Samedi 4 janvier, Karen Bass s’est envolée pour le Ghana au sein d’une délégation composée par le président des États-Unis Joe Biden pour assister à l’investiture du nouveau président du pays d’Afrique de l’Ouest. Le 7, lorsque Dramani Mahama prêtait serment, plusieurs incendies se sont déclenchés dans la Cité des Anges : le premier dans le quartier de Pacific Palisades, près des montagnes de Santa Monica, au nord-ouest ; un deuxième à Altadena, sur les collines surplombant Pasadena, au nord ; un troisième au nord de San Fernando. À son retour mercredi après-midi, la maire démocrate a retrouvé une partie de sa ville en cendres ou encore sous les flammes.
En trois jours, le bilan provisoire des cinq incendies simultanés qui ravagent l’agglomération californienne est de 10 morts. Plus de 108 kilomètres carrés sont partis en fumée, soit l’équivalent d’une ville comme San Francisco, et plus de 10.000 bâtiments - maisons, commerces, écoles - ont été détruits ou endommagés. Quelque 180.000 habitants sont sous ordre d’évacuation et au moins 1,5 million restent privés d’électricité.
Alertes multiples
Entre interrogation, incompréhension et colère, les regards se sont tournés vers l’édile absente qui, en dépit des alertes, s’est envolée vers Accra et a laissé de facto le président du conseil municipal, Marqueece Harris-Dawson, comme maire par intérim.
Dès le vendredi 3 janvier, le Service météorologique national de Los Angeles mettait en garde sur les «conditions extrêmes propices aux incendies de mardi à jeudi prochain», attisées par les vents secs, chauds et violents de Santa Ana. Des alertes qui se sont multipliées les jours suivants pour atteindre leur acmé lundi : «Des arbres abattus et des pannes de courant sont probables, en plus d’une croissance rapide des incendies et d’un comportement extrême à chaque début d’incendie.»
Karen Bass, elle, n’a alerté sur son compte X que le 6 janvier, lui reprochent ses détracteurs. Et son bureau a attendu la fin de matinée mardi pour envoyer un premier communiqué de presse sur les risques d’incendies... L’incendie de Pacific Palisades s’était déjà déclaré.
«La première chose à faire est d’être présent»
Cette impression d’impréparation et d’amateurisme a suscité la colère d’une partie des habitants. «Il n’y a eu aucune préparation, aucune réflexion. C’est une rupture totale du leadership et cela commence par le bureau du maire», regrette l’un deux, un avocat de 47 ans, qui a perdu sa maison auprès du New York Times.
Rick Caruso, un promoteur immobilier qui a perdu l’élection municipale de 2022 contre Karen Bass, a lui dénoncé «un échec massif aux proportions épiques». «Le leadership est important et la première chose à faire est d’être présent», a-t-il déclaré au quotidien américain. De son côté, le milliardaire Elon Musk, qui intégrera dans quelques jours l’équipe gouvernementale de Donald Trump, a qualifié sur X l’édile démocrate de «totalement incompétente».
«Envisagez-vous de quitter votre poste ?»
Le retour de Karen Bass sur le sol américain a donné lieu à une séquence embarrassante diffusée par Sky News. À sa sortie de l’avion un journaliste l’assaille de questions : «N’avez-vous absolument rien à dire aujourd’hui aux citoyens qui sont aux prises avec cette catastrophe ?», «Regrettez-vous d’avoir réduit le budget du service d’incendie plus tôt cette année ?», «Envisagez-vous de quitter votre poste ?». Tête baissée, le regard fuyant, la maire ne répond pas.
À l’occasion de sa première conférence de presse, Karen Bass a affirmé avoir «pris le chemin le plus rapide pour revenir, ce qui impliquait de prendre un avion militaire». «Nous devons résister à tout effort visant à nous séparer», a-t-elle répondu aux critiques. En pleine tempête, l’ancienne présidente de la sous-commission Afrique au Congrès américain, où elle fut représentante de 2013 à 2022, a reçu le soutien du shérif et du superviseur du Comté de Los Angeles.
Mauvaise gestion de l’eau
Cette polémique à la tournure politique s’ajoute à celle, déclenchée notamment par les Républicains à l’encontre du gouvernement de la Californie après que plusieurs bouches à incendie du quartier de Pacific Palisades se sont rapidement taries. Sur son réseau social, Donald Trump a directement imputé la prolifération du feu à Gavin Newsom et à Karen Bass, leur reprochant leur mauvaise gestion de l’eau.
Dans le viseur du président élu, un nouveau plan de partage des eaux signé en décembre par l’administration Biden et les responsables californiens. Il a pour objectif de mieux répartir l’eau en provenance du delta de Sacramento tout en préservant les espèces naturelles menacées. Conséquence directe : le sud de l’État, et donc Los Angeles, se trouve moins alimenté par l’eau provenant des rivières du nord et de la fonte des neiges. En réalité, ce plan n’a que peu d’effets sur la région de Los Angeles, et encore moins sur les incendies actuels.