« Nous voici à l’heure de vérité » : comment François Bayrou a dégainé le 49.3

Chose promise, chose due. François Bayrou avait annoncé, dimanche 2 février, sa volonté de déclencher l’article 49.3 sur le budget 2025. Il n’a pas tardé à tenir sa promesse, qui plus est en doublant la mise. Peu après 16 heures, il a engagé la responsabilité de son gouvernement pour passer en force son projet de loi de finances (PLF) ainsi que la première partie du budget de la Sécurité sociale (PLFSS). Un mois et demi après sa nomination, le premier ministre s’illustre déjà, depuis la tribune de l’Assemblée nationale, par son premier déni de démocratie.

« Nous voici à l’heure de vérité, nous voici même à la semaine de vérité et de responsabilité. Aucun pays ne peut vivre sans budget et la France moins que tout autre. Pour la première fois depuis la création de la Ve République depuis presque 70 ans, notre pays est toujours sans budget au mois de février. L’image de la France, grande démocratie, en sera affectée mais elle n’en serait pas la seule victime », assure-t-il.

Désormais exposé à la censure

Et d’ajouter : « Est-ce que ce budget est parfait ? Non. Aucun d’entre nous ne le trouve parfait. » Le premier ministre sent la censure poindre, d’où un appel à la responsabilité : « Nous sommes tous ensemble désormais devant notre devoir et si vous en décidez ainsi dans les 10 jours la France, à force de bonne volonté, de mains tendues, la France aura ses budgets, ce qui sera un signal de responsabilité, de stabilité. »

François Bayrou signe ainsi l’aveu de son échec. Plutôt que d’accepter un vote des parlementaires sur les deux textes après la constitution de réels compromis conformes aux résultats des législatives anticipées, le locataire de Matignon aggrave le budget austéritaire de Michel Barnier, son éphémère prédécesseur. « S’il s’était engagé dès le départ à ne pas utiliser le 49.3, comme nous le lui avions demandé, le budget aurait été très différent », assurait, dimanche 2 février, le député PCF Nicolas Sansu à l’Humanité.

Le premier ministre s’expose donc désormais à la censure, rendue possible par le déclenchement de l’article 49.3. Reste à savoir qui la votera, alors que l’exécutif espère toujours que les socialistes s’abstiendront de le faire tomber. Depuis quelques jours, le PS souffle le chaud et le froid, hésitant entre la volonté de sanctionner un PLF « de droite » et permettre au pays de disposer d’un budget amendé par les concessions qu’ils ont obtenu.

« François Bayrou n’est pas l’homme du compromis qu’il prétend. Nous avons moins réussi à trouver des compromis qu’arraché des concessions [sur le budget] », assure le président du groupe socialiste Boris Vallaud à Ouest-France. Son collègue Philippe Brun entretient le flou sur France Info : « On est partagés, on a mis toute notre âme pour essayer d’éviter une censure parce que nous pensons que l’intérêt du pays, est d’avoir un budget. »

Mais le suspens a pris fin en début d’après-midi après que le bureau national du PS puis son groupe à l’Assemblée ont annoncé qu’ils ne voteraient pas la censure. Mais la consigne de vote ne sera pas forcément respectée : 8 députés sur 66 avaient rejoint les insoumis, les écologistes et les communistes pour faire tomber le gouvernement, le 16 janvier, après la déclaration de politique générale.

L’ombre d’une censure

La France Insoumise a d’ores et déjà annoncé qu’elle déposera une motion de censure dans la foulée, que devraient voter le Parti Communiste et les Écologistes, lesquels trancheront officiellement d’ici mercredi, jours d’examen du texte. Les insoumis mettent la pression sur le PS, l’invitant à « revenir à la raison et dans la maison du Nouveau Front Populaire, parce que s’ils ne votent pas la motion de censure, c’est une forme de soutien au gouvernement et au budget », selon les mots d’Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, sur LCI.

Quant au Rassemblement National, qui pourrait peser lourd dans le vote de la censure, son porte-parole Julien Odoul avait annoncé une réunion de son groupe dans l’après-midi pour arrêter sa position, finalement annulée. Mais les voix de l’extrême droite, même si elles venaient à s’ajouter à la motion de censure, ne suffiraient pas à renverser François Bayrou.