Une décision «dévastatrice». L’audiovisuel public américain s’inquiète de son avenir après la suppression de 1,1 milliard de dollars en financements déjà alloués pour les deux prochaines années à la Corporation for Public Broadcasting (CPB), adoptée par le Congrès. Des radios locales «vont fermer», a prévenu la PDG du groupe de radio public NPR Katherine Maher, sur CBS. Les premiers touchés seront «les communautés qui n’ont pas accès à d’autres sources d’information locale [...] et d’alertes d’urgence», notamment en cas de catastrophe naturelle.
La suppression des fonds de la CPB répond à une demande du président Donald Trump, qui qualifie ces médias publics de menteurs» et d’«ennemis du peuple», les accusant d’avoir un traitement «biaisé» de l’information. «Ce sont des médias partisans de gauche financés par les contribuables, et cette administration ne pense pas qu’il s’agisse d’un bon usage de l’argent des contribuables», a encore dénoncé jeudi la porte-parole de la Maison-Blanche Karoline Leavitt.
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Passer la publicitéSystème d’alerte
«Nous devrons prendre des décisions très difficiles sur les émissions que nous pourrons préserver et celles que nous devrons couper», résume de son côté Ryan Howlett, le président du bras financier de la Société de radiodiffusion publique du Dakota du Sud (SDPB), qui chapeaute une dizaine de radios et autant de télés locales. Dans cet État très rural et conservateur, «on va perdre un point de connexion qui nous lie les uns aux autres».
Prônée par le «Projet 2025» du cercle de réflexion conservateur Heritage Foundation, la suppression totale des fonds de la CPB est un tournant. D’autres tentatives par le passé s’étaient heurtées à l’opposition d’élus au Congrès, dont des républicains basés dans des régions rurales. Pour Dan Kennedy, professeur de journalisme à l’Université Northeastern de Boston, c’est dans ces zones éloignées des centres urbains que les suppressions de subventions risquent «d’avoir un effet dévastateur». Or, «ces stations sont parfois la dernière bouée de sauvetage (...) quand il y a une tornade, c’est là que les gens l’apprennent», explique-t-il.
Car c’est l’une des craintes des défenseurs de l’audiovisuel public : lors de catastrophes naturelles, ces stations de télévision et de radio locales sont un relai essentiel du système d’alerte américain. «Trois Américains sur quatre disent compter sur leur station de radio publique pour les alertes et informations sur leur sécurité», a assuré Katherine Maher dans un communiqué.
Au sein de l’Heritage Foundation, cet argument avait été rejeté par Mike Gonzalez, auteur du chapitre sur l’audiovisuel public dans le «Projet 2025». Pour lui, «les États et les exécutifs locaux peuvent concevoir des systèmes (d’alerte) à un coût bien moindre que l’ensemble de l’appareil de radiodiffusion publique, et sans les maux qui accompagnent le système actuel».
Quatre fois moins de journalistes en 25 ans
Créée en 1967 par le président Lyndon Johnson, la CPB finance une part minoritaire des budgets des radios et télévision nationales NPR et PBS. Mais aussi, et de manière plus importante, quelque 1500 radios et télés locales partenaires qui diffusent une partie de leurs contenus, de New York à l'Alaska.
Passer la publicitéLa fin de ces financements est un nouveau coup dur pour l'information locale aux États-Unis. À cause de la diminution des lecteurs et des fusions de titres aux mains de grands groupes, plus d'un tiers des journaux du pays, soit 3300, ont cessé d'imprimer depuis 2005, selon le dernier rapport de l'école Medill à l'université Northwestern. D'après une récente cartographie établie par la société d'analyse Muck Rack et la coalition «Rebâtir l'information locale» («Rebuild Local News»), il n'existe plus que l'équivalent de 8,2 journalistes pour 100.000 habitants aux États-Unis, contre 40 au début des années 2000.