Gilles Vidal revient chez Stellantis

C’est la surprise de l’été. Par un communiqué diffusé le vendredi 25 juillet, un peu avant 15 heures, Stellantis a annoncé la nomination de Gilles Vidal au poste de directeur du design de ses marques européennes. Quinze jours avant, le 9 juillet dernier, au Technocentre, où nous avions été conviés à découvrir, en avant-première, la Renault Boreal, il était sur scène en compagnie de Fabrice Cambolive, le directeur général de Renault, et de Bruno Vanel, le patron du produit. Professionnel jusqu’au bout, il avait assuré la présentation du style du nouveau SUV destiné aux marchés internationaux de la firme au losange. Rien ne laissait supposer qu’il était sur le point de quitter le Technocentre pour retourner à l’ADN.

Un retour aux sources pour le Cantalou qui a effectué la première partie de sa carrière au sein du groupe PSA Peugeot-Citroën. Entré chez Citroën en 1996, le designer français sera resté 24 ans dans le groupe franc-comtois. Il sera devenu un des piliers du design du groupe PSA, l’un de ceux sur lequel Jean-Pierre Ploué pouvait s’appuyer. Il aura suivi la construction de l’ADN et le regroupement du design des trois marques - Citroën, DS et Peugeot dans ce centre technique de PSA de Vélizy.

Gilles Vidal dans un projet de cockpit Peugeot. Peugeot
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À partir de 2009, Ploué, devenu directeur du style des trois labels, lui avait confié la responsabilité des concept cars Peugeot. Il a notamment signé le concept SR1 de 2010, annoncé comme le manifeste de style du futur de la marque au lion. En janvier 2010, on lui confiait la direction du design Peugeot. Il supervise notamment les projets de renouvellement des 308, 3008 et 208 récompensés par le titre de Voitures de l’Année, entre 2015 et 2019.

En novembre 2020, alors que le monde vit sous le régime du Covid, le groupe Renault annonce, quelques semaines après l’arrivée de Luca de Meo, avoir recruté Gilles Vidal pour diriger le style de la marque au losange. Une prise de guerre en quelque sorte pour Renault. Placé sous l’autorité de Laurens van den Acker, qui dirige le style de l’ensemble des marques de la firme de Billancourt, Gilles Vidal ne se contente pas de renouveler l’ensemble de la gamme. Il installe un nouveau langage formel et pilote le développement de la gamme électrique avec les R4, R5 et bientôt la Twingo. Depuis quelques mois, il avait lancé le processus d’évolution du style Renault avec le concept Emblème qui préfigure une berline électrique à la fin de la décennie. L’annonce de son retour chez Stellantis a fait l’effet d’une bombe au sein du Technocentre de Renault, distant d’une dizaine de kilomètres de l’ADN. Chez Renault, cela commence à faire beaucoup après le départ surprise de Luca de Meo, quelques semaines plus tôt. Au sein du losange, cette vague de départ revient à penser que les «emmerdes volent en escadrille». La chance pour Renault est que Gilles Vidal quitte l’entreprise alors qu’il venait de boucler un cycle complet de renouvellement de modèles. Amateur de voitures de collection, le designer vedette n’aurait pas pu refuser l’offre de Stellantis. Pour John Elkann, le président du groupe franco-italien, Antonio Filosa, le successeur de Carlos Tavares, et Jean-Philippe Imparato, le patron des opérations européennes, Gilles Vidal s’est imposé comme l’homme providentiel pour remettre les marques européennes sur le chemin du succès.

Prenant la succession de Jean-Pierre Ploué qui aspire à une retraite bien méritée, le designer cantalou retrouve ainsi une entreprise qu’il connaît bien mais qui a bien changé depuis la fusion PSA-Fiat Chrysler. À bien des égards, elle est même méconnaissable. Il va évoluer dans un environnement où les contraintes desservent de plus en plus la créativité. Les économies sont devenues prégnantes et le groupe ne pourra pas faire l’impasse ni d’un repositionnement des marques ni même d’une réflexion sur le devenir de certaines. Gageons que Gilles Vidal revient à l’ADN avec l’assurance d’avoir les mains libres pour faire évoluer le design des marques européennes composées de Abarth, Alfa Romeo, Citroën, DS, Fiat, Lancia, Maserati, Opel, Peugeot. Pendant ce temps-là au Technocentre, Laurens van den Acker ne va pas vivre un été de tout repos. La direction lui a demandé de trouver un successeur à Gilles Vidal. Privilégiera-t-il la mobilité interne ou ira-t-il chercher un designer à l’extérieur ? Les paris sont ouverts mais il serait assez cocasse qu’il recrute quelqu’un de chez Stellantis!