Notre critique du Mélange des genres : la guerre des sexes n’aura pas lieu

À Dijon, la moutarde monte vite au nez du collectif féministe Les Hardies (à ne pas confondre avec les harpies) qui mène des actions coup de poing pour défendre les femmes victimes de violences conjugales. Parmi ces guerrières de la révolution féministe se trouve Simone (Léa Drucker, impeccable entre dureté et tendresse). Cette inspectrice de police s’est infiltrée dans la bande et cherche à savoir si le collectif s’est rendu complice d’un meurtre perpétré par une femme battue.

Alors que le groupe soupçonne l’existence d’une taupe dans ses rangs, Simone est aperçue à la sortie du commissariat. Pour ne pas compromettre sa couverture, elle accuse de viol le premier homme venu qui se trouve être Benjamin Lavernhe, acteur de seconde zone, parangon de « l’homme déconstruit » qui n’a strictement rien à se reprocher… Le festival des quiproquos débute. Il promet quelques palmes de rire.

Avec insolence et tendresse

Les deux personnages principaux sont eux-mêmes de parfaits mélanges des genres. D’un côté, Léa Drucker incarne une fliquette mariée à son supérieur hiérarchique. Pour se faire une place dans le métier, elle a adopté les codes du patriarcat. De l’autre, le doux et inoffensif Paul (Benjamin Lavernhe, excellent) enchaîne les figurations, s’occupe des enfants et s’épanouit à l’ombre de son épouse comédienne menant une brillante carrière.

Avec insolence et tendresse, Michel Leclerc brouille joyeusement les pistes. Le cinéaste fait en sorte que chacun des camps en prenne pour son grade. Le comique de situation fuse, désamorce les tensions par l’humour, et s’arrange pour que la guerre des sexes n’ait pas lieu. Après avoir mis Lionel Jospin à contribution dans Le Nom des gens, il embarque Virginie Despentes dans une séquence désopilante. Le temps de quelques pas dans les ruelles nocturnes de Dijon, la romancière de King Kong Theorie assène au héros désemparé un discours féministe bien relevé, dont il ressort KO, persuadé d’être malgré lui le bouc émissaire d’un débat explosif.

Avec Le Mélange des genres, Michel Leclerc revient à ce qu’il sait faire le mieux. Le réalisateur de La Lutte des classes s’empare d’un sujet de société brûlant d’actualité et le badigeonne aux couleurs de la comédie de mœurs. En l’occurrence, le féminisme, la masculinité moderne et l’épineuse place de l’homme blanc hétérosexuel dans une société post-MeToo. Même s’il manque peut-être les cuivres et les puissantes orchestrations du duo Nakache et Toledano sur un tel sujet, la savoureuse petite musique sifflotée de Michel Leclerc, qui rappelle celle qui accompagnait le Pierre Richard des grandes heures de la comédie populaire dans les années 1970, fait aussi son effet. Avec finesse et sensibilité Le Mélange des genres fait l’éloge de la douceur et se ménage même quelques surprenants moments oniriques. On ressort sous le charme.


La note du Figaro : 3/4