Babel au Bon Marché : le chorégraphe Mourad Merzouki ne grimpe pas dans les tours
CRITIQUE - Dans la nef du grand magasin parisien, sa scénographie est certes spectaculaire et son propos louable, mais l’ensemble manque de piquant.
Passer la publicité Passer la publicitéMourad Merzouki imagine Babel heureuse. En ces temps où les dirigeants s’invectivent et où les peuples peinent à partager la même langue, on remercie l’artiste de raviver les couleurs d’un vieil idéal et de livrer cet album d’images virtuoses. Avant de se distinguer comme chorégraphe de hip hop, Merzouki est passé par le cirque. Il s’en souvient assez pour orchestrer au Bon Marché cette fête des corps heureux. Symptomatiquement, elle se déroule, sur une scène plantée sous la coupole, entre des enseignes qui rappellent qu’ici, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.
Le grand magasin, qui produit ce spectacle, a mis les bouchées doubles. En permettant la construction d’un décor étonnant : escalier hélicoïdal grimpant jusqu’à une rotonde perchée en hauteur. Elle est rythmée de hautes baies en demi-lune, et pareille à une fusée, déploie ses étages à mesure du spectacle, ainsi que divers dispositifs d’agrès qui permettent l’envol.
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Passer la publicitéLe vertige convoqué
De là, les dix danseurs acrobates tournent en rond de toutes les manières imaginables : reptations au sol, tours sur la tête, vols au ciel, dans des mouvements centripètes ou centrifuges, ou suivant la spirale qui aspire les interprètes vers le sommet de la tour ou les en fait couler. Un flux de corps se dessine, costumés du violet au vert dans une gamme qui couvre la gamme des ocres. Une lumière d’or baigne la scène : voilà le vertige convoqué ! Mâts chinois, sangles aériennes, tissus, toute une suite de merveilles se déploie dans un crescendo bien lissé qui joue sans détour les beautés des tours, sur la terre comme au ciel. Merzouki déploie son savoir-faire pour emporter le spectateur dans une rêverie rythmée par une musique qui prend les tubes du classique à la louche, et les mixe sans raffinement.
Quand on a écrit ça, on a tout dit. Heureux ceux que le vertige aura pris, et qui se seront laissé éblouir par la surenchère de propositions ou griser par la contemplation de ces corps lancés dans l’horlogerie millimétrée de cette tour de Babel. L’ensemble est bien mené, et les artistes acrobates, excellents. Mais on aurait aimé que Merzouki grimpe dans les tours, fasse des détours et interpose des ruptures, des surprises, des mises en perspective qui fassent de cette méditation sur Babel mieux qu’un joli spectacle.
Babel, au Bon Marché rive Gauche (Paris 7e), jusqu’au 31 décembre.