualisation et la contributivité grâce à une réforme fiscale et la CSG

Jocelyne Cabanal

Secrétaire nationale de la CFDT

Nous célébrons cette année les 80 ans de la création de la Sécurité sociale. Or, celle-ci est victime d’une offensive idéologique de grande intensité, émanant notamment des milieux conservateurs et du patronat. Il s’agit de supprimer les cotisations sociales, voire la CSG. L’habillage de ces propositions se présente comme habile. Il s’agirait de faire que « le travail paie », quitte à jeter le discrédit sur les cotisations sociales.

Ce projet est qualifié de « big-bang », comme s’il s’agissait de sortir du néant. Dans les versions les plus abouties du discours, des propositions de financement de remplacement sont mentionnées. Toutes intègrent une hausse notable de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Et c’est là que le bât blesse. En effet, pour équilibrer l’opération, l’augmentation de la TVA devra être importante, notamment sur les assiettes les plus larges, celles des biens et des services de consommation courante.

Ce prétendu big-bang serait une débandade pour la protection sociale, pour les travailleurs et pour les ménages. Ce serait une véritable dévaluation sociale. Il s’agirait en effet d’un transfert de charge des entreprises vers les ménages, dont le coût des consommations serait renchéri, et vers les travailleurs, dont la rémunération ne pourrait plus progresser, ce qui est d’ailleurs assumé comme tel !

En effet, la nécessité de diminuer les cotisations sociales vise aussi à imposer idéologiquement une hypothèse contestable : il serait impossible d’augmenter le partage de la valeur vers les travailleurs. Alors, pas question, pour les auteurs de ces projets, qu’une hausse des salaires vienne compenser cette augmentation de la TVA dans les années qui la suivraient !

De plus, la TVA serait attribuée à la Sécurité sociale au bon vouloir de l’État, qui ne rechigne pas à s’en servir comme levier pour durcir l’accès au droit, par exemple pour les demandeurs d’emploi… et pour garder le plus possible de TVA, surtout en période de tension sur les finances publiques. Cela fragiliserait la Sécurité sociale, au moment où le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre de maladies chroniques, la perte d’attractivité des métiers du soin et du prendre soin connaissent une dynamique importante.

Alors, oui, nous devons travailler à l’efficience de notre protection sociale. Et, oui, il nous faut prévoir le financement de nos priorités et lutter contre les dépenses inutiles, comme celles liées à la financiarisation de certains secteurs.

Répondre aux enjeux des finances publiques doit passer par un renforcement de la solidarité, la mutualisation et la contributivité. Les efforts doivent être équitablement partagés, par exemple avec une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), en particulier de la CSG patrimoine et de la CSG placement. Cela passera également par une réforme fiscale pour plus de progressivité et une conditionnalité des milliards d’aide aux entreprises, notamment à des critères sociaux, environnementaux et de renforcement du dialogue social.

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