France-Écosse : les coups de cœur et coups de griffe de nos envoyés spéciaux
COUPS DE CŒUR
Dupont les a galvanisés
Il était dans toutes les têtes. Privé de la fin du Tournoi à cause d’une cruelle rupture des ligaments croisés du genou, Antoine Dupont a été, au final, un moteur et une source de motivation pour ses coéquipiers. À Dublin, sa sortie rapide sur blessure avait galvanisé les Bleus qui avaient fini par faire du petit bois des Irlandais. Et, durant la semaine de préparation de cette «finale» de l’édition 2025, le demi de mêlée tricolore était resté auprès de ses copains. Un soutien sans faille, une présence rassurante et, bien évidemment, une source de motivation pour aller décrocher cette 27e victoire dans le Tournoi. Ce qu’a reconnu Grégory Alldritt immédiatement après le sacre : «Je voulais absolument voir Antoine soulever ce trophée. Il a une mentalité de champion, il donne tant à ce groupe… Même si je lui ai succédé ce (samedi) soir contre l’Écosse, il est notre capitaine, le capitaine de cette équipe de France. C’était à lui de soulever cette coupe.» Et le meilleur joueur du monde, venu au stade en béquilles, a pu brandir le trophée tant convoité devant un public du Stade de France en feu. Un moment fort pour le Toulousain, avant une longue convalescence et des moments durs à venir.
Un «bomb squad» qui a fait des dégâts
Au début, certains ont souri, se sont moqués. Quelle mouche avait donc piqué Fabien Galthié pour tenter un banc en 7-1 dans ce Tournoi ? Pourquoi donc imiter les Springboks à l’origine de cette innovation tactique souvent décriée ? Au final, les résultats face à l’Italie, l’Irlande et l’Écosse lui ont donné raison. Impressionnants de puissance et de fraîcheur, les Bleus ont fait exploser leurs adversaires, à partir de la 50e minute, en injectant massivement du sang neuf dans leur pack. Alors que le score n’était que de 23-13 à la 47e minute, l’entrée du «bomb squad» a permis de mater les Écossais qui ont encaissé dans la foulée deux essais par Ramos (56e) et Moefana (61e). «On a tellement pensé à gagner qu’on a eu du mal au démarrage mais quand le banc est rentré, on a su le faire. Franchement, chapeau à eux», a salué Maxime Lucu. Et Damian Penaud d’acquiescer : «Nous nous sommes lâchés en deuxième mi-temps, notamment grâce à l’apport du banc.» Le rugby commence devant, dit-on, et encore plus quand on peut aligner quasiment deux packs dans le même match.
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Le nouvel allant offensif des Bleus
C’était une volonté de Fabien Galthié et de son staff, partagée par leurs joueurs : en terminer avec le jeu de dépossession au profit d’une ambition offensive plus complète, plus audacieuse. Les pièces du puzzle se sont enfin mises en place. Un (double) pack surpuissant pour prendre la ligne d’avantage, des avants également capables de faire la passe supplémentaire et des trois-quarts alertes, rapides, audacieux. Un cocktail explosif, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Le XV de France est devenu une machine à marquer des essais : 30 en cinq matchs (6 en moyenne donc). Un total historique, battant la meilleure marque établie par les Anglais (29) en 2001. Avec 218 points marqués au total, les Bleus échouent à quelques longueurs de ces mêmes Anglais de 2001 (229). Idem pour le record de la plus grosse différence de points, qui reste aux mains des coéquipiers de Jonny Wilkinson: +149 contre + 125 pour les Bleus cette année. «On sent qu’on pose des problèmes aux défenses, s’est félicité Fabien Galthié après la victoire contre l’Écosse. On a touché du doigt, pendant cette compétition, quelque chose qui nous permet de déséquilibrer les défenses.» Un nouveau jeu pour des Bleus plus épanouis. «On prend énormément de plaisir sur le terrain, appuie Grégory Alldritt. C’est quand même la base de notre sport…» Plaisir partagé par beaucoup.
