Budget 2026 : "L'année blanche est une mesure de rabot un peu idiote qui permet de ne pas réfléchir", juge Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine
Alors que 40 milliards d'économies sont à trouver pour rehausser le budget de la France, François Bayrou doit rendre sa copie, mardi 15 juillet, en annonçant sa feuille de route pour le budget 2026. Le Premier ministre pourrait annoncer de nouvelles hausses d'impôts, contrairement à la promesse faite par Emmanuel Macron de ne pas augmenter la contribution des Français. Le député Les Républicains des Hauts-de-Seine, Philippe Juvin, est interrogé sur cette contradiction par Alix Bouilhaguet dans "La Matinale" du mardi 15 juillet.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Alix Bouilhaguet : À 16 h, François Bayrou va annoncer les grandes lignes du budget 2026. On le sait, sur la table, à peu près 40 milliards d'économies à faire. On évoque 35 milliards d'euros d'économies dans les dépenses publiques et 5 milliards de hausses d'impôts. Ça ne va pas un peu à l'encontre des promesses d'Emmanuel Macron qui disait qu'il n'y aurait de hausse d'impôts pour aucun Français ?
Philippe Juvin : D'abord, personne ne connaît le plan du Premier ministre.
Il ne vous a pas mis dans le secret, dans la confidence ?
Il ne m'a pas appelé pour me dire ce qu'il allait faire. D'ailleurs, je crois qu'il a travaillé assez seul pour éviter les fuites. Et maintenant, le débat ensuite - c'est le plan du Premier ministre - va se dérouler au Parlement, à l'Assemblée, au Sénat... Et on verra ce qu'on décide de prendre dans ce plan. Les priorités, selon moi, c'est d'abord dépenser moins, très clairement. On dépense plus qu'ailleurs. Dépenser mieux : on a des dépenses qui ne sont pas efficaces, ou peu efficaces. Et travailler plus, il faut travailler plus. Si on travaillait autant qu'en Allemagne, deux économistes de l'OCDE ont publié un document très intéressant il y a quelques semaines. Si nous avions le taux d'emploi, la quantité d'heures travaillées, qui sont celles de l'Allemagne, nous n'aurions pas de déficit cette année.
Dans ce volet "travailler plus", François Bayrou, songerait, paraît-il, à supprimer un jour férié. Est-ce que ça vous semble judicieux ?
On est dans la mise en œuvre des choses. La suppression d'un jour férié ne réglera pas la question. Quand vous comparez aux voisins, on voit que, quand vous prenez la quantité d'heures travaillées dans le pays, vous la divisez par le nombre de gens en âge de travailler, eh bien c'est 15 à 16 % d'heures en moins travaillées en France par rapport à l'Union européenne. Avec, deuxième observation, deux catégories de gens qui travaillent beaucoup moins qu'ailleurs : ce sont les jeunes et ce qu'on appelle les seniors au-dessus de 60 ans.
Une baisse des impôts pour "inciter les gens à travailler"
Là aussi, il y aurait des pistes. Il y aura aussi le fait de recourir davantage au temps partiel, le fait d'ouvrir les professions réglementées, je pense notamment aux boulangers, qui ne peuvent pas ouvrir sept jours sur sept... Là aussi, ce sont des pistes intéressantes ?
Penser que le dimanche, un certain nombre de commerces artisans ne peuvent pas ouvrir, parce qu'il y a des règles qui les contraignent, est absolument absurde. Mais il faut se poser aussi la question de fond : pourquoi les Français travaillent-ils moins qu'ailleurs ? Est-ce qu'ils sont paresseux, ou est-ce qu'il y a autre chose ? Je ne crois pas que les Français soient paresseux. En revanche, il y a deux sujets. D'abord, nous avons un système social qui désincite au travail. Et ensuite, nous avons trop d'impôts. Alors, vous allez me dire : quelle est la relation ? Simplement, les Français travaillent moins parce qu'ils sont intelligents. Ils ont compris que plus ils travaillaient, plus on les taxait, et qu'à partir d'une certaine quantité de travail, le travail ne valait plus. Le système entier désincite au travail. En baissant les impôts, très massivement, vous pousserez les gens à travailler et là, vous créerez quoi ? Les conditions de recettes fiscales nouvelles, etc.
