Potager dévasté, aire de jeux assiégé, mairie indécise : une horde de sangliers fait la loi près de Nantes

Le Figaro Nantes

Au commencement, il n’y avait qu’un groin. Celui d’un sanglier qui furetait à l’occasion et s’aventurait presque par accident au centre de Saint-Herblain, dans la banlieue ouest de Nantes. Puis, ils furent plus nombreux - et les regards méfiants des riverains ont bien assez tôt succédé aux exclamations ébahies des premières rencontres. Désormais, la justice s’en mêle aussi. Une plainte contre X pour mise en danger d’autrui par négligence a été déposée, en octobre par un habitant de Saint-Herblain, face à ce qu’il considère être un manque de réaction de la commune face à la prolifération d’une horde de sangliers dans un secteur boisé du centre de l’agglomération. 

La bande verte en question, située à l’angle des boulevards François Mitterrand et Charles de Gaulle, forme, de longue date, un réservoir de biodiversité au cœur de Saint-Herblain. Or, depuis quatre ans environ, le site a été investi, par intermittence, par un groupe de sangliers - au moins trois bêtes adultes et quatre petits. Des animaux sauvages qui dévastent enclos, jardins et inquiètent les riverains, dont certains ont failli être blessés par les bêtes, prises de panique. «Une voisine a dû se réfugier sur le toboggan de l’aire de jeux lorsqu’elle a vu un sanglier lui foncer dessus. Et mon épouse s’est également retrouvée sur la trajectoire d’une bête qui fonçait en ligne droite ; elle s’est abritée derrière un arbre au dernier moment», témoigne Pierrick Guisnel, l’Herblinois à l’origine de la procédure contre X et dont le voisinage a été visité à deux reprises, l’espace des cinq derniers jours. «C’est du jamais-vu. Il est grand temps de faire quelque chose avant qu’un véritable incident ne survienne», lance-t-il, passablement remué par cette menace suidée.

«La situation est bloquée»

Installé depuis 35 ans sur la commune, ce propriétaire croit savoir que le groupe de sangliers aurait pris l’habitude de faire des allers-retours entre la friche verte et la campagne ouverte, à l’ouest de Saint-Herblain. Les bêtes se déplacent la nuit ou tôt le matin, filent entre les voitures, font fi des clôtures et assiègent les jardins collectifs et l’aire de jeux présente sur le secteur. «Les sangliers ont dévasté ce terrain naturel, c’est devenu un vrai champ de mines», décrit Pierrick Guisnel, dont le petit potager - cultivé avec amour pendant plusieurs années - a pareillement été détruit. «Ils ont couché mon pêcher et anéanti mes poireaux et mes fraisiers, en cherchant des racines. Ah ça, ils se sont régalés !». Même constat amer et impuissant chez Hamid Hamma. «Maintenant, avec d’autres résidents, nous avons peur de sortir en fin de journée, surtout pour les enfants. Et nous redoublons de vigilance quand nous allons sur l’aire de jeu, au cas où les bêtes rôderaient autour», raconte ce retraité domicilié dans l’un des bâtiments bordant la coulée verte.

Face à ces nuisances, les habitants ont cherché en vain à solliciter le concours des pouvoirs publics, à commencer par leur mairie. Dans plusieurs courriers datés d’octobre 2023 à avril 2024 que Le Figaro a pu consulter, la ville de Saint-Herblain reconnaît une augmentation des observations de bêtes sur le territoire de la commune, en renvoyant le dossier vers la préfecture, en l’occurrence la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Tout en précisant d’emblée qu’une battue administrative risque d’être difficile à organiser «du fait des axes de circulation et des zones habitées à proximité des lieux de repérage des animaux». Et en encourageant les propriétaires à clôturer leurs parcelles - ou à demander à Nantes Métropole de sceller la coulée verte, qui lui appartient. 

Compte tenu de la configuration du site, la DDTM a néanmoins autorisé, dès octobre 2023, l’emploi de cages à sangliers - en accord avec le lieutenant de louveterie et la fédération des chasseurs de Loire-Atlantique. La solution devait être déployée sous condition de la validation de la ville de Saint-Herblain qui, au printemps 2024, assurait encore étudier la question. Six mois plus tard, le dossier reste au point mort.

«La situation est bloquée : tous nos interlocuteurs se renvoient la balle», résume Pierrick Guisnel, toujours sans nouvelles de la mairie. En attendant, les bêtes prennent leurs aises - ainsi que du poids. Les trous causés par les sangliers seraient passés d’une vingtaine à une quarantaine de centimètres de profondeur. «D’après les chasseurs que j’ai pu consulter, les bêtes pourraient désormais dépasser les 100 kilos…», évoque l’Herblinois, profondément désemparé par l’inaction apparente de la collectivité. Sollicitée par Le Figaro, la mairie de Saint-Herblain n’a pas été en mesure de commenter la situation.