En Suède, un homme soupçonné d’espionner des Ouïghours au profit de la Chine
Un homme soupçonné d’espionner des ressortissants ouïghours pour le compte de Pékin pourrait être détenu en Suède. «L’homme est soupçonné d’avoir, pour le compte des services de renseignement chinois, illégalement recueilli des informations et des renseignements sur des personnes issues de la communauté ouïghoure», a déclaré Mats Ljungqvist, procureur en charge de l’affaire, cité dans un communiqué.
Mercredi soir, aucun autre détail n’avait filtré sur cet évènement. «L’affaire est très sensible et l’enquête se trouve à un stade préliminaire. Pour cette raison, je ne peux pas fournir d’autres informations pour le moment», a déclaré Mats Ljungqvist à Reuters.
L’ambassade de Chine en Suède n’a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l’AFP. L’audience de placement en détention provisoire du suspect devait avoir lieu mercredi après-midi au tribunal de Solna, commune au nord de Stockholm.
Persécutions en Chine
Les Ouïghours sont une minorité ethnique principalement musulmane sunnite, d’environ 10 millions de personnes qui vit dans la région du Xinjiang, à l’extrême ouest de la Chine. Plus d’un million d’entre eux est détenu dans la région du nord-ouest. Des groupes de défense des droits humains dénoncent les abus généralisés de Pékin à l’encontre de cette minorité: emprisonnement, torture, déplacements forcés, oppression culturelle et religieuse... Et retours forcés vers la Chine.
En 2022, un rapport historique des Nations unies avait déclaré que la «détention arbitraire et discriminatoire » par la Chine des Ouïghours et d’autres musulmans du Xinjiang pouvait constituer un «crime contre l’humanité». Pékin affirme que ses politiques envers la population ouïghoure ont permis d’éradiquer l’extrémisme au Xinjiang et de favoriser le développement économique de la région.
Un réseau d’espionnage tissé à travers le monde
Bien que son réel développement n’ait débuté qu’il y a 40 ans, le service de renseignement chinois s’est créé un réseau presque qui serait aussi puissant et sophistiqué que les services russes ou américains. Le ministère de Sécurité de l’État (MSE ou Guoanbu en chinois), responsable du renseignement chinois avec plusieurs dizaines de milliers d’employés, joue un rôle majeur dans le recueil de renseignements politiques, économiques, technologiques, industriels et scientifiques.
Il s’est notamment créé un réseau mondial tentaculaire, très opaque, en plaçant des espions dans de nombreux pays. Grâce à ce réseau, il procède à des rapatriements forcés de personnes soupçonnées de délits ou d’opposition du régime, ou encore des membres de minorités religieuses comme les Ouïghours.
Selon l’ONG Safeguard Defenders, entre avril 2021 et juillet 2022, 230.000 citoyens chinois ont été contraints par harcèlement, menace ou enlèvement, à regagner leur paysPlusieurs États cherchent à démanteler ces réseaux. En 2024, déjà, l’Allemagne et le Royaume-Uni avaient révélé avoir arrêté ou inculpé cinq individus soupçonnés d’espionner pour le compte de la Chine, dont un au sein du Parlement européen. En juillet 2020, deux anciens membres de la DGSE avaient été jugés par la cour d’assises spéciale de Paris pour « crime et délits de trahison », ayant agi en qualité d’agents doubles pour le MSE, empochant 360.000 euros.
Par ce réseau, des personnes sont arrêtées et renvoyées en Chine, afin d’y être incarcérées. D’après l’ONG Safeguard Defenders, Pékin a mis en place plus de cinquante postes de police à l’étranger qui ne sont pas officiellement reconnus. La plupart de ces agences sont basées dans l’Union européenne : en France (trois), aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Irlande, ainsi qu’au Canada. Selon l’ONG, entre avril 2021 et juillet 2022, 230.000 citoyens chinois ont été contraints par harcèlement, menace ou enlèvement, à regagner leur pays. Les autorités chinoises se fondent sur une législation adoptée récemment à Pékin, qui proclame l’extraterritorialité des crimes perpétrés par des citoyens chinois hors du pays. Cependant, les Ouïghours restent les plus visés par ces violences et arrestations.