On parle aussi d'une possible année blanche, c'est-à-dire un gel de toutes les prestations sociales et des pensions, du barème de l'impôt sur le revenu, des salaires des fonctionnaires, sans tenir compte de l'inflation. Ça vous semble à la hauteur ?
D'abord, ce n'est pas à la hauteur. On considère qu'une année blanche, si elle était appliquée totalement, ce serait de l'ordre de 15 milliards d'euros. Je crois que c'est 17 milliards, ça dépend de ce que vous mettez dedans. On va dire entre 13 et 17 milliards d'euros. Il en faut 45. C'est important, c'est un outil intéressant. Mais, premièrement, on ne peut pas geler toutes les dépenses, il y a des dépenses qu'on ne gèlera pas. Par exemple, la contribution de la France à l'Union européenne. C'est un traité international qui en fixe le montant et qui est revalorisé chaque année. Par exemple, chaque année, nous payons des intérêts de la dette. Ça, on ne va pas dire à nos prêteurs : 'Attention cette année, nous, on ne vous rembourse pas plus, puisque nous sommes plus endettés que l'année dernière'. Donc, tout ne peut pas être gelé. Deuxièmement, je pense que c'est utile parce que ça a un effet de levier très important. Mais, troisièmement, vous ne pouvez le faire qu'une fois. Vous n'allez pas le faire tous les ans. Je vous rappelle que les 45 milliards qu'il faut cette année, il les faudra l'année prochaine, et dans deux ans. Et, enfin, c'est une mesure de rabot un peu idiote qui permet de ne pas réfléchir. Le vrai sujet, c'est comment on redécoupe les contours de l'intervention de l'État. C'est ça, le sujet qui nous permettra à long terme de faire des économies.
Vers une censure des Républicains ?
30 000 ménages, aussi les plus riches, seraient dans le viseur avec un nouveau dispositif pérenne de lutte contre l'optimisation fiscale. Est-ce que pour les Républicains, c'est une ligne rouge ?
Non. Je pense qu'aujourd'hui, il faut être raisonnable et sérieux. On est dans un gouvernement, on ne va pas commencer à mettre des lignes rouges partout. Moi, ma philosophie, c'est que je pense qu'il faut qu'on baisse les impôts, qu'on dépense moins et qu'on travaille plus. Voilà la philosophie. Après, on verra comment on fait. Je vous dis simplement une chose : taxer les plus riches, d'abord, on le fait déjà. 75 % de l'impôt est payé par 10 % simplement des Français. Et deuxièmement, l'année dernière, on nous a fait le coup d'une taxe sur les très hauts revenus, vous savez, qui devait toucher 66 000 personnes. À la fin, cela ne touche que 16 000 personnes. Tout simplement parce que les très riches, comme on dit, ils sont déjà très, très éprouvés et très, très sollicités. Et de toute façon, ce type d'impôt n'apportera qu'une goutte d'eau au vrai sujet. Le vrai sujet, c'est si vous travaillez plus comme en Allemagne, encore une fois, je le répète, il n'y a plus de déficit. Et deuxièmement, nous avons une structure de la dépense de l'État qui est une dépense beaucoup plus chère qu'ailleurs.
Pour faire passer ce budget et éviter la censure, François Bayrou ne cesse d'en appeler à la responsabilité des partis politiques. Est-ce que les Républicains seront "responsables" ? Est-ce que Laurent Wauquiez, qui tient aussi le groupe à l'Assemblée nationale, sera "responsable" ?
Oui, nous serons responsables. La preuve, c'est que nous avons décidé de participer au gouvernement alors même que nous ne sommes pas d'accord sur tout. C'est un gouvernement de coalition. Je pense que les Républicains, eux, n'ont pas tant de lignes rouges, ils ont des principes. Et ces principes, je demande au gouvernement, je demande au Premier ministre de les prendre en compte. Après, nous prendrons nos responsabilités. Mais la question qu'il faut se poser, c'est : est-ce que le pays se tiendrait mieux s'il n'avait pas de gouvernement avec une motion de censure ou avec un gouvernement, et un budget imparfait ?
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