À Bicyclette, Yokaï, le monde des esprits, Queer... Les films à voir et à éviter cette semaine

À Bicyclette - À voir

Comédie dramatique de Mathias Mlekuz - 1 h 29

Ils ont de bonnes têtes de cyclistes, ces deux-là ! L’un est plutôt enveloppé, l’autre a tout du gringalet. Et voilà que ce tandem de copains se lance un défi fou et tellement touchant : refaire le voyage à bicyclette, de La Rochelle à Istanbul, sur les traces d’un fils, clown de son état, qui s’est suicidé à l’âge de 28 ans quatre ans plus tôt. Sur chaque nouveau lieu, ils recueillent de précieux souvenirs du jeune homme. Ils y vont à leur rythme, revisitent les endroits où est passé le jeune clown. Le regard du père se superpose à celui de son fils. Nos deux héros se chamaillent parfois, mais se réconcilient aussitôt après.

Bouleversant road-movie à deux roues, À bicyclette ! raconte de manière authentique et sincère l’épopée intime et fraternelle de deux amis sur les sentiers du deuil et de la résilience. Un grand coup de chapeau au montage qui a su ordonner avec subtilité les plus de 180 heures de rushs glanées durant le tournage. O. D.

La note du Figaro : 3/4

L’Énigme Velazquez - À voir

Documentaire de Stéphane Sorlat - 1 h 30

Ce documentaire consacré à celui qu’on surnomme en Espagne comme ailleurs « le Peintre des peintres » clôt une trilogie. Celle sur la peinture entamée avec Le Mystère Jérôme Bosch (2016) et L’Ombre de Goya (2022). Pourquoi cette peinture a-t-elle touché les plus grands ? Pourquoi ces toiles sont-elles encore aimées aujourd’hui ? Si l’auteur de La Reddition de Bréda demeure assis sur un tel trône au panthéon des peintres anciens comme modernes, ce n’est pas seulement parce qu’il a dépassé Rubens lorsque, contrairement à cet aîné, lui a eu l’honneur de tenir un souverain pontife devant son chevalet. Car c’est bien lui, Velazquez, le personnage principal de ce capriccio abyssal, de cette vertigineuse mise en abyme que sont Les Ménines.

Il ne s’agit plus seulement, comme dans les compositions du jeune Velazquez, de capter avec précision la réalité dans une perspective morale. Il s’agit de dire la vie, tout ce qui est et uniquement cela. É. B.-R.

La note du Figaro : 3/4

Yokai, le monde des esprits - On peut voir

Comédie dramatique de Eric Khoo - 1 h 34

Catherine Deneuve incarne une chanteuse très populaire au Japon depuis les années 1960, Claire Emery, qui entreprend une ultime tournée d’adieu à Tokyo. Parallèlement, on suit son plus vieux et plus grand admirateur, Yuzo. Mort subitement, le vieil homme se mue en un yokai, sorte de créature fantomatique issue du folklore nippon qui erre dans les limbes, sentant que son passage sur terre n’est pas terminé. Après sa mélancolique prestation tokyoïte, Claire Emery s’échappe et va se soûler au saké dans un petit bar malfamé. C’est là qu’elle s’effondre sur le comptoir… Pour mieux réapparaître en fantôme. Les deux esprits errants se retrouvent alors pour une dernière mission consistant à empêcher le fils de Yuzo de tomber au plus profond d’une dépression après avoir perdu une femme dont il était fou amoureux.

Yokai, le monde des esprits s’apparente presque à un road-movie documentaire sur Catherine Deneuve. La mort sert de thème principal au film, mais il n’en effleure cependant que la surface. Pour les inconditionnels de l’actrice uniquement. O. D.

La note du Figaro : 2/4

A Real Pain - On peut voir

Comédie dramatique de Jesse Eisenberg - 1 h 29

Encore en retard. Ça n’est pas le jour. Ils prennent un avion pour la Pologne. Le voyage commence bien. Les cousins juifs new-yorkais se sont inscrits à une visite organisée sur les lieux de l’Holocauste. Cela leur permettra de se recueillir devant la maison où leur grand-mère récemment décédée avait vécu avant d’échapper au pire. David, avec sa casquette de base-ball, est le plus mûr des deux. Il est marié, a un fils, travaille dans la publicité digitale. Benji, sac au dos, se moque de tout cela. Il est sans emploi, habite chez sa mère. Sur place, leur groupe comprend une fraîche divorcée, un couple de bourgeois, un Rwandais converti au judaïsme, plus le guide anglais qui s’excuse presque d’être fasciné par ces histoires tragiques.

Pour sa deuxième réalisation, Jesse Eisenberg réussit le prodige d’unir la comédie et la gravité. Il trouve exactement le ton adéquat. Pas une minute de faiblesse. On voit par là que ce petit film a tout d’un grand. É. N.

La note du Figaro : 2/4

Cronos - On peut voir

Épouvante-horreur de Guillermo del Toro - 1 h 33

Jesus Gris est d’abord un homme ordinaire, vieil antiquaire sans histoires et grand-père protecteur d’une petite orpheline. Sa découverte d’une boîte dissimulée dans une statue bouleverse son existence. L’objet, à la fois mécanique et organique, s’anime et lui injecte un fluide qui le fait rajeunir. Une malédiction. Jesus devient une sorte de vampire assoiffé de sang, fuyant la lumière, poursuivi par un homme d’affaires malade et son neveu bas du front.

Cronos demeure à ce jour l’unique œuvre de del Toro tourné au Mexique. Sans crier au chef-d’œuvre méconnu, ce film est une curiosité, digne d’intérêt pour quiconque s’intéresse aux influences de del Toro. É. S.

La note du Figaro : 2/4

Queer - À éviter

Drame de Luca Guadagnino - 2 h 16

Un Américain traîne son ennui dans des faubourgs désolés. Les journées consistent à se soûler à la tequila, à se droguer et à attirer des inconnus dans son lit moyennant quelques pesos. Une machine à écrire trône dans la chambre de Lee, le héros. Les cendriers sont pleins. Il a aussi un revolver. La panoplie du rebelle est au complet. Ce train-train est bouleversé par l’arrivée d’Eugène, un jeune expatrié aux allures de mannequin. Le garçon cédera-t-il aux avances de son aîné ? Une lubie saisit ce sacré Lee : partir pour la jungle de l’Équateur goûter à un hallucinogène censé avoir des pouvoirs télépathiques. Comme ça, il connaîtra les vrais sentiments de « Gene » à son égard.

Construit en trois chapitres, le film se perd en surimpressions, en ralentis, multiplie les images sous-marines remplies de bulles d’oxygène, les scènes de cauchemars avec tenue de déporté. Le surestimé Guadagnino n’a plus aucune personnalité. É. N.

La note du Figaro  : 1/4