Billie Eilish tient le public de Bercy entre ses mains

Les plus mordus avaient commencé à camper aux abords de l’Accor Arena dès avant-hier afin de pouvoir atteindre les meilleures places. L’excitation était à son comble avant d’accueillir la superstar américaine dans l’enceinte. La salle affichait complet depuis la mise en ligne de la billetterie, avec 19.000 spectateurs par soir. À l’intérieur, on découvrait une scène centrale, rectangulaire, pas dissemblable de celles utilisées lors de leurs derniers passages dans la salle par U2 et Madonna. Avec deux fosses réservées aux musiciens. Dans l’une, deux claviéristes et guitaristes, bientôt rejoints par deux choristes féminines. Dans l’autre, un bassiste et un batteur.

Elle surgit au sommet de la structure scénique - une sorte de cage - afin d’interpréter la première des chansons de la soirée. Debout, Billie Eilish domine la salle. Elle est vêtue comme une adolescente américaine d’aujourd’hui : casquette, sweat-shirt ample et short sur lequel sont inscrites ses initiales, une par jambe : B et E. Son sourire est radieux et son regard bleu perçant. Toute la salle chante les paroles de Chihiro à l’unisson avec elle, et cela produit une résonance énorme. Bientôt, Billie Eilish déambulera sur la gigantesque scène, portée par la ferveur immense du public. Le concert a à peine commencé, et les fans passent la soirée de leur vie. Ils ponctuent les chansons de petits cris stridents, et ont remplacé les applaudissements par des hurlements continus. On se croirait dans le réacteur d’un avion au décollage. Le son est brouillon, la voix peu audible et les textes incompréhensibles mais cela va s’améliorer au fil de la soirée.

Bien entendu, Billie Eilish dégage un charisme renversant sans en faire des tonnes. Son charme naturel et sa décontraction évidente font d’elle une anti-diva, le modèle inversé de Taylor Swift.

Bien qu’encore très jeune - 24 ans -, la chanteuse dispose d’un réservoir déjà conséquent de tubes. Ceux-ci sont accueillis par une ferveur encore décuplée par rapport aux autres chansons. On regrettera juste les arrangements un peu «balourds» et le jeu outré et un peu ringard d’un batteur qui en fait malheureusement des tonnes. A-t-il seulement écouté les paroles attentivement ? Sans faire non plus dans la dentelle, les deux guitaristes ont le bon goût d’être plutôt sobres. C’est déjà ça de pris.

Une pause acoustique

Comme les Stones, et autres depuis une vingtaine d’années, Eilish sacrifie elle aussi au sacro-saint passage acoustique. Ce sera aussi le meilleur moment de la soirée. Sans hurlements pour la couvrir, la voix de la chanteuse déploie sa souplesse et son intensité. Billie Eilish est quasiment bouleversante pendant cette séquence magique. Elle s’enquiert régulièrement du bien-être de ses spectateurs et leur demande parfois de tenir le silence. Allongée, elle superpose alors les pistes de voix jusqu’à remplir complètement l’espace sonore. Les chansons sont courtes et enchaînées sans temps mort. Parfois, elle se filme au milieu de ses musiciens et on dirait des images de l’émission de Nagui, Taratata. Tout ceci est gentiment kitsch mais très tendre. Billie Eilish ne diffuse aucun cynisme. The Greatest est un des plus beaux passages musicaux d’une soirée qui en contiendra plusieurs, comme Halley’s Comet ou Bittersuite et ses fumigènes. La performeuse est aussi une excellente songwriter. Dommage que ses accompagnateurs, au sein desquels on ne voit pas son frère Finneas, aient parfois la main lourde.

La star joue de la guitare sur un titre et du piano électrique sur un autre mais elle se concentre davantage sur la partie «show». Elle joue à cache-cache avec le public, longeant la scène avant de réapparaître à l’autre extrémité de la salle, dans une partie qui ressemble à une boum géante. On n’est parfois pas loin de l’ambiance Foire du Trône.

C’est véritablement dans la dernière partie du spectacle que la scénographie se déploie, avec de la pyrotechnie, des confettis et des cascades sans risque. «Je vous aime et je vous aimerai toujours» lance-t-elle avant de s’éclipser, ajoutant : «Je me battrai toujours pour vous». Les larmes brisent les cris des fans les plus transis, qui ne sont pas près d’oublier cette belle soirée. Et c’est en empoignant une guitare électrique que Billie Eilish conclut avec énergie un concert extrêmement bien mené.