COUPS DE GRIFFE
L’Écosse voit rouge pour Mauvaka
Honnêtement, on a eu peur pour lui. Son mouvement d’humeur, qui ressemblait à s’y méprendre à une tentative de coup de tête au visage de l’Écossais de Toulon, Ben White, lui a valu un bunker (carton jaune en attendant le visionnage des images pour le transformer, ou non, en rouge). La sanction est restée temporaire («degré de dangerosité peu élevé…») et le talonneur toulousain a pu revenir sur la pelouse une fois ses dix minutes purgées. Ouf de soulagement côté français. Et grosse colère chez les Écossais. Après le match, en conférence de presse, le capitaine du XV du Chardon, Rory Darge, n’était pas de cet avis. «Pour être honnête, je pense qu’il aurait dû y avoir carton rouge. Il y a contact avec la tête. Vraiment, ce n’est pas pour ça que nous avons perdu ce match, mais oui, il me semble que le coup de tête est intentionnel. Mais bon, c’est passé…», a conclu le troisième-ligne. Son sélectionneur, Gregor Townsend, était évidemment sur la même longueur d’onde. «La raison pour laquelle il n’y a pas eu rouge est l’absence de force excessive. Je ne pense pas que ce soit un critère alors que ce n’est pas un plaquage», soulignant que ce geste de nervosité (totalement inutile) avait été commis alors que l’arbitre anglais, M. Carley, avait déjà arrêté le jeu.
Des Bleus nerveux et indisciplinés
Pour décrocher cette 27e victoire dans le Tournoi, les Bleus ont souffert. Ils ont même longtemps montré des signes de fébrilité. La peur, sûrement, de se rater au pire moment. «Il y avait un peu de pression. Je pense qu’on a été rattrapé par le stade, l’environnement. On était fébriles, un peu tétanisés par l’enjeu face à une équipe qui jouait libérée», a reconnu Fabien Galthié. Et de poursuivre : «Il y a plein de petits faits de jeu qui se rajoutent les uns après les autres, qui font qu’on redonne des possessions faciles où on se met en difficulté.» Surtout, le XV de France a été beaucoup pénalisé (11 fois contre 12 pour les Écossais), Peato Mauvaka et Jean-Baptiste Gros écopant même chacun d’un carton jaune. «On a été un petit peu attentiste sur le début de match, avance le capitaine Grégory Alldritt. Mais l’Écosse est une équipe qui joue un bon rugby, on a rarement eu des victoires faciles face à eux». À la mi-temps, le staff a réussi à remobiliser ses troupes. «À la pause, on était dans un état fébrile, c’était un moment délicat», a d’ailleurs reconnu Fabien Galthié. Avant de remettre les forces dans l’ordre : faire parler la puissance des avants pour mettre les arrières sur de bons rails. Recette ancestrale mais qui a, une nouvelle fois, fait ses preuves.
Penaud rate le coche et le record
Thomas Ramos et Louis Bielle-Biarrey ont battu les records qui leur tendaient les bras. Pas Damian Penaud. L’ailier est resté à 38 essais, à hauteur du record de Serge Blanco qu’il avait rattrapé il y a une semaine à Dublin. Auteur d’un match quelconque (seulement 8 mètres gagnés), sauvé par sa passe décisive sur l’essai de Ramos, il ne s’est guère illustré ballon en mains. Remis en cause après la défaite en Angleterre, et privé de l’orgie offensive de Rome, il était revenu revancher en Irlande. Mais son inconstance défensive (encore 3 plaquages ratés) continue à irriter son sélectionneur. La preuve ? Quand Mauvaka est sorti sur bunker, avec le risque que son carton jaune se transforme en rouge, Fabien Galthié a choisi de le sortir, et non un troisième-ligne comme le veut la tradition, pour permettre à Julien Marchand de rentrer. Avec le risque qu’il ne puisse plus revenir sur le terrain en cas de carton rouge. Et ce, alors qu’il disposait de sept avants sur le banc… Un coup d’œil sur les stats confirme le coup de moins bien : seulement 2 essais en 3 titularisations quand il en a inscrit, cette saison, 16 en 13 sorties sous le maillot de l’UBB. Le jeune Palois Théo Attisogbe, titulaire contre le pays de Galles et l’Italie, en a inscrit trois. Ou quand l’émulation devient concurrence…