Cyclisme : Paul Lapeira, un champion de France ambitieux

C’était le dimanche 23 juin 2024. Au terme d’un parcours tracé autour de Saint-Martin de-Landelles sur des routes qu’il connaît par cœur pour les avoir fréquentées dans son enfance, Paul Lapeira devenait champion de France sur route. Une victoire qui ne doit rien au hasard mais qui est plutôt le résultat d’une progression étape par étape. Né en mai 2000 à Fougères en Ille et Vilaine, Paul Lapeira a grandi dans le département voisin de la Manche. Il est issu d’une famille de cyclistes et à découvert ce sport grâce à son grand-père à l’âge de 7 ans. «Je suis issu d’une famille de cyclistes. Ma mère était fan de Marco Pantani et mon père faisait des courses amateurs ». Licencié dans le Vélo Club de Saint-Hilaire du Harcouët jusqu’à ses 18 ans, le jeune Manchois a eu une éclosion tardive et a mis du temps à imaginer faire de sa passion son métier. Après ses 18 ans, il part ensuite pour 2 ans au Chambéry CF, sorte de centre de formation de l’équipe AG2R La Mondiale.

C’est à ce moment qu’il commence à croire en une carrière professionnelle : «C’est vraiment devenu un projet en 2020. J’avais connu un très bon début de saison avant le confinement et quand les courses ont repris je me suis senti bien ». Il signe son premier contrat pro avec AG2R Citroën en août 2021 mais ne réalise pas immédiatement de gros résultats. «J’ai toujours progressé de manière linéaire, je n’ai jamais sauté les étapes. Je n’ai jamais eu de progression exponentielle non plus, je dirais que mes deux premières années pros ont été dans cette lignée». En 2023, il ne fait pas encore de résultats forts mais il participe au Giro pour la première fois. Il prend le maillot bleu de meilleur grimpeur après la deuxième étape. Il ne le garde qu’une journée car il tombe malade et doit abandonner lors de la quatrième étape. 3 mois plus tard, il participe à sa première Vuelta qu’il boucle à la 109e place : «On a tendance à dire que les Grands Tours font beaucoup progresser. Même si je suis tombé malade lors du Giro, j’ai senti dès le début de l’année 2024 que j’avais progressé, que j’avais passé un gros cap grâce à ses deux participations. Ça m’a permis de jouer la victoire dès le début de la saison».

Fort de cette confiance, le Normand commence bien la saison 2024 en remportant la Classic Loire Atlantique et le Cholet Agglo Tour dès le mois de mars. Au début du mois d’avril, pour ses premières participations à des courses World Tour, il commence par une victoire surprise en France à Cambo-Les-Bains au terme d’une étape terminée par un sprint avec une quarantaine de coureurs lors de la 2e étape du Tour du Pays basque. Moins de deux semaines après, il se distingue sur l’Amstel Gold Race où il termine 5e dans le même temps que le vainqueur Tom Pidcock. Lapeira enchaîne ensuite avec une 11e place sur Liège-Bastogne-Liège à 2 minutes de l’intouchable Pogacar mais en étant dans le groupe des favoris. «Honnêtement, cette victoire (au Tour du Pays basque) ne m’a pas vraiment surpris. Je savais que j’étais capable de gagner un sprint avec un peloton réduit. Mais lors de Liège-Bastogne-Liège, quand je suis dans le groupe qui joue la deuxième place en haut de la dernière montée après 6h15 de course, je me demande ce que je fais là. C’est une des plus grandes courses du calendrier. Je ne fais que 11e mais il y a un monde où je peux faire 2e. Après l’arrivée, j’étais agacé d’avoir raté le sprint mais le lendemain avec le recul j’ai réalisé que c’était quelque chose que je n’imaginais pas encore peu de temps avant. »

De gros objectifs pour 2025

Des résultats qui lui donnent confiance. De la confiance qui lui sera utile pour l’objectif des Championnats de France, une course qu’il avait coché depuis longtemps car avec une édition fixée à Saint-Martin-de-Landelles sur des routes qu’il connaît par cœur. «J’étais coleader au départ avec Benoît Cosnefroy. Le but premier, c’était que l’équipe gagne. Ça faisait longtemps que le maillot n’était pas revenu dans l’équipe et on faisait un bon début de saison donc ça aurait été un échec de ne pas prendre le maillot.» Sorti du peloton à 17km de l’arrivée avec Julien Bernard et Thomas Gachignard, les trois hommes résistent au peloton. Le coureur d’AG2R distance ses deux compagnons d’échappée dans le dernier kilomètre pour finalement l’emporter : «Ça a été et ça restera ma plus belle victoire en termes d’émotion. Ce jour-là, j’ai vécu quelque chose de tellement grand en termes d’émotion que je pense que même une victoire sur une classique World Tour ou sur le Tour de France, qui sera au-dessus sportivement, ne sera pas au-dessus en termes d’affect.»

Après cette victoire, le Français étrenne son nouveau maillot tricolore pendant le Tour de France. Il finit la course à la 88e place et gagne en expérience : «Ça a été 3 semaines intenses et ça a été beaucoup en termes de sollicitations des médias et des supporters. Tout est démesuré : la densité du peloton, les médias, le public... Il y a eu des moments où je trouvais que c’était beaucoup. Je suis quelqu’un qui aime la tranquillité, qui ne cherche pas la lumière et donc là avoir toute cette attention autour de moi, je me suis dit que c’était un peu beaucoup ». Après le Tour, il remporte sa première victoire avec le maillot tricolore le 11 août lors de la Polynormande, une classique qui lui tient très à cœur car elle se déroule sur les mêmes routes qui l’avaient vu gagner les Championnats de France. «C’était ma première victoire avec le maillot tricolore. J’étais vraiment fier de gagner là-bas, c’est une course que je venais voir quand j’étais gamin. Dans un premier temps, j’avais déjà comme objectif d’y participer donc là gagner était vraiment incroyable.» Une victoire qui vient clôturer une saison qui l’aura vu gagner 5 fois. Un très bon résultat pour un coureur qui n’avait pas connu beaucoup de succès dans les années précédentes. «L’objectif que je m’étais fixé était de gagner déjà une fois. Je suis allé au-delà de mes attentes. Là, mon statut a changé et mes perspectives et mes objectifs ne sont plus les mêmes. »

Pour débuter 2025, Lapeira vient de passer deux semaines en Australie pour se préparer et participer au Tour Down Under qu’il a fini à la 49e place. «On a Bastien (Tronchon) qui fait 5e. À titre personnel, je n’avais pas d’objectifs, j’allais là-bas pour mener le groupe. Mais j’aime bien aller en Australie, c’est l’endroit où la saison se lance.» Concernant ses objectifs, le jeune homme se veut mesuré : «Je suis le premier heureux de ce qui m’arrive. Pour 2025, garder le maillot (de champion de France) est un objectif. Mais l’objectif numéro 1 sera qu’il reste dans l’équipe. Personnellement, mes objectifs seront les Ardennaises, les courses au Canada en septembre et la Bretagne Classic. Le but est d’aller chercher des victoires et des points (au classement UCI) pour l’équipe. Pour le moment, ce n’est pas prévu que je fasse de Grand Tour.» Lapeira se sent à l’aise au sein de Décathlon-AG2R La Mondiale. Il a vu son contrat, à la base jusqu’en 2025, être prolongé jusqu’en 2027 il y a deux semaines. De quoi envisager l’avenir avec confiance et optimisme.