Haute mer, exploitation minière… Après le sommet des océans, de nombreuses promesses à concrétiser

Arrivé à Nice dimanche 8 juin en bateau, Emmanuel Macron attendait les dirigeants de la planète d'un pied ferme avec une ambition : faire de la troisième conférence de l'ONU sur les océans un moment de "mobilisation". Cinq jours plus tard, c'est chose faite. Le sommet s'achève avec une ribambelle de promesses et de nouveaux engagements des États sur les aires marines protégées, la pollution plastique ou encore la sauvegarde d'espèces menacées.

Parmi ces annonces, qui devront encore se concrétiser lors de futurs sommets, certaines, comme la ratification prochaine d'un traité sur la haute mer, ont été unanimement salué comme de belles avancées. D'autres, en revanche, pas assez ambitieuses, ont laissé un goût d'inachevé aux défenseurs de l'environnement. Voici ce qu'il faut retenir de ce sommet.

 

 

Vers un traité pour mieux protéger la haute mer

C'était l'un des sujets les plus brûlants du sommet : la mise en place d'un traité sur la protection de la haute mer.

Ce texte, qui doit donner des moyens d'action pour protéger l'immense partie des océans qui ne relève d'aucune juridiction nationale, avait déjà été adopté par les États membres de l'ONU en 2023. Il devait cependant encore être ratifié par au moins 60 États pour entrer en vigueur.

Au moment où la conférence s'achève, le défi paraît presque relevé. En cinq jours, une vingtaine de pays ont promis de déposer leur signature. Le compteur affichait ainsi 51 ratifications vendredi matin et "quatorze pays supplémentaires auront ratifié le texte avant le 23 septembre", a assuré Olivier Poivre d’Arvor, l’ambassadeur français pour les pôles et les océans lors d'une conférence de presse.

Une fois le traité entré en vigueur, les pays qui l'ont ratifié se réuniront chaque année à l'occasion d'une COP consacrée à la haute mer. Ils pourront notamment y décider de la création d'aires marines protégées qui existent aujourd'hui principalement dans les eaux territoriales.

"C'est un progrès incroyable", a salué Rebecca Hubbard, de la High Seas Alliance, un regroupement d'une cinquantaine d'ONG.

Le combat se poursuit contre l'exploitation minière des fonds marins

À Nice, de nombreux États ont aussi durci le ton concernant l'exploitation minière des fonds marins, au moment où Donald Trump, le grand absent du sommet, ne cache plus son ambition d'aller y extraire des minerais rares.

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"Les abysses ne sont pas à vendre", a ainsi lancé Emmanuel Macron, renouvelant son appel à un moratoire sur la question. Il a été rejoint par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. "Les grands fonds ne peuvent pas devenir un Far-West", a-t-il affirmé.

Mais ces appels n'ont pas permis de mobiliser massivement. Seulement quatre pays ont décidé de rejoindre les signataires pour un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins : la Lettonie, la Slovénie, Chypre et les îles Marshall, faisant passer le groupe de 32 à 37 pays. Encore trop peu pour faire la différence parmi les 169 États membres de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM), chargée de rédiger un code minier.

Déception autour des aires marines protégées

De nombreux États ont aussi profité du rendez-vous pour afficher des ambitions en hausse en matière d'aires marines protégées. De la Colombie aux Samoa, en passant par le Portugal ou la Grèce, 14 pays ont ainsi annoncé créer de nouvelles zones où les activités humaines sont réglementées pour préserver les écosystèmes marins. D'autres ont renforcé la protection de leurs aires existantes, notamment en y interdisant le chalutage de fond.

Mais, sur cette question, la France a déçu. Si le chef de l'État a annoncé mardi sur France 2 que 78 % des eaux françaises seraient bientôt préservées grâce à la création de la plus grande aire marine protégée du monde en Polynésie française, il a aussi indiqué que seulement 4 % des eaux françaises hexagonales seraient interdites au chalutage de fond, une activité connue pour ses effets néfastes sur l'environnement. Un paradoxe soulevé de concert par les ONG de défense de l'environnement, qui dénoncent une protection de façade et insuffisante.

Protection des requins, mer silencieuse...

En parallèle, le sommet a vu naître diverses alliances. Plus d'une quinzaine de pays ont ainsi lancé, mercredi, une coalition pour stopper l'extinction des requins et des raies, sous l'égide d'ONG et d'organismes internationaux. La population de ces animaux majestueux, mais aux cycles de reproduction lents, a été réduite de moitié depuis 1970 et 37,5 % des 1 200 espèces sont considérées comme menacées d'extinction, selon une étude publiée fin 2024 dans la revue Science.

Pour les sauver, la coalition vise à protéger leur habitat à travers des plans de gestions spécifiques dans les aires marines protégées, à lutter contre le commerce illégal, essentiellement d'ailerons de requins, et à mettre en œuvre une coordination internationale au sein d'un groupe intergouvernemental.

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Une autre coalition de 37 pays, menée par le Panama et le Canada, s'est aussi engagée à combattre une menace majeure mais invisible dans les océans : la pollution sonore du transport maritime, qui nuit à de nombreuses espèces sous-marines. Baleines, dauphins, poissons... de nombreuses espèces sont en effet affectées par cette pollution qui interfère avec leur capacité à se diriger, communiquer, chasser, se reproduire et éviter les prédateurs.

Pour ce faire, ces pays, dont la France fait partie, s'engagent à faire progresser la conception et l'exploitation de navires plus silencieux au sein de l'Organisation maritime internationale.

Appel à lutter contre la pollution plastique

Chaque année, des millions de tonnes de plastique s'infiltrent, sous forme de microplastique, dans les océans. Lors du sommet, 96 pays, dont la France, ont donc signé un appel "pour un traité ambitieux" contre la pollution plastique. "Nous demandons l'adoption d'un objectif mondial visant à réduire la production et la consommation de polymères plastiques primaires à des niveaux durables", assurent les signataires de ce texte.

Cette déclaration symbolique intervient quelques semaines avant la reprise de pourparlers sur cette question prévus à Genève en août. Elle vise donc à mettre la pression sur les pays opposés à toute limitation de la production mondiale, comme l'Arabie saoudite, la Russie, ou encore l'Iran - essentiellement des producteurs de pétrole.

Graham Forbes, de l'ONG Greenpeace, a vu dans cette déclaration "le signal d'alarme dont le monde a besoin". "Les gouvernements disent enfin haut et fort : nous ne pouvons pas mettre fin à la pollution plastique sans réduire la production de plastique. Point final", a-t-il félicité dans un communiqué.

Les énergies fossiles absentes

Ce sera la déception principale. Alors qu'elles sont les premières responsables du réchauffement et de l'acidification de l'océan, les énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon) ont été les grandes absentes des discussions et ne sont pas mentionnées dans le projet de déclaration finale adopté en clôture du sommet

Le texte dénonce ainsi "les effets néfastes du changement climatique" pour l'océan et ses écosystèmes, sans pour autant plaider en faveur d'une "transition" vers l'abandon des énergies fossiles, comme lors de la COP28 de Dubaï en 2023.

Avec AFP