800 millions de colis, un quart du trafic postal : les chiffres fous de la fast-fashion chinoise en France
Le raz-de-marée de livraisons low cost commandées via les plateformes Shein et Temu alarme l’Europe. Confrontée aux lenteurs bruxelloises, la France cherche la riposte.
Passer la publicité Passer la publicitéOn ne verra pas leurs boutiques dans les rues, mais elles caracolent en tête des enseignes de mode les plus prisées des jeunes Français : Shein et Temu, deux géants chinois de la fast-fashion, représentent désormais entre un cinquième et un quart des colis portés par La Poste – contre 5 % il y a cinq ans. La clé de leur succès ? La vente de vêtements, de petits accessoires, et de meubles à des prix défiant toute concurrence, expédiés directement depuis la Chine, avec pour cible principale les jeunes de 18 à 25 ans. Entre 2023 et 2024, les ventes en valeur de Shein ont ainsi crû de 58 %, selon une étude de l’application de shopping Joko. Celles de Temu ont explosé de 178 % sur la même période.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, 800 millions de colis d’une valeur inférieure à 150 euros ont été livrés en France, sur un total de 1,5 milliard de colis. À l’échelle européenne, on grimpe à près de 4,6 milliards de colis, soit plus de 145 chaque seconde. Sur ce total, 91% provenaient de Chine, qui exporte désormais quatre fois plus qu’en 2020 vers le Vieux continent, via notamment les quelque 600 avions gros-porteurs qui atterrissent, chaque nuit, sur le sol européen. La limite des 150 euros par colis n’est pas fortuite : elle permet notamment d’échapper aux taxes douanières européennes, en vertu d’une législation datant de 2010 exonérant les envois de faible valeur.
90% de taxes aux États-Unis
Mais face à cette déferlante, qui pose de sérieuses questions sanitaires et environnementales autant qu’elle nuit aux commerces locaux, la France cherche la parade. L’affaire n’est pourtant pas simple : Bruxelles dispose d’une compétence exclusive en matière de politique douanière, laquelle ne devrait être réformée qu’à l’horizon 2028. D’ici là, la France pousse pour «l’instauration rapide au niveau européen d’un mécanisme de frais de gestion sur chaque petit colis entrant en Europe», a fait savoir mardi le ministère des Comptes publics. L’argent récolté servirait à financer les contrôles des produits importés.
Confrontés au même phénomène, les États-Unis n’ont, eux, pas attendu pour agir : début avril, Donald Trump a signé un décret faisant passer de 30 % à 90 % les droits de douane américains sur les petits colis envoyés de Chine. La mesure devrait augmenter les prix des articles d’au moins 50% pour les consommateurs américains, selon les calculs de Bloomberg. Mais cette décision aura aussi pour conséquence directe une pression accrue sur le marché européen, selon Michel-Édouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E.Leclerc : «On parle de la Chine mais imaginez le Vietnam, la Corée, le Bangladesh, même la Turquie, tous ces pays, face à l’incertitude d’un débouché américain, vont essayer de trouver d’autres débouchés, et l’Europe est le premier débouché en termes de puissance d’achat», a estimé hier le patron français.