Retirer de l’argent dans les commerces sera bientôt plus facile et ouvert à toutes les cartes bancaires

Lancé il y a plus de 20 ans, ce dispositif est peu connu mais bien pratique : il existe aujourd’hui en France plus de 27.000 points d’accès privatifs aux espèces. Il s’agit de sortes de distributeurs de billets directement accessibles dans certains petits commerces «mandatés» par leur banque pour offrir ce service à leurs clients. Une offre de dépannage, parfois devenue indispensable dans les villes et villages où les distributeurs automatiques ont tout bonnement disparu. Sauf que celle-ci présente une limite de taille : celle d’être uniquement réservée aux clients ayant la même banque que le commerçant. Conscient de cette contrainte, le GIE (Groupement d’intérêt économique) Cartes Bancaires, adossé à la Banque de France, a décidé de faire évoluer les règles et annonce que le dispositif sera, dès 2026, étendu à toutes les cartes bancaires, comme l’a appris Le Figaro, confirmant une information du Parisien.

L’enjeu est de taille pour «l’accessibilité aux espèces» en France, dans un contexte où le nombre de distributeurs automatiques de billets (DAB) ne cesse de baisser en France. Il a chuté de plus de 16% entre fin 2018 et fin 2023, pour tomber à 44.123, selon les dernières données de la Banque de France. Si la part de la population située à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB était de 98,8% fin 2023, cette proportion culminait à 99,9% si l’on prend en compte les points d’accès privatifs chez les commerçants. Et ce, notamment parce que les services complémentaires de distribution d’espèces chez les commerçants ont continué de se développer ces dernières années, marquant une nette progression de 3,9% rien que sur l’année 2022, et de 1,7% sur l’année 2023. Ces points de retrait en magasin contribuent ainsi «à l’accessibilité aux espèces, notamment en milieu rural», comme la Banque de France le souligne dans son dernier rapport sur l’«accès du public aux espèces».

Une première expérimentation début 2026

«Certains de ces points d’accès existent depuis plus de 20 ans, mais leur portée est limitée», explique Loÿs Moulin, directeur projets et marketing chez CB, dans la mesure où seuls quatre réseaux bancaires participent aujourd’hui à ce dispositif : les «relais CA» du Crédit Agricole (anciennement «points verts»), présents dans 6000 commerces de proximité, les «points relais» du Crédit Mutuel, les bureaux de poste pour La Banque Postale et les points de vente Nickel, présents dans plus de 7500 bureaux de tabac en France métropolitaine et dans les DOM. Soit un total de 27.418 points d’accès privatifs chez les commerçants à fin 2023 pour les quatre réseaux concernés, selon les chiffres de la Banque de France. L’idée était donc d’ouvrir ce «service de dépannage express en zone rurale» à tous les détenteurs d’une carte bancaire, peu importe leur banque, pour qu’un maximum de monde puisse en profiter.

Pour ce faire, une première expérimentation sera menée au premier semestre 2026, en s’appuyant sur les points relais existants de La Banque Postale et du Crédit Agricole. De quoi «mesurer l’appétence des clients, avant de déployer et pérenniser ce service», précise Loÿs Moulin. Comme aujourd’hui, les banques seront libres d’établir un contrat avec les commerçants de leur choix, à la condition que ces derniers soient volontaires, et selon une politique commerciale propre à chacun des établissements bancaires. Autrement dit, chacune des banques peut choisir de rémunérer les commerces «mandatés» en échange de ce service.

Une «juste rémunération» des commerçants attendue

Un point loin d’être anodin pour l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE), qui s’inquiète de l’absence de modèle économique pour les commerçants. «Quand un consommateur fait un retrait dans un distributeur automatique, les banques reçoivent une rémunération substantielle pour ce service. Dans le cas des points d’accès privatifs, ce n’est pas clairement défini», explique-t-on au sein de la Commission «moyens de paiement» de l’AFTE. Loin d’être contre le dispositif, l’association plaide surtout pour «une juste rémunération» des commerçants «mandatés», pour la mise en place d’une «solution technique qui accepte l’ensemble des clients et ne complexifie pas le travail des commerçants», ainsi que pour une prise en compte du risque sécuritaire. L’AFTE se disant toujours très «précautionneuse» au sujet des liquidités chez les commerçants «pour des raisons de sécurité et de coût administratif».

Mais «en pratique, le dispositif sera optionnel», tient à préciser la Banque de France, expliquant au passage qu’il n’y aurait donc «aucune garantie sur le fait qu’il sera accessible à tous». L’institution est en revanche formelle sur un point : «il est certain que le nombre de porteurs éligibles devrait augmenter significativement». Aux yeux du GIE Cartes Bancaires, il s’agit d’un dispositif «gagnant-gagnant», permettant à la fois aux banques d’offrir un service supplémentaire et aux commerçants de générer du trafic supplémentaire dans leur magasin. Et d’insister sur le fait qu’il s’agit d’une offre de dépannage avec des plafonds par opération, par jour et par client, pour des montants compris entre 20 et 100 euros, incomparables avec ceux d’un DAB.