Mai Zetterling, une cinéaste suédoise à redécouvrir

Mai Zetterling (au centre) dans le film Hell Is Sold Out de Michael Anderson, sorti en 1951. / Bridgeman Images

CRITIQUE - Un coffret édité par Carlotta donne à voir quatre films de la réalisatrice féministe. Un mélange de Nouvelle Vague et de Bergman.

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L’étiquette féministe ne doit pas faire fuir. Mai Zetterling (1925-1994) était bien plus que ça. Le métier d’actrice ne lui suffisait pas. La Suédoise passa derrière la caméra, débuta par le documentaire avant d’aborder la fiction, et son talent éclata, mélange de Nouvelle Vague et de Bergman. Elle reprit souvent les interprètes de ce dernier. À ses génériques, on retrouve Bibi Andersson faussement innocente, l’inquiétante Ingrid Thulin, Erland Josephson pas encore barbu, Harriet Andersson évidemment intense, Gunnel Lindblom avec son visage de louve.

Dans Les Amoureux (1964), trois femmes sur le point d’accoucher dans la même clinique évoquent leur passé tumultueux, révélant les frustrations d’une société avant la guerre de 1914-1918 à travers les regards d’une mondaine, d’une bourgeoise et d’une soubrette aux mœurs légères. Leur prénom, comme chez Pierre Benoit, commence par un A, Aga, Adèle et Angela. Le morceau de bravoure, retraçant une fête, n’est pas sans rappeler Sourires d’une nuit d’été, de Bergman. Jeux de nuit (1966) se déroule dans un château abandonné où le héros a grandi, dans une ambiance très Huit et demi, de Fellini, avec orchestre et invités décadents en smoking, mère quasiment incestueuse. Il y a un enfant mort-né, un perroquet blanc et une dame demandant à son mari : « Ne préférerais-tu pas être mort ? » Le personnage masculin a le tort de raconter tout cela à sa future épouse. Cela provoquera des étincelles et une explosion finale.

Vision moderne

Dans des décors blancs et sur fond de meetings, Les Filles (1968) est intéressant, mais pas sans défauts. L’entreprise frôle parfois la parodie, mettant en scène une version moderne de Lysistrata qui tournera à la révolte. Bibi Andersson apostrophe le public endormi. Un strip-tease général survient. Harriet Andersson a un amant qui lui promet toujours de quitter sa femme (vieille histoire). Le sommet est atteint avec les protagonistes lançant des tomates sur l’écran où s’affichent, entre autres, Churchill, Staline, de Gaulle, Hitler. Une belle énergie règne, contaminée par les tics de l’époque. On glissera poliment sur Amorosa (1986), pesant biopic en couleurs de la romancière Agnes von Krusenstjerna. La cinéaste, qui s’était installée dans le sud de la France, recommandait Anouilh pour ses personnages féminins. Cela mérite donc le détour.

« Mai Zetterling. Le cinéma suédois au féminin », coffret 4 Blu-ray, Carlotta, 50 